Cet été, Egora dresse les portraits de médecins hors du commun. Sportifs, artistes, musiciens… ils mènent de front leur carrière et leur passion. Aujourd’hui rencontre avec Olivier Kourilsky. “Dilettante professionnel”, comme il le répète à l’envi, Olivier Kourilsky est un touche-à-tout dont la curiosité et l’affabilité semblent sans limites. En un coup d’oeil à sa biographie, on comprend cependant qu’éclectisme ne rime pas forcément avec amateurisme, ni intelligence avec suffisance.
 

 

Ce médecin néphrologue au parcours impressionnant est, à presque 70 ans, un jeune retraité hyperactif et l’auteur de six romans policiers. Parti de l’hôpital il y a trois ans, il consulte encore un jour par semaine, gère un centre d’auto-dyalise “par amitié pour les patients”, et contribue à une association, la Ligue rein et santé. Il fait aussi du piano, du judo et du théâtre, quand il ne se rêve pas en train d’adapter ses romans pour le cinéma.

 

Je me mettais à écrire sur un coin de table, pendant une garde

Avec les lunettes fines qui encadrent ses yeux clairs, une écharpe dont le violet inattendu contraste avec le blanc de sa chemise, et surtout ses sourires toujours francs, le “Docteur K”, comme l’appellent ses fans et amis, mêle élégamment simplicité et fantaisie : “J’ai commencé à écrire des romans policiers à 50 ans, alors que je pratiquais encore. Je me mettais à écrire sur un coin de table, pendant une garde. Je m’y suis mis tout simplement parce que j’adore raconter des histoires et que je ne me prends pas assez au sérieux pour écrire un roman classique”, résume-t-il. Et de préciser : “J’ai fait 33 éditeurs avant d’en trouver un qui publie mon premier roman, Meurtre à la morgue.”

Né un 1er avril, ce qui le prédestine sans doute à l’autodérision, c’est davantage en surdoué qu’en dilettante qu’il entame ses études après un bac scientifique (“math elem”, à l’époque) passé à 15 ans. Une fois en Fac de médecine, il s’en remet à son père, qui lui conseille de s’orienter vers la néphrologie.

 

La médecine est une histoire de famille

Car chez les Kourilsky, la médecine est une histoire de famille. Elle commence avec le grand-père, médecin de campagne arrivé de Russie en 1880, se poursuit avec le père, Raoul, professeur de pneumologie à la Faculté de Médecine de Paris et chef de service à l’hôpital Saint-Antoine, où un bâtiment porte son nom et où la mère, Simone, ancienne interne et chef de clinique, était son assistante. Le petit Olivier, dès l’âge de 10 ans, suit ses parents dans les couloirs de Saint-Antoine, et commence à se rêver médecin.

“Les premiers médecins que j’ai admirés, c’est mon père et ma mère”, confie le Docteur K. “Avec ma famille, nous formons un clan soudé, et nous nous voyons encore très souvent. Dans une semaine nous avons un dîner, c’est une habitude, et c’est tout juste si les voisins n’appellent pas la police tellement nous faisons du bruit”, raconte-t-il, amusé.

De ce clan, il reste aujourd’hui cinq membres, depuis la mort des parents il y a de nombreuses années et celle d’une sœur aînée l’an dernier. Parmi eux, François, qui deviendra directeur général du CNRS, Elisabeth, professeure d’endocrinologie, ou encore Philippe, polytechnicien devenu directeur général de l’Institut Pasteur. De cette famille exceptionnelle, Olivier Kourilsky a indéniablement tiré une force et une assurance, mais aucun orgueil. Lui-même père d’un garçon, Grégory, chercheur travaillant sur les textes bouddhiques sacrés au Laos, il est marié à Sophie, sa deuxième épouse, styliste.

 

Une dame à qui j’avais fait une greffe il y a 25 ans est venue me voir

Après ses parents, le jeune interne de 22 ans admirera le Professeur Jean Hamburger, à Necker, dans le service duquel il découvre la néphrologie et la transplantation, qui est alors à ses débuts. Viendra ensuite le Professeur Gabriel Richet, à Tenon, auprès de qui il finit son internat puis effectue un clinicat de sept ans. “Mon père avait raison, explique le Docteur K, la néphrologie est passionnante, d’abord parce qu’on est obligé de s’asseoir sur des connaissances physiologiques. Ensuite sur le plan humain, parce qu’on suit les gens pendant des décennies. Par exemple quand je suis allé signer un de mes livres à Toulon, une dame à qui j’avais fait une greffe il y a 25 ans est venue me voir avec son mari. Elle a fait 120 kilomètres pour ça”, confie-t-il, ébahi.

A partir de 1979, Olivier Kourilsky participe au comité de pilotage du nouvel hôpital Louise Michel d’Evry Courcouronnes. A l’âge de 37 ans, il devient médecin chef du seul service de néphrologie-dialyse en hôpital public du département de l’Essonne, qui reste à monter de A à Z. C’est de cette période qu’il garde aujourd’hui le meilleur souvenir, sur le plan professionnel. Ainsi que de “la joie” dans laquelle il travaillait à Tenon avec Gabriel Richet, qu’il se plaît à imiter à ses proches. Une joie communicative, qui poussait les internes à se jeter sur les gardes d’Olivier Kourilsky devenu médecin, comme le raconte en 2005 Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, en lui remettant la Légion d’honneur. Une joie qui apparaît enfin en filigrane dans les mots de sa compagne Sophie : “C’est quelqu’un de profondément bon, qui s’intéresse beaucoup aux autres et a besoin d’avoir du monde autour de lui.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Charlie Vandekerkhove