Passer au contenu principal

EGORA – Agressions de médecins : les chiffres révélateurs d’une “hausse inédite”

2023 sera une année tristement mémorable. L’Ordre, qui vient de dévoiler son Observatoire de la sécurité des médecins, a recensé 1581 déclarations de violences l’an passé. Un chiffre en hausse de 27% par rapport à 2022 mais de près de 150% en 20 ans. Les médecins généralistes sont les plus touchés. Egora décrypte les dix chiffres clés de l’Observatoire. 

Sandy Bonin

  • 1581 incidents violents déclarés par les médecins en 2023

Un chiffre en “hausse inédite” de 27% par rapport à l’an passé, a déploré le Dr Jean-Jacques Avrane, conseiller national et coordonnateur de l’Observatoire de la sécurité. Si la hausse est de 50% sur deux ans, elle culmine à 148% depuis le lancement de l’Observatoire en 2003, donc sur 20 ans.

Bien qu’en forte hausse, ces chiffres sont très sous-évalués par rapport à la réalité du terrain. “La majorité des médecins ne déclarent pas les incidents”, regrette le Dr Avrane qui souhaite faire “comprendre aux médecins qu’ils ne doivent rien lâcher”. “C’est un problème d’empathie des praticiens qui ne veulent pas charger leurs patients. Ils pensent qu’ils vont pouvoir arranger les choses”, décrypte le conseiller ordinal.

Cette augmentation des violences est corrélée, selon l’Ordre, à une augmentation des violences et des incivilités dans la société. “Je ne crois pas que nous soyons dans une séquence d’apaisement”, a regretté le Dr Avrane.

  • 64% des violences subies par les médecins généralistes

Depuis le lancement de l’Observatoire de la sécurité des médecins, les généralistes ont toujours été la spécialité la plus touchée par les violences. En 2023, 64% des déclarations provenaient de généralistes et 36% de médecins d’autres spécialités. “Les généralistes sont en première ligne et ils représentent 57% des médecins en France”, analyse le Dr Avrane.

Du côté des spécialités les plus touchées (hors généralistes), ce sont les psychiatres, les ophtalmologistes et les médecins du travail qui déclarent le plus d’incidents.

Et parmi les médecins victimes de violences, les femmes sont à l’origine de 56% des déclarations alors qu’elles ne représentent que 50% de la population de référence. Un chiffre stable par rapport à 2022.

  • Les patients à l’origine de 62% des agressions

984 agressions déclarées ont été commises par des patients. Un chiffre en hausse par rapport à l’an passé où 719 incidents commis par des patients avaient été recensés.

Dans 16% des cas, les agresseurs sont des personnes accompagnant le patients.

  • Un reproche relatif à la prise en charge comme “motif” de 38% des agressions

Parmi les principaux “motifs” de violences figurent également les refus de prescription (médicament, arrêt de travail…), la falsification de documents, les temps d’attente jugés excessifs ou encore les vols.

  • 73% des incidents subis sont des agressions verbales et des menaces

Les agressions physiques et les vols représentent respectivement 8% des incidents déclarés, le vandalisme 7%. Des graffitis sur les plaques, avec pour certains des croix gammées nazies, ont été constatés.

  • Les outils de falsification représentent 4% des objets volés

Ordonnances (3%), tampons (1%) ou sacoches (1%) sont les objets les plus volés en cabinet médical. Objectif pour les agresseurs : falsifier ordonnances et arrêts de travail. L’Ordre constate d’ailleurs une forte augmentation des “faux arrêts de travail”.

Lire aussi : “J’ai agi dans la naïveté la plus totale” : elle risque son poste à la CPAM pour avoir obtenu… un faux arrêt maladie

  • Seuls 6% des médecins agressés interrompent leur travail après un indicent

3% des médecins victimes de violences s’arrêtent moins de trois jours, 1% entre trois et huit jours et 1% plus de 8 jours. Des chiffres qui témoignent d’une minimisation des incidents par les praticiens.

Pour autant, l’Ordre constate une volonté de certains praticiens de déplaquer après une agression. Une constatation pour l’instant encore non chiffrée. “Cette hausse des violences a un impact sur leur santé mentale”, déplore le Dr Avrane.

  • 54% des incidents ont eu lieu en milieu urbain ou centre-ville

Un chiffre relativement stable sur les sept dernières années. En revanche, l’Ordre constate une forte hausse des agressions en milieu rural, passant de 21 à 24% en un an. “C’est en partie dû à ce que certains appellent les déserts médicaux mais que moi j’appelle les déserts administratifs”, commente le Dr Avrane.

  • 242 incidents recensés dans les Hauts-de-France

Comme l’an dernier, c’est dans les Hauts-de-France que le plus d’incidents violents ont été rapportés. Si 242 déclarations de violences ont été signalées dans les Hauts-de-France, la Corse, en bas du tableau, n’en rapporte qu’une. La région Paca relève 212 incidents et l’Ile-de-France, 193. Des régions dans lesquelles beaucoup de médecins sont installés, tempère le Dr Avrane.

L’Ordre a donc calculé un “taux de victimisation” par département en faisant un rapport entre le nombre de médecins installés dans une zone et le nombre d’agressions recensées. Etonnement, c’est le Cher qui relève le taux le plus important avec 3,2%. Ces “résultats à interpréter avec prudence compte tenu de la faiblesse des effectifs et du caractère déclaratif des informations recueillies”, nuance néanmoins l’Ordre.

  • 62% des médecins victimes ne déposent ni plainte ni mains courante

Seuls 31% des médecins agressés déposent plainte, quand 7% des praticiens se contentent d’une main courante. “Les mains courantes n’aboutissent pas à grand-chose”, déplore le Dr Avrane qui incite les médecins à porter plainte. “Cela permet aux conseils départementaux de se constituer partie civile et de porter assistance aux médecins auprès des tribunaux”, explique-t-il. “Les médecins sont des denrées rares, il faut les préserver et les protéger”, conclut Jean-Jacques Avrane.

Un référent sécurité dans chaque département

Dans chaque département, un référent sécurité assiste le médecin agressé dans toutes les démarches auprès des autorités. Les médecins sont également épaulés par le service de l’entraide ordinale, dont le rôle est de soutenir les praticiens qui rencontrent des difficultés de tout ordre. “Nous avons une expertise qui est incomparable”, relève le Dr Jean-Jacques Avrane. 

Articles associés

Généraliste agressée à Marseille : la patiente condamnée à un an de prison ferme
Agressions de médecins : les syndicats appellent les pouvoirs publics à réagir pour “mettre fin à cette…
“Faut-il un drame pour que des mesures soient prises ?” : les Comeli tirent la sonnette d’alarme face aux…
Les violences à l’encontre des médecins en forte hausse

Faut-il octroyer plus d’autonomie aux infirmières ?