Trois mois après la signature de la nouvelle convention médicale 2024-2029, les travaux visant à mettre en œuvre les mesures contenues dans ce texte viennent de commencer. S’il reste des points à améliorer, notamment sur l’embauche d’un assistant médical, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, se réjouit de ne pas avoir « loupé le coche ». « Si nous n’avions pas signé, nous serions restés sous le régime du règlement arbitral encore pour plusieurs années… »
La première commission paritaire nationale (CPN) de la convention médicale 2024-2029 a eu lieu mercredi 11 septembre. Comment s’est-elle passée ?
Elle s’est très bien passée. Tous ceux qui étaient autour de la table – les signataires de la convention – étaient satisfaits de se retrouver pour mettre en œuvre cette convention. Nous avons conscience que nous avons eu raison de ne pas louper le coche. Toute convention génère des frustrations : nous n’avons pas le choc d’attractivité que nous demandions, mais nous savons quelles étaient les limites. Compte tenu du déficit financier de la France, les limites financières auraient été encore plus importantes dans des discussions éventuellement à venir. Si nous n’avions pas signé, nous serions restés sous le régime du règlement arbitral encore pour plusieurs années…Cette convention est très importante, tant sur les engagements collectifs qu’individuels en termes d’accès aux soins, de qualité et de pertinence.
Le G à 30 euros sera applicable dès le 22 décembre (36 euros pour les DROM). C’était une condition pour votre syndicat…
Il fallait obligatoirement une revalorisation du tarif de la consultation de base du médecin généraliste. Elle ne pouvait pas être inférieure à 30 euros, et devait s’appliquer à l’ensemble des généralistes. Il s’agissait d’un point de blocage lors de la précédente négociation conventionnelle [qui s’est soldée par un échec en février 2023]. Que cette revalorisation s’applique en 2024 dépendait de la date de parution de la nouvelle convention au Journal officiel. Heureusement, cette convention médicale ne se limite pas à cette revalorisation : cela aurait été largement insuffisant pour les médecins traitants.
Quels seront les prochains enjeux conventionnels pour Les Généralistes-CSMF ? Dès la signature de la convention, vous aviez fait part de votre souhait d’enrichir le texte, au moyen d’avenants notamment.
Avant de parler d’avenant, ce qui est important pour nous dans l’immédiat, ce sont les travaux que l’on vient de démarrer sur l’assistant médical. Le règlement arbitral avait déjà modifié certaines règles en les améliorant, pour faciliter l’embauche notamment. Dans le cadre de la nouvelle convention, on ouvre la possibilité de passer à 1,5 ou à 2 équivalents temps plein (ETP) pour certains médecins. Mais il reste des choses à améliorer. Certains points du texte peuvent faire fuir. Dire, par exemple, aux médecins que, s’ils atteignent leurs objectifs en termes de patientèle médecin traitant mais qu’ils diminuent leur file active, ils ne recevront plus d’aide de l’Assurance maladie à partir de la troisième année, n’est pas acceptable. C’est un non-sens. Nous avons besoin d’échanger sur ce sujet. C’est ce que nous avons commencé à faire lors de la CPN. D’ici la fin de l’année, il faudra stabiliser l’embauche d’un assistant médical par un médecin libéral.
Il y a d’autres sujets d’ampleur dans le cadre de cette convention, notamment le service d’accès aux soins. Pour les médecins qui y participent, le forfait, prévu dans l’avenant 9, est actuellement de 1 400 euros. À partir de 2026, il sera fixé à 1 000 euros. C’est essentiel pour nous d’être incitatifs auprès des médecins généralistes qui s’engagent sur le terrain, au-delà de la permanence des soins. Or, tout d’un coup, on va les priver d’une rémunération forfaitaire s’ils n’utilisent pas la plateforme nationale… À un moment donné, il faut faire place à l’intelligence.
Enfin, la frustration la plus importante aux yeux des Généralistes-CSMF pour ce qui est des médecins traitants, reste la limite de consultations longues valorisées à 60 euros pour les patients polypathologiques. Il va falloir élargir le champ. C’est comme cela qu’on arrivera à ce choc d’attractivité pour le métier de médecin traitant. Maintenir des consultations de 45 minutes à 30 euros, ce n’est pas acceptable. Cela concerne aussi les visites à domicile dont le tarif est dissuasif en dehors des visites longues (VL), alors qu’elles contribuent au maintien à domicile et permettent d’éviter des hospitalisations.
Le flou persiste sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), habituellement présenté fin septembre. Craignez-vous que l’enveloppe dédiée à la ville ne soit pas à la hauteur ?
Nous avons reçu des convocations pour des auditions sur le PLFSS à l’Assemblée nationale en sachant que nous n’avons toujours pas le texte. La situation politique est très particulière, à l’instar de la situation financière du pays avec un déficit budgétaire qui ne cesse d’augmenter… Tout cela est inquiétant. En outre, la seule manifestation du Premier ministre par rapport au monde de la santé a été l’hôpital public, qui a déjà reçu 40 milliards d’euros dans le cadre du Ségur et 15 milliards pour les hôpitaux en difficulté, mais où la situation ne cesse de se dégrader. Or nous, médecins généralistes, essuyons les plâtres de cette situation aux urgences…
Nous verrons, comme chaque année, ce qui découlera du montant de l’enveloppe, quelle sera sa répartition. Mais nous avons le sentiment que ce PLFSS va être préparé à la va-vite. La situation politique est telle que je crains que notre système de santé ne soit pas la priorité du gouvernement, comme il ne l’a pas été des précédents ; il suffit de voir le nombre de ministres de la Santé que l’on a eu depuis 2017…
Le député de la Mayenne Guillaume Garot a relancé son groupe transpartisan sur les déserts médicaux. Il serait deux fois plus gros qu’avant la dissolution. La menace de la coercition pourrait-elle être mise à exécution ?
Il faut faire attention au populisme. Un certain nombre de parlementaires se font élire en mettant l’amélioration de l’accès aux soins en tête de leurs mesures. Chacun sait que remettre en cause la liberté d’installation n’est pas la solution parce qu’on manque de médecins traitants partout en France ! Les médecins généralistes ont la possibilité de faire plein de choses, nous sommes sollicités toutes les semaines par les plateformes de téléconsultation, les centres de soins non programmés, la médecine esthétique, etc. De même, quel est le sens d’une obligation de participation à la permanence des soins alors que 95 % du territoire est couvert ? Nous verrons quelle est la volonté des parlementaires…
Il y a un autre sujet très sensible pour les médecins généralistes, ce sont les transferts de compétences. Se servir des problématiques d’accès aux soins qui existent pour diminuer la qualité des soins n’est pas acceptable… Or les transferts de compétences envisagés par les différents textes réglementaires ou législatifs se sont toujours accompagnés d’une diminution de la qualité des soins. L’exemple caricatural, c’était le décret d’infirmier en pratique avancée (IPA) qui n’est pas sorti mais que Frédéric Valletoux avait dans ses tiroirs.
Face au manque de généralistes, l’Assurance maladie envisage de déclarer des spécialistes en tant que médecins traitants. Qu’en pensez-vous ?
Je tiens d’abord à rappeler qu’il n’est actuellement marqué nulle part que le médecin traitant est obligatoirement un médecin généraliste. D’autres spécialistes sont médecins traitants.
S’agissant de cette proposition, si c’est juste pour afficher une baisse du nombre de patients sans médecin traitant et rassurer la population… Je me méfie toujours de ces mesures d’affichage. C’est comme la téléconsultation : elle laisse penser qu’il n’y a aucun souci d’accès aux soins, mais quand on voit la qualité de certaines de ces consultations, les abus sur lesquels cela peut déboucher… Je pense qu’il faut que le politique se garde de vouloir afficher à tout prix une amélioration de l’accès aux soins, alors que l’on sait bien que le nombre de médecins diminue. Ce n’est qu’en passant par une réorganisation professionnelle sur le terrain que cela s’améliorera.