Mi- août, vers deux heures du matin, un détenu armé, blessé par balles la veille dans un bar de la ville, a brièvement” pris en otages” plusieurs infirmières du service de chirurgie cardiaque de l’hôpital Nord de Marseille (13), pour empêcher ses poursuivants de revenir et l’achever. On ne l’a appris qu’hier mercredi, jour où les ministres de la Santé et de l’Intérieur ont relancé un plan de prévention de la violence dans les établissements de santé et en ville.

 

Dans La Provence, le Pr. Pascal Thomas, chef du service de chirurgie thoracique, relate l’agression de la nuit du 12 au 13 août : “Il a fait irruption dans les couloirs du service, un revolver à la main. Il interdisait à quiconque d’entrer ou de sortir de l’unité, menaçant de buter le premier qui désobéirait ou qui donnerait l’alerte, raconte le professeur. “Il était convaincu que ses agresseurs le cherchaient partout dans l’hôpital pour l’exécuter. Alors il s’est fait amener une arme par un ami”, poursuit ce spécialiste de la greffe pulmonaire. Contactées, les forces de l’ordre ont rapidement réussi à maîtriser l’individu, qui a pu, selon une source proche du dossier, regagner librement son domicile car aucune plainte n’a été déposée. En revanche, son arme n’a pas été retrouvée.

 

“L’administration de l’hôpital ne protège pas ses agents”

Depuis cette prise de parole dans La Provence, le Pr. Pascal Thomas refuse toute interview dans la presse. Barrage de son secrétariat. Il faut dire que l’affaire a pris une tournure politique, en pleine campagne des municipales. Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, s’est d’ailleurs fendu d’un démenti. “Contrairement à ce qui a été rapporté par La Provence, il n’y a eu ni prise d’otages ni séquestration à l’hôpital Nord. En revanche un incident qui n’était pas anodin mais qui n’a été caché par personne, a bien eu lieu. …” “Les soignants qui ont été victimes de l’agression n’ont pas porté plainte car ils ne voulaient pas donner leur identité par peur des représailles”, avait expliqué l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) au quotidien régional.Ces incidents “n’ont fait l’objet d’aucun signalement au parquet” confirme le nouveau procureur de la République de Marseille Brice Robin à Libération, qui a immédiatement ouvert “une enquête préliminaire”.

Secrétaire général départemental de Force ouvrière, chargé de la branche santé publique, René Neuherz n’y va pas par quatre chemins pour être encore plus clair, car il connaît bien ce CHU. “Les personnels de santé habitent le même secteur que le délinquant. Leurs vêtements de travail les identifient. Porter plaine, c’est clairement se mettre en danger. Ce n’est pas à eux de le faire, mais à l’administration de l’hôpital, qui ne protège pas ses agents”, s’insurge-t-il. L’administration ne l’aurait pas fait, pour ne pas ébruiter ces affaires récurrentes à l’hôpital Nord de Marseille, insinue le syndicaliste…Attitude fréquente de la part de l’administration, confirme le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), interrogé aujourd’hui jeudi dans Libération.

Comment réagit René Neuherz à l’annonce du renforcement du dispositif de prévention et de sécurité auprès des établissements de santé, et des cabinets libéraux annoncé hier par Marisol Touraine, ministre de la Santé et Manuel Valls, son homologue de l’Intérieur ? “Il y a un an, on nous avait déjà annoncé la même chose et depuis, la violence s’est accrue. C’est une perte de chance ! Pas besoin de grands messes pour savoir ce qu’il faut faire pour protéger les personnels de santé, à commencer par la pratique de la vidéo-surveillance systématique, les services des urgences reliés au commissariat de police avec une alarme et des renforts de police. C’est une présence policière qu’il faut, par l’armée comme vient de le demander la sénatrice-maire PS Samia Ghali”, en piste pour les municipales dans la citée phocéenne. Le syndicaliste veut des policiers car les agents de sécurité recrutés dans des officines privées, “ne pèsent pas lourds avec leurs bombes lacrymogènes”, alors que les armes blanches circulent à l’hôpital, et que les truands se tirent dessus avec des armes de guerre…

 

+ 80 % d’agressions ou incivilités recensées en un an

“D’après les services de l’État, il ne s’agirait pas d’une prise d’otages, mais de voyous qui ont tenté de faire entrer illégalement une arme au sein de l’hôpital et menacé certains personnels, ce qui est inacceptable”, a commenté pour sa part la ministre délégué aux Personnes handicapées, élue de longue date de Marseille, Marie-Arlette Carlotti, qui a beaucoup tweeté sur le sujet. Elle a par ailleurs précisé que le directeur de l’AP-HM s’est ouvert de cet incident à Jean-Marc Ayrault, le 20 août, lors d’une réunion à laquelle participait le premier ministre (et cinq de ses ministres) dans la cité phocéenne, au lendemain d’un nouveau règlement de comptes mortel dans les quartiers nord de la ville.

C’est au cours de cette réunion que la décision d’actualiser et de renforcer si besoin en était, la convention entre les forces de l’ordre et l’hôpital a été prise, dans le but de mieux protéger patients et personnels hospitaliers. L’annonce de cette actualisation est intervenue hier, sous la forme d’un communiqué co-signé par Marisol Touraine et Emmanuel Valls.

Les deux ministres ont décidé de procéder au recensement des conventions existant entre les établissements de santé et les services des forces de sécurité de l’Etat. Puis, en lien avec les agences régionales de santé, de prendre les mesures nécessaires pour informer les personnels, diagnostiquer les situations à risque, renforcer éventuellement les dispositifs de sécurité et enfin, actualiser les protocoles d’intervention des forces de sécurité auprès des établissements et des personnels. On peut se demander si ces dispositions, qui seront lentes à se mettre en place, seront de nature à stopper la vague de violence qui déferle depuis plusieurs mois sur l’hôpital : + 80 % d’agressions ou incivilités recensées en un an par l’observatoire national des violences en milieu de santé. Un terrible record.

 

L’armée à l’hôpital ?

“La violence est indissociable de l’exercice de la médecine urgences, ajoute Patrick Pelloux. On se tue à l’arme lourde à Marseille, on se tire dessus aux urgences, déclare-t-il en substance à Libération. Mais il n’est pas question, affirme-t-il, de suivre la sénatrice PS qui appelait jeudi matin au déploiement de l’armée dans les hôpitaux, comme dans les gares. “ C’est n’importe quoi ! On n’est pas en guerre civile ! Nous souhaitons que l’initiative de sécurisation des urgences vienne des préfets (…)”.

Patrick Pelloux demande un rapprochement entre les services d’urgence et la police, “pour que les interventions soient plus rapides et réactives, ainsi que des moyens pour travailler sereinement”. Il imagine des aménagements architecturaux, des sas pour les malades les plus violents et ceux en état d’ébriété. Le président de l’AMUF a eu déjà l’occasion de rappeler que les temps d’attente trop longs liés au manque de personnel étaient souvent à l’origine d’agression du personnel soignant. Il ajoute dans Libération que c’était “une des raisons qui avait provoqué l’agression d’un infirmier à Marseille il y a quinze jours.” Une fois de plus.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

 

[Avec laprovence.fr, lefigaro.fr et liberation.fr]