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EGORA – Jusqu’à “20 000 euros” de frais non pris en charge : les Padhue vont-ils devoir payer pour se former ?

Un collectif réunissant une centaine de lauréats des EVC 2024 a déposé un recours au Conseil d’Etat contre l’arrêté du 28 août 2025 qui leur impose de se former à l’université en dehors de leur temps de travail et à leurs frais pour valider leur parcours de consolidation des compétences.

Aveline Marques

Argent

Assurer une garde à l’hôpital ou suivre un cours à la fac de médecine ? C’est le dilemme auquel des milliers de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) pourraient bientôt être confrontés. L’arrêté du 28 août 2025 impose en effet aux lauréats des épreuves de validation des compétences (EVC) de s’inscrire en formation initiale à l’université pour accomplir leur parcours de consolidation des compétences (PCC). Selon les spécialités, un à trois DU ou DIU sont nécessaires à l’obtention de l’autorisation d’exercice. Mais auparavant “cela s’organisait en formation médicale continue, sur des séminaires de deux jours“, relève Sami Mhidia, coordinateur d’un collectif réunissant une centaine de Padhue. 

Ce nouveau cadre de formation met en difficulté les praticiens concernés, en particulier ceux qui sont en poste dans les déserts médicaux, pointe-t-il. Ils vont devoir “gérer le déplacement, l’hébergement, tout ça en plus de leurs dix demi-journées de service, de leurs gardes et de leurs astreintes“. En l’absence de convention signée avec l’hôpital et la faculté, contrairement aux internes, aucun défraiement ni temps dédié pour la formation n’est prévu pour les praticiens associés. “C’est soumis au bon vouloir des hôpitaux“, commente Sami Mhidia, dont l’épouse – lauréate des EVC 2024 en médecine générale- est concernée. 

Résultat : entre les frais d’inscription, le transport, le logement et le “manque à gagner”, certains Padhue vont devoir débourser de leur poche jusqu’à 20 000 euros, “alors que leur rémunération est comprise entre 36 000 euros et 41 000 euros” par an, calcule le collectif. Ces “médecins expérimentés, avec 8-15 ans de pratique, qui forment des internes, paient pour aller en cours tandis que les internes qu’ils encadrent sont rémunérés pour apprendre”, dénonce-t-il. 

Lire aussi : EVC 2024 : les médecins étrangers dénoncent une “anarchie totale” et “des décisions arbitraires”

Estimant que ces dispositions sont contraires à la directive européenne 2019/1152 “applicable aux agents publics contractuels qui impose que toute formation soit fournie gratuitement, considérée comme temps de travail et organisée pendant les heures de service”, le collectif a décidé de contester la légalité de cet arrêté devant le Conseil d’Etat. Un premier recours en référé, qui devrait être examiné “dans les prochaines semaines”, vise à obtenir sa suspension, tandis qu’un second recours demande son annulation et “l’aménagement d’un cadre de formation acceptable”.

Cet arrêté constitue également “une menace pour la santé publique”, selon le collectif, car ces médecins “sont indispensables à la continuité des soins, en particulier dans des régions sous-dotées”. S’ils doivent les remplacer par un praticien intérimaire, les établissements risquent de rechigner à les libérer le temps de leur formation, pointe Sami Mhidia.

Des universités “surchargées”

Mais le comble, c’est que certaines universités retardent voire refusent leur inscription car elles “sont surchargées“, explique ce porte-parole. “Il n’y a pas assez de coordinateurs de DES.” Alors que les UFR de médecine ont déjà dû absorber un nombre accru d’étudiants avec la hausse puis la suppression du numerus clausus, “l’Etat leur demande de gérer 4000 étudiants de plus [NDLR : le nombre de lauréats des EVC 2024] en l’espace d’un an“. L’an prochain, elles devront composer avec les lauréats des EVC 2025, soit 4400 praticiens supplémentaires.

Pour essayer de retarder les choses“, les neuf universités dont dépendent les requérants représentés par Sami Mhidia “disent soit qu’elles n’ont pas encore reçu d’instruction de la part des ministères, soit qu’elles n’ont pas de places, soit elles demandent des documents impossibles“. Les Padhue de la subdivision de Nice se sont vu réclamer “une lettre de recommandation“, tandis que ceux de Paris doivent fournir “une copie traduite de leur baccalauréat“. “A quel moment on vient demander une copie du bac à des médecins qui ont réussi un concours national où il y a 80% d’échec ?”, s’offusque Sami Mhidia. “Pourquoi pas les notes de CM2 ?

Pour le collectif, dans ces conditions, la “plupart” des Padhue sont condamnés à échouer et à “redoubler indéfiniment, restant dans un statut précaire et sous-payé”. 

 

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