Qu’elles soient pulmonaires, cardiaques ou encore psychologiques, les séquelles des patients ayant présenté une infection à Sars-CoV-2 sont nombreuses et variées. Elles restent cependant encore mal évaluées. Pour Egora, le Pr Jean-Jacques Mourad, chef du service de médecine interne de l’Hôpital Saint-Joseph à Paris, fait le point.

 

Egora : Quelles sont les séquelles pulmonaires de l’infection à Covid ?

Pr Jean-Jacques Mourad : Nos patients de la première vague sont soit décédés, soit en convalescence après de longs séjours en réanimation ou sortis guéris. Ce que nous avons constaté, c’est un décalage entre l’“intensité“ des images au scanner et le statut clinique de ces malades qui semblent guéris : des images impressionnantes, de “verre dépoli“, qui se densifiaient au fil du séjour en réanimation ou en salle, notamment lors des “orages cytokiniques“. Pour certains, des embolies pulmonaires ont été observées.

Pour ces patients à formes sévères qui ont été très oxygéno-dépendants, un scanner de contrôle dans les trois mois qui suivent l’épisode aigu est indiqué. Peut-être aurons-nous de bonnes surprises, avec une absence de pic de maladies fibrosantes à l’instar de ce que les médecins ont observé au décours des pandémies grippales de 1957 et 1969 ? Comme on ne sait pas ce que vont devenir ces images, un scanner programmé est donc indiqué, puis, éventuellement, en fonction des séquelles, des épreuves fonctionnelles respiratoires.

 

 

Qu’en est-il des séquelles cardiaques et/ou vasculaires ?

Les données, rassurantes chez l’enfant, laissent augurer d’une récupération totale et rapide. L’atteinte myocardique, possible pour les adultes aussi, est anecdotique.

Un certain nombre de patients toutefois ont présenté des thromboses et des embolies artérielles ou veineuses extrêmement bruyantes, à l’origine de nombreux décès… Lorsque ces embolies ont été identifiées suffisamment tôt, les patients ont été mis sous héparine de bas poids moléculaire. Faute de consensus aujourd’hui sur la durée du traitement (6 mois classiquement), l’intérêt du maintien d’une anticoagulation efficace devra être évalué à distance.

Une certitude née de notre expérience dans le service est que la prise en compte de la composante thrombogène précocement, avec des anticoagulants administrés préventivement, tant en salle qu’en réanimation, dès lors que les biomarqueurs (D-dimères, CRP et ferritine) annonçaient l’orage cytokinique, a transformé le pronostic de nos patients.

 

La réanimation a-t-elle laissé des traces, autres que cardiopulmonaires ?

En raison des longs séjours rendus nécessaires pour les formes graves de l’infection à Covid, nous avons observé, en plus de la diminution de la force musculaire, des “neuropathies de réanimation“, démyélinisantes, avec une perte de la conduction motrice des membres inférieurs et parfois des membres supérieurs : les patients ne tenaient plus debout, avaient perdu le contrôle moteur. Par ailleurs, ils présentaient à leur retour en salle des troubles cognitifs, une agressivité, une confusion, avec une relative amnésie des évènements qui ont précédé le séjour en réanimation. Ces troubles psychiques mériteraient une évaluation clinique au fil des prochaines consultations en ville.

 

 

Quels conseils plus spécifiques aux médecins de famille ?

Il s’agit d’être attentif aux symptômes respiratoires, dyspnée d’effort en particulier. Au-delà du scanner (et des EFR si elles sont indiquées), une évaluation cardiopulmonaire peut être informative : échographie cardiaque et angioscanner pulmonaire de contrôle, pour ne pas méconnaître un cœur pulmonaire chronique qui se développerait à bas bruit. Il est aussi nécessaire d’être attentif à la survenue ou à l’aggravation de troubles anxio-dépressifs. Enfin, la rééducation musculo-squelettique peut être longue…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Brigitte Blond

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