MEDECINS A L’ETRANGER (2/6) – Nous poursuivons notre tour du Monde à la rencontre de médecins généralistes, avec un arrêt en Espagne aujourd’hui. Depuis la crise, leurs conditions d’exercice ne cessent de se dégrader, et il n’y a aucune lueur d’espoir à l’horizon.

 

“Nous sommes des fonctionnaires de l’Etat”, annonce d’emblée le Dr Cesar Granado Viera, médecin généraliste de 46 ans, exerçant à l’hôpital d’Hospitalet de Llobregat, une banlieue populaire de Barcelone. C’est sans aucun doute ce qui le différencie le plus de ses confrères français. “Entre les patients et nous, il n’est donc jamais question d’argent.” Sur chaque carte vitale est indiqué le nom du centre de santé correspondant au lieu de résidence de l’assuré ainsi que le nom du médecin généraliste assigné. Ainsi, ce sont les pouvoirs publics qui déterminent la patientèle de chaque médecin, en fonction de la zone géographique dans laquelle il se trouve.

Depuis des années, celle du Dr Granado n’a cessé de croître. “Avec la crise et les restrictions budgétaires, les médecins partant à la retraite ne sont pas remplacés et il n’y a pas non plus de créations de postes, raconte le médecin, originaire de Cuba. A Hospitalet, la population a beaucoup augmenté ces dernières années, notamment avec l’arrivée d’immigrés. Aujourd’hui, j’ai en charge 1600 patients alors que la moyenne tourne plutôt autour de 1400-1500.”

 

10 minutes par patient

Pour pouvoir soigner tout ce monde, son planning est réglé au millimètre : dix minutes par patient pour une semaine de 37,5 heures. “Avant on était à six minutes par patient, donc ça va un peu mieux mais c’est évident que les conditions de travail ne sont pas idéales.” Lui ne parvient jamais à être dans les temps et accuse chaque jour un retard allant de 30 minutes à une heure, auquel il faut ajouter le travail administratif. Des heures sup’ qui ne sont pas prises en charge.

“Je consacre à chacun de mes patients le temps nécessaire même si je sais que je suis en train de perdre de l’argent. C’est une question d’éthique, et je ne saurai pas faire autrement de toute façon. Je ne vais pas passer mon temps à surveiller ma montre. Et puis, en plus de mes consultations, il y a toute la paperasse administrative qui me prend un temps fou.”

Une prime aux objectifs, semblable à la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) créée en France, vient quand même mettre du beurre dans ses épinards tous les ans. D’environ 5000 euros, elle valorise la prévention, la diminution du coût moyen des ordonnances, la vaccination de la population…Le Dr Cesar Granado Viera s’en sort bien puisqu’il a atteint l’an dernier un taux de 88% d’objectifs réalisés. “C’est plutôt un exploit vu le temps dont on dispose!”

 

Une profession sacrifiée

Cesar Granado Viera dénonce également un système de santé à deux vitesses dans la péninsule. “Ceux qui en ont les moyens prennent une mutuelle et vont dans le privé, s’évitant ainsi les longues listes d’attentes qui caractérisent le système public espagnol. C’est vraiment dommage qu’on en soit arrivé là parce que c’est un système qui offre une grande qualité de soins, avec une couverture globale pour tous les patients et une formation assidue des médecins. Nous luttons pour le sauvegarder mais les réductions budgétaires sont devenues trop importantes.”

S’il adore son métier, ses collègues et sa patientèle, il ne refuserait pas une offre de poste mieux payée et avec de meilleures conditions de travail, même si c’est à l’étranger, et même s’il doit s’installer au fin fond de la campagne auvergnate ou franc-comtoise. “J’irai sans hésiter! La profession en Espagne est trop sacrifiée.” Finalement, quand on lui demande s’il y a des avantages à être salarié plutôt que libéral, il répond, catégorique : “Non, aucun !”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Concepcion Alvarez