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EGORA – Interview du Dr Luc Duquesnel. Rejet du budget de la Sécu : « L’assistanat territorial va améliorer l’accès aux soins dans les zones où l’on manque de médecins »

Le 9 janvier 2025, le Conseil national de l’ordre des médecins, les doyens des facultés de médecine et deux syndicats étudiants ont appelé à la création d’un assistanat territorial. Il s’adresserait aux jeunes médecins venant de terminer leur cursus qui s’engageraient volontairement à exercer un ou deux ans dans un territoire fixe, en échange d’un accompagnement renforcé et de l’accès à des droits comparables aux assistants des hôpitaux – comme l’accès au secteur 2.

Président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel appelle le nouveau gouvernement à porter ce dispositif, « de nature à créer des dynamiques territoriales ».

Par la création de cet assistanat territorial, l’Ordre, les doyens des facultés et les étudiants en médecine espèrent éviter la régulation de l’installation, défendue par plus de 200 députés au travers de la proposition de loi Garot. Est-ce pour vous une proposition convaincante ?

Tout l’intérêt de cette proposition, c’est qu’elle est de nature à améliorer l’accès aux soins dans les territoires où il y a le moins de médecins. La proposition de loi Garot, si elle est adoptée, non seulement ne va pas régler le problème des déserts médicaux mais elle va l’aggraver. Nous avons échangé avec les doyens des facultés de médecine, l’Ordre, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) et l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) de leur projet d’assistanat territorial. Et il s’avère qu’il rejoint celui de la CSMF, qui est d’aller vers une universitarisation des territoires.

Des données montrent que ce ne sont pas des idées farfelues, formulées uniquement dans le but de plomber la proposition de loi Garot. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a récemment mis en évidence que 50 % des médecins travaillent à moins de 43 km de là où ils ont été formés. Et 50 % des médecins travaillent à moins de 85 km de leur lieu de naissance. Cela ne veut pas dire que, dans les départements où il existe des facultés de médecine, il n’y a pas de territoires en souffrance, mais cela montre que les zones éloignées des lieux de formation n’attirent pas les jeunes médecins.

Ce projet de création de statut a vocation à rendre ces territoires attractifs. Il faut aussi, très tôt, dès le deuxième cycle des études de médecine, permettre aux jeunes de faire des stages dans les hôpitaux de proximité, dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, chez les médecins libéraux – généralistes ou spécialistes – dans les territoires où il n’y a pas de faculté.

La PPL Garot ne touche que les médecins libéraux : on a le sentiment que ce groupe transpartisan est anti-médecine libérale. Or, dans mon département (la Mayenne), c’est encore pire à l’hôpital qu’en ville… Ce qui est bien avec ce statut d’assistant territorial, c’est qu’il touche les deux. L’intégralité du territoire est prise en compte. Alors que la quatrième année de médecine générale va être mise en œuvre en novembre 2026 – et avec elle, l’arrivée des docteurs juniors –, on donne des perspectives à des territoires.

Il faudra aussi travailler avec les élus locaux pour voir ce qu’ils peuvent mettre en place pour faire que ces docteurs juniors – qui sont parfois déjà mariés, avec des enfants – aient envie de rester à l’issue de leur année. Tout le monde doit se serrer les coudes, y compris les collectivités locales. Ce sont des dynamiques territoriales à mettre en place. On est dans de l’incitatif, ça n’a rien à voir avec la coercition de la PPL Garot.

Ce statut pourrait ouvrir l’accès au secteur 2 Option pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour les jeunes médecins volontaires, y compris généralistes. Y êtes-vous favorable ?

À la CSMF, cela fait plusieurs années que nous réclamons un espace de liberté tarifaire solvabilisé, c’est-à-dire qui n’entraînerait pas un reste à charge plus important pour le patient. Il est hors de question d’aggraver l’accès aux soins avec des problématiques financières !

Les défenseurs de ce statut d’assistant territorial espèrent aussi que le dispositif permettra de créer un vivier de maîtres de stages universitaires (MSU), indispensables à la mise en place de la quatrième année de médecine générale. Est-ce que ça va vraiment booster les vocations ?

Oui. C’est un projet de nature à créer des dynamiques territoriales. Dans certains territoires, il y a très peu de MSU ; dans d’autres, presque tous les médecins ont endossé ce rôle…

Les syndicats d’internes appellent à la grève mercredi 29 janvier pour obtenir le report de la quatrième année de médecine générale, jugeant cette réforme « bâclée ». Les soutenez-vous dans leur action ?

Je les comprends tout à fait. Vous êtes étudiant, vous avez déjà fait neuf années d’études et on vous oblige à en faire une dixième, mais sans que vous sachiez dans quelles conditions elle se fera… Novembre 2026, c’est demain. Tout cela doit s’anticiper. Ce sont bien souvent des couples, des familles, à qui il va falloir trouver un lieu de vie. Aujourd’hui, des textes réglementaires ne sont toujours pas parus. On n’y voit pas clair. Je comprends la réticence des internes, que je perçois davantage comme une demande de report que comme une demande de suppression de cette quatrième année, qui, pour moi, a du sens.

Qu’espérez-vous du nouveau gouvernement ?

Lorsque nous allons rencontrer les ministres Catherine Vautrin et Yannick Neuder, nous leur demanderons de travailler sur ce projet d’assistanat territorial. On voudrait que le gouvernement porte la création de ce statut au travers d’un projet de loi. Cela peut être rapide à mettre en place. Mais cela doit se construire pour ne pas se retrouver comme avec l’année de docteur junior, pour laquelle on se demande comment on va la mettre en place…

L’Académie de chirurgie porte une autre proposition pour améliorer l’accès aux soins. Elle suggère de réduire la durée des études de médecine. Une proposition qui a fait grand bruit…

Cela reviendrait à remettre en cause toute la formation. Il faudrait dix ans pour mettre en place cette réforme après avoir tout d’abord démontré qu’elle ne contribuera pas à détériorer la qualité des soins. Ce n’est pas ce qui va améliorer l’accès aux soins dans les cinq ans. Au syndicat, nous sommes davantage attirés par des mesures qui auront une efficacité plus rapidement, comme l’assistanat territorial. Par ailleurs, je ne pense pas qu’il faille d’abord s’intéresser à la durée des études mais plutôt au contenu de la formation initiale des médecins. Nous sommes dans le soin, mais nous ne parlons toujours pas de la prévention… C’est là-dessus qu’il faut travailler, car c’est cela la santé.