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EGORA – Un médecin sans contrat écrit peut-il être remercié du jour au lendemain par un établissement ?

En l’absence de contrat écrit, il est d’usage qu’un préavis soit respecté en cas de rupture. Seule une faute grave du médecin pourrait justifier une rupture sans préavis.

 

L’article L.4113-9 du Code de la santé publique impose de communiquer à son Conseil départemental de l’Ordre le contrat et ses avenants, sous menace de sanctions disciplinaires frappant le médecin(1). Et l’article L.4163-10 précise que “le refus d’un contractant non praticien de rédiger par écrit un des contrats ou avenants prévus à l’article L.4113-9 est puni de 6 000 euros d’amende”. Ces sanctions sont rarement appliquées, alors qu’une absence de contrat écrit place un médecin dans une situation précaire même s’il dispose de certains droits en cas de rupture.

En effet, la jurisprudence considère qu’un contrat d’exercice est valide même s’il est verbal. Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée qui ne pourra inclure, faute de l’avoir précisé par écrit, des clauses d’exclusivité, de cessibilité, de non-réinstallation… Seuls, les usages professionnels et la jurisprudence aujourd’hui dominante, rappellent qu’une convention verbale ne peut être dénoncée par l’établissement ou par un praticien, à tout moment, qu’à la condition de respecter un préavis dont la durée sera plus ou moins longue selon l’ancienneté. Cette durée peut être comprise entre 2 et 24 mois. Le non-respect d’un préavis constitue une faute dans la résiliation pouvant donner lieu à indemnisation.

 

Une faute grave

Seule une faute grave du praticien peut justifier une rupture sans préavis. Comme le rappelle un auteur(2), “la jurisprudence définit la faute grave comme la faute qui, par son importance, rend impossible le maintien d’un contrat d’exercice conclu entre un professionnel de santé et un établissement de santé pendant la durée, même limitée, du préavis”. Une interdiction d’exercice définitive pourrait constituer une faute grave. Des manquements ponctuels ou répétés pouvant porter atteinte à l’organisation de l’établissement ou au respect des droits des patients ne sont pas toujours synonymes de fautes graves pouvant justifier une rupture sans préavis, comme l’a récemment rappelé une décision du tribunal judiciaire de Paris du 23 janvier 2024.

Un autre arrêt, de la cour d’appel de Lyon, du 16 novembre 2023, rappelle aussi qu’un médecin ne peut rompre le contrat d’exercice verbal qui le lie à un établissement, sans respecter le préavis d’usage, notamment celui consacré par le contrat-type proposé par l’Ordre national des médecins.

Si l’écrit n’est pas une condition de validité d’un contrat, malgré les obligations légales et réglementaires mises à la charge des établissements et des praticiens, il constitue un mode de preuve en cas de litige. Il représente une sécurité pour un médecin, mais aussi pour un établissement, car il permet de préciser et de clarifier les droits et obligations de chacune des parties, dans la durée.

 

Références :

(1) Corinne DAVER et Gérard MEMETEAU, Manuel de droit du contrat médical d’exercice libéral en clinique privée, LEH Edition, Juin 2023.
(2) Manon MAZZUCOTELLI, De la rupture du contrat d’exercice libéral, tu n’abuseras pas, Revue Droit et Santé, Mai 2024.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Loubry, juriste

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