Les performances des différents vaccins varient, à l’image des virus, au fil de l’émergence des nouveaux variants.

Constats et ripostes des chercheurs, avec le Dr Aurélie Wiedemann, immunologiste à l’Institut de recherche vaccinale (VRI), Inserm U 955 (Université de Créteil).

 

Egora-le Panorama du Médecin : Les vaccins aujourd’hui disponibles sont-ils adaptés aux variants du Sars-CoV2 ?

Dr Aurélie Wiedemann : Si le variant anglais du Sars-CoV-2, B117, est plus transmissible, peut-être plus létal, touche davantage les plus jeunes, les vaccins qui protègent du virus “ancestral“ restent très efficaces vis-à-vis de ce nouveau virus. En particulier les deux premiers vaccins, à ARN messager, Pfizer et Moderna. Les anticorps induits par ces deux vaccins, ainsi que par le vaccin AstraZeneca, exercent encore très bien leur activité neutralisante : les résultats encourageants enregistrés en Grande-Bretagne nous le confirment, et ce, à grande échelle.

Plus problématiques, le variant sud-africain et dans une moindre mesure, puisqu’il est peu présent en Europe et que nous avons par conséquent peu de données, le variant brésilien. En effet, si les vaccins Pfizer et Moderna sont dotés d’une efficacité très haute sur la souche historique, 90 à 95 %, celle-ci serait diminuée de 30 à 40 % pour la souche sud-africaine. En ce qui concerne le vaccin à venir de Johnson et Johnson, son efficacité est de 64 % vis-à-vis de la souche sud-africaine, versus 72 % contre le virus historique.

Cela dit, pour l’heure, la souche sud-africaine est assez confidentielle en France et les projections prévoient que d’ici fin avril, les contaminations seront, pour la presque totalité (à 100 % !), le fait du variant anglais…

 

 

Pourquoi cette moindre efficacité des vaccins vis-à-vis des prochains variants ?

Les vaccins ont jusqu’ici visé la protéine Spike (S) du Sars-CoV-2. Or c’est elle qui s’est transformée dans les nouvelles souches de virus… Les anticorps neutralisants la reconnaissent ainsi moins bien. En riposte, Moderna a signalé qu’elle pouvait modifier son vaccin pour l’adapter à un nouveau variant en 6 semaines : c’est le très gros avantage des vaccins ARN messagers que de s’adapter en temps quasi-réel aux variants émergents. Moderna a d’ailleurs déjà fabriqué son vaccin dédié, actuellement en cours d’essai clinique (depuis un mois) avec les National Institutes of Health (NIH). Si le sud-africain devait prendre le dessus en termes d’incidence un jour, c’est effectivement un vaccin modifié qui conviendrait le mieux. Par ailleurs, Moderna et Pfizer ont annoncé travailler sur “la 3è dose“, qui serait un rappel permettant de lutter contre le virus muté.

Étant donné le niveau de circulation de ces virus, il est parfaitement normal que des variants apparaissent ; le tout est qu’ils n’échappent pas aux vaccins…

 

La piste d’un vaccin “universel“ est-elle envisageable ?

Peut-être devra-t-on envisager à terme un vaccin nouveau dirigé contre une nouvelle version du Sars-CoV-2 chaque année, comme pour la grippe saisonnière ? Les vaccins développés actuellement restent de très bons vaccins, et pour le vaccin Janssen raisonnablement efficace sur les variants que l’on connaît aujourd’hui, en une dose seulement.

Le véritable défi que nous devrons relever est celui de vacciner le Monde entier, éventuellement de façon réitérée. On réfléchit maintenant à des vaccins de deuxième génération où l’on choisit d’autres protéines virales que Spike de manière à ce que l’immunité soit conservée en dépit des mutations que pourrait connaître le virus originel. Un travail d’orfèvre que nous menons dans notre laboratoire en particulier. Nous sommes actuellement en train de tester en phase pré-clinique un type de vaccin innovant contre Sars-CoV-2 qui cible les cellules dendritiques. Il s’agit d’une technologie innovante que nous développons depuis plusieurs années au VRI et grâce à laquelle nous avons mis au point un candidat vaccin contre le VIH pour lequel nous commençons actuellement une étude clinique de phase I sur des volontaires sains.

Dans ce vaccin anti-Sars-CoV-2, il y a bien évidemment la protéine Spike, mais également une autre protéine virale, ce qui permettra d’élargir la réponse vaccinale, alors plus variée, avec des anticorps neutralisants qui ciblent plusieurs sites dans le virus.

 

 

En développement encore, le vaccin Novavax de GSK qui devrait être mis à disposition avant l’été et qui s’appuie sur une autre technologie, à protéine recombinante. Ce vaccin se compose de protéines Spike (S) de Sars-CoV-2, dans leur intégralité. Ces protéines sont insérées dans des nanoparticules lipidiques. On obtient ainsi des “rosettes“ portant chacune quelques copies de S, présentées aux cellules immunitaires comme c’est le cas avec une particule de Sars-CoV-2. À cette construction, est ajouté un adjuvant. Selon les premières données, ce vaccin serait efficace à 95,6 % sur le virus “historique“, à 85,6 % sur le variant britannique et 60 % sur le sud-africain. Enfin, un vaccin de CureVac, à ARN messager, devrait être proposé prochainement.

 

* Le Dr Wiedemann déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Brigitte Blond

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