CONTRAINDRE OU INCITER ?
Une fois de plus, Monsieur Guillaume Garot, député, va porter à l’Assemblée nationale un projet de loi, signé par 237 députés issus de tous les partis sauf du Rassemblement national. L’objet est de lutter contre la désertification médicale afin d’améliorer l’accès aux soins.
Certaines mesures proposées sont radicales à l’encontre des seuls médecins libéraux : fin de la liberté d’installation, obligation de participer à la permanence des soins (PDSA), augmentation des dotations aux centres de santé qui salarient des médecins généralistes, fin du secteur 2.
Si l’objectif est louable, tous les acteurs de notre système de santé, y compris tous les ministres de la Santé depuis vingt ans, ont estimé que la démographie des médecins généralistes est telle aujourd’hui (87 % de zones sous-dotées et 13 % de zones suffisamment dotées, mais pas surdotées) que des mesures coercitives ne feraient qu’aggraver l’accès aux soins, car de plus en plus de médecins généralistes choisissent de ne pas être médecin traitant et préfèrent aller travailler à l’hôpital ou dans des centres de soins non programmés ou pour des plateformes de téléconsultation, ou pratiquer la médecine esthétique.
Pourquoi rendre obligatoire la PDSA alors que 97 % du territoire est couvert. L’exemple, ce mois-ci, de la commune de Bully (Rhône) ne devrait-elle pas interroger nos parlementaires ? Une médecin de Bully, avec une activité de médecin traitant bien au-dessus de la moyenne dans un désert médical et qui décide d’arrêter sa participation à la PDSA, voit arriver la gendarmerie dans son cabinet pour l’obliger à y participer. Résultat : elle est en arrêt de travail !
Alors que chacun reconnaît que le financement des soins primaires est insuffisant en France, et tout particulièrement pour les médecins traitants, pourquoi ne demander des financements supplémentaires que pour les centres de santé qui salarient les médecins généralistes dont les patientèles sont très inférieures à celles des médecins libéraux ? Nos entreprises libérales rencontrent aussi des difficultés financières, pour leur permettre, entre autres, de travailler avec un assistant médical.
Somme toute, le but de Monsieur Garot n’est-il pas tout simplement d’orienter les médecins généralistes libéraux vers le salariat en centres de santé ou à l’hôpital, ce qui ne ferait pourtant qu’augmenter le nombre de Français sans médecin traitant ?
Une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), parue le 12 novembre 2024, donne raison à la CSMF, qui plaide depuis longtemps pour l’universitarisation de nos territoires éloignés des CHU et des facultés de médecine. Cette étude montre que 50 % des médecins généralistes s’installent à moins de 43 km de leur lieu de formation et à moins de 85 km de leur lieu de naissance. À cela s’ajoute le déséquilibre entre le nombre d’étudiants en médecine issus des zones rurales par rapport aux zones urbaines.
La proposition, par la Conférence des doyens des facultés de médecine, le Conseil national de l’ordre des médecins, l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), de la mise en place d’un assistanat territorial prend alors tout son sens. Il serait proposé, sur la base du volontariat, aux futurs docteurs juniors à la fin de leur quatrième année d’internat.
Des antennes universitaires départementales, des stages délocalisés, le nouveau statut de docteur junior ambulatoire et les mêmes avantages pour les assistants territoriaux que ceux dont bénéficient les assistants hospitaliers permettraient de créer des conditions d’exercice attractives dans ces territoires sous-dotés.
Cette proposition, si elle poursuit le même objectif affiché que la PPL Garot, en est à l’opposé, car elle veut rendre attractif le métier de médecin traitant dans les déserts médicaux. À l’inverse, la PPL Garot ne fera que clouer au pilori la médecine générale libérale dont nous avons besoin, celle des médecins traitants.
Pour la CSMF, il est de la responsabilité de nos ministres Catherine Vautrin et Yannick Neuder de mettre en place rapidement l’assistanat territorial en 2027 pour donner des perspectives professionnelles à la première promotion des docteurs juniors. Dr Luc DUQUESNEL,
Président du syndicat Les Généralistes-CSMF
|