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EGORA – “J’ai agi dans la naïveté la plus totale” : elle risque son poste à la CPAM pour avoir obtenu… un faux arrêt maladie

Elle regrette d’avoir commis “l’erreur de sa vie”, par négligence et naïveté. Stéphanie*, 52 ans, travaille à la caisse primaire d’Assurance maladie. En août dernier, paralysée par une gastro-entérite fulgurante, la quinquagénaire, dont le médecin est en congé, cherche sur Google le moyen d’obtenir un arrêt de travail rapidement. Elle tombe alors sur un site se présentant comme “fiable” et “sécurisé”. Il s’agit en fait d’une plateforme frauduleuse signalée par Egora en juillet dernier. Depuis, Stéphanie est dans l’attente d’un conseil de discipline. Elle risque d’être licenciée.

 

“C’est un comble pour un agent de la CPAM d’obtenir un arrêt frauduleux. C’est pourtant ce que j’ai fait. J’ai été convoquée par ma direction. Je suis dans l’attente d’un éventuel conseil de discipline. Ma sanction pourra aller jusqu’au licenciement. Je me suis défendue comme j’ai pu et j’ai tenté d’expliquer que je suis la première victime de l’arnaque. Le site était tellement bien fait. Si j’avais su, je ne me serais jamais tiré une balle dans le pied.

Cette histoire date du mercredi 14 août dernier. En me levant pour aller travailler, j’ai été prise de violentes nausées et de vomissements. Je me suis complétement vidée, c’était comme une gastro fulgurante. On connaît tous la difficulté de trouver un médecin, surtout une veille de 15 août. Mon médecin traitant ne reprenait que le 18. Je passais mon temps aux toilettes, je n’avais donc pas la condition physique pour trouver un médecin en visio, ce que j’aurais dû faire, je le conçois.

Après une succession de recherches, comme ‘médecin’ ou ‘obtenir un arrêt de travail sans médecin disponible’, je suis tombée sur cette plateforme, qui avait l’air totalement correcte. Elle promettait un arrêt de travail quasi instantané en décrivant les symptômes, mais sans visio avec un médecin. D’ailleurs, je me sentais incapable car j’étais bloquée aux toilettes. Pas une seconde je ne me suis posée de question. En plus, il était précisé ‘100 % sécurisé et fiable’. Je n’étais pas en état de faire plus de recherches. J’ai agi sous le coup de la panique car sans arrêt de travail, je risquais de ne pas être payée pour mon absence.

 

 

J’ai donc payé 21 euros, donné mon adresse mail et mes coordonnées bancaires, mon numéro de Sécu et j’ai répondu à un descriptif de symptômes. C’était comme un QCM. J’ai coché les cases vomissement, diarrhée et fièvre. Une vingtaine de minutes plus tard, j’ai reçu un arrêt de travail, on ne peut plus authentique, sous la forme d’un imprimé Cerfa, avec un nom et un numéro de médecin. Mes symptômes apparaissaient sur le document.

 

 

J’ai envoyé le document à ma CPAM et à mon employeur. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un message sur mon compte Ameli de la part du pôle prestations en espèces, indemnités journalières, dans lequel j’avais travaillé. Le message me demandait de revoir le praticien pour qu’il mette son numéro professionnel, parce que le numéro indiqué sur l’arrêt n’existait pas.

 

“ J’ai compris que j’ai fait la connerie de ma vie ”

 

J’ai alors commencé à paniquer. Je me suis renseignée a posteriori, et j’ai constaté que des messages sur internet alertaient ‘de la grosse arnaque’ qu’est ce site. Le médecin en question, Umar Masroor, n’existe pas. J’ai découvert plein de témoignages. A ce moment-là, j’ai compris que j’ai fait la connerie de ma vie.

Fin août, j’ai reçu un courrier avec accusé réception de la CPAM m’indiquant que je suis sous le coup d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Aucun motif n’était précisé.

J’ai essayé de contacter la plateforme, sans succès. J’ai téléphoné à la gendarmerie de mon domicile qui m’a ri au nez. J’ai eu la honte de ma vie. Je ne peux même pas porter plainte. La gendarmerie m’a fait la morale en me disant qu’on ne pouvait pas avoir des arrêts sans consultation. Sur le coup, moi je ne m’étais posée aucune question. D’autant que je me souvenais que pendant la période du Covid, on pouvait avoir des arrêts de travail sans voir un médecin. J’ai agi dans la naïveté la plus totale.

Je vais donc avoir une triple peine. Je ne reverrai jamais la couleur de mes 21 euros, mon arrêt de travail ne sera pas payé et je risque mon poste. Je suis la première victime de cette situation. La direction a bien compris le côté non-intentionnel de mon acte, mais ils ont trouvé cela très naïf, surtout en tant qu’agent de la CPAM. Je mérite une sanction mais pas un licenciement. D’autant que je suis en invalidité de catégorie 1, donc je ne travaille que deux jours et demi par semaine. Ma situation est assez précaire.

Il faut mettre en garde contre ces plateformes. C’est aussi le travail de l’Assurance maladie de faire une veille de ce genre de site. Les agents auraient dû être alertés et le site aurait dû être fermé. L’Assurance maladie est également fautive. Elle devrait dire ‘attention n’allez pas sur ce site-là’. Je n’ai eu en aucun cas vent de ces informations.”

 

* Son prénom a été modifié.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin

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