Suppression de l’AME : vous y êtes favorables à 70 %

Mardi, le Sénat a voté un amendement dans le cadre du projet de loi immigration visant à transformer l’AME en une aide médicale d’urgence. Un débat réalisé par Egora révèle que 7 lecteurs sur 10 sont favorables à cette réforme.

 

Supprimer l’aide médicale d’Etat est une “profonde erreur, et il y a des moments où l’erreur confine à la faute”, lançait Aurélien Rousseau, ce mardi soir, sur le plateau de Quotidien. Le ministre de la Santé réagissait au vote des sénateurs qui se sont prononcés pour une réduction du panier de soins actuellement accordé aux 400 000 personnes en situation irrégulière, présentes sur le sol français depuis au moins trois mois. Le Sénat a en effet adopté un amendement au projet de loi immigration visant à transformer l’AME en aide médicale d’urgence (AMU), recentrant le dispositif créé en 2000 sur la prise en charge des “maladies graves et des douleurs aigues”.

Outre le ministre de la Santé, plusieurs organisations de professionnels de santé ont vivement critiqué ce vote de la chambre haute du Parlement, à l’instar de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a dénoncé “une hérésie humanitaire, sanitaire et financière”, ou encore la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). La Conférence des présidents de CME de CHU, par la voix de son président Rémi Salomon, a également alerté sur un risque “d’augmentation des contraintes” sur l’hôpital, “car nous verrons des patients plus graves car pris en charge tardivement avec un risque de dissémination des maladies infectieuses”.

Quelques jours avant ce vote controversé, près de 3 000 soignants “de toutes spécialités et de toutes origines” signaient une tribune dans Le Monde pour défendre ce dispositif, qui fait “l’honneur de notre profession” (voir ci-dessous). “Nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort”, écrivaient-ils. Un collectif d’étudiants en santé avait en outre organisé une manifestation, ce lundi, devant le palais du Luxembourg, espérant un sursaut politique et une issue “humaniste” aux débats sur la question.

Egora a demandé à ses lecteurs s’il fallait restreindre l’aide médicale d’Etat aux soins urgents. 337 réponses ont été enregistrées. Au total, 70 % se sont montrés favorables à une réduction du panier de soins dont peuvent bénéficier les sans-papiers. “Oui, par principe. La seule solidarité qui puisse être légitimement obligatoire c’est la solidarité entre Français. Si certains veulent aider les étrangers, aucun souci, mais pas avec l’argent des autres. Sinon il n’y a plus de limite”, a argumenté un médecin, jugeant que l’AME est “un moteur d’immigration illégale”.

Un autre généraliste écrit qu’“il arrive de voir des malades urgents”, mais “c’est rare”. “La plupart du temps c’est une demande de doliprane ou d’amoxicilline, parfois d’anticancéreux totalement injustifiés. On perd beaucoup de temps et le refus est très mal perçu. Une limitation ferait gagner du temps et serait bénéficiaire pour la Sécurité sociale”.

27 % des répondants au sondage se sont toutefois opposés à la suppression de l’AME. “Restreindre aux soins urgents implique de définir administrativement ce qui est urgent… puis de communiquer aux praticiens une liste de motifs que l’administration aura évalué à la place des médecins… Bref ce serait encore une fois laisser l’administration nous dicter sa loi et refuser de nous payer à posteriori. Soit on fait l’AME et on la fait bien, soit on ne la fait pas”, explique un médecin.

“J’interviens en médecine de ville dans un centre d’hébergement d’urgence pour personnes en situation de grande précarité ainsi que sur un quartier en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), je prends en soins des personnes en AME à différents stades d’évolution de leur problématique de santé. Je n’ai jamais eu l’impression d’être en dehors du cadre éthique et déontologique de soins préventifs et curatifs ni que ces personnes abusaient du système de santé (à part cas très exceptionnel). Des problèmes de santé ‘bénins’ qui ne seraient pas pris en charge en temps et en heure, risquent de s’aggraver en soins de santé urgents, graves, avec parfois des séquelles irréversibles qui coûteront bien plus cher au système de santé”, alerte une autre Egoranaute.

Enfin, 2 % des répondants se sont déclarés sans opinion.

Source :
www.egora.fr
Auteur : Louise Claereboudt


“C’est l’honneur de notre profession” : 3 000 soignants appellent à maintenir l’AME

Près de 3 100 soignants – médecins, infirmières, étudiants en santé – signent une tribune dans Le Monde dans laquelle ils réclament le maintien de l’aide médicale d’Etat (AME), dont la suppression pourrait être débattue lundi 6 novembre au Sénat, dans le cadre du projet de loi immigration.

 

Parmi les signataires, Françoise Barré-Sinoussi, virologue et prix Nobel de médecine en 2008, Jean-François Delfraissy, professeur d’immunologie et président du Comité consultatif national d’éthique, ou encore Rémi Salomon, pédiatre et président de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de CHU. Au total, 3 096 soignants de “toutes spécialités et de toutes origines” s’opposent “fermement et de manière unie” au projet de suppression de l’AME “au profit d’un dispositif dégradé”.

Alors que certains pointent une forme de tourisme médical pour justifier la suppression de cette aide, qui couvre (presque) totalement les frais de santé des étrangers présents en France depuis au moins trois mois, les signataires de cette tribune publiée ce jeudi dans Le Monde assurent que les patients qu’ils soignent et qui bénéficient de l’AME ne sont pas, “dans leur grande majorité”, “des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales” (voir ci-dessous).

“Leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants : problèmes de santé physique et psychique, maladies chroniques, maladies transmissibles ou contagieuses, suivi prénatal insuffisant et risque accru de décès maternels”, ajoutent-ils, estimant qu’il s’agit de fait d’une “population prioritaire en matière de santé publique”.

Alors que le projet de loi immigration qui sera examiné à partir du 6 novembre au Sénat prévoit de réduire le panier de soins aux seuls soins urgents, limiter l’accès aux soins à ces personnes “aurait pour conséquence directe d’entraîner une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population tout entière”, préviennent-ils. Ces derniers citent l’exemple de l’Espagne où “la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 y a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité”, forçant le pays à faire marche arrière.

Les 3 000 soignants se disent par ailleurs extrêmement “préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie”. “Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités”, alertent-ils.

“Exclure encore davantage” ces étrangers “ne pourrait qu’entraîner leur renoncement aux soins et la dégradation de leur état de santé”. Et d’ajouter : “Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants.”

Enfin, les signataires assurent soigner “les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession.” “Nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort”, écrivent-ils. “Leur santé, c’est aussi la nôtre”, concluent les signataires, appelant Gouvernement et élus à “renoncer à tout projet portant atteinte à l’AME ou venant restreindre son périmètre, et à conforter l’accès à une couverture maladie pour tous.”

[Avec Le Monde et AFP]

Source :
www.egora.fr
Auteur : Louise Claereboudt


Elisabeth Borne n’est “pas favorable” à la suppression de l’AME

Sur France Inter lundi 6 novembre, la Première ministre a affirmé qu’elle n’était “pas favorable” à la suppression du dispositif d’aide médicale d’État, rappelant qu’il est essentiel de pouvoir répondre aux enjeux de santé publique.

 

Alors que la question de la restriction de l’aide médicale d’État (AME) fait débat parmi les membres du Gouvernement, la Première ministre s’est formellement positionnée contre sa suppression. Invitée de la matinale de France Inter, Elisabeth Borne a considéré que l’AME était un enjeu “d’humanité et de santé publique”. “Non je ne suis pas favorable à une suppression de l’AME”, a-t-elle fait savoir, tout en restant ouverte à un changement de nom du dispositif.

“Depuis des années on considère que dans notre pays, à la fois pour répondre aux besoins des personnes, des étrangers qui sont sur notre sol mais aussi aux enjeux de santé publique pour l’ensemble de nos citoyens, il faut apporter les soins nécessaires aux personnes qui sont sur notre territoire”, a-t-elle indiqué, précisant qu’elle se fierait aux conclusions de la mission lancée le mois dernier pour d’éventuelles adaptations. “J’ai souhaité objectiver la situation, donc j’ai commandé un rapport à deux personnalités, messieurs Patrick Stefanini et Claude Evin, qui ont rendu des conclusions provisoires. On aura le rapport début décembre. Est-ce qu’il faut adapter le dispositif ? Les deux personnalités que j’ai mentionnées nous le diront mais je pense qu’il faut absolument que dans notre pays, on maintienne un système qui permet de soigner les personnes qui en ont besoin et qui permet de nous protéger en termes de santé publique”, a insisté la Première ministre.

Si le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin s’est personnellement déclaré favorable à une restriction de l’AME, pour Elisabeth Borne, “le principe qu’on peut être soigné car ça renvoie à un enjeu de santé publique” est “important dans notre pays”.

[Avec France Inter]

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort


Huit étrangers sur dix éligibles à l’AME n’y ont pas recours

Plus de huit personnes sur dix éligibles à l’aide médicale d’État (AME) n’y ont pas recours, d’après un rapport publié mercredi 18 octobre par l’ONG Médecins du monde à propos du dispositif de soins réservé aux étrangers en situation irrégulière, dont le sort est suspendu au projet de loi immigration.

 

Alors que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin envisage de “supprimer” l’AME, pour la “transformer en aide médicale d’urgence”, à la faveur de son projet de loi immigration qui sera débattu à partir du 6 novembre au Sénat, un nouveau rapport de l’ONG Médecins du monde contredit certaines idées reçues à propos du dispositif.

Sur le terrain, “parmi les personnes éligibles à l’aide médicale d’État, près de 87 % n’ont pas de droits ouverts en France, preuve s’il en est de la complexité de son obtention”, écrit l’ONG dans son rapport annuel consacré à ce dispositif, qui compte 400 000 bénéficiaires, pour un coût d’environ 1,2 milliard d’euros. Pour arriver à ce constat de non recours massif, Médecins du monde s’est appuyé sur l’échantillon de 17 093 personnes accueillies en 2022 dans ses quatorze centres de soins et d’orientation, fréquentés à 98 % par des immigrés.

“La réalité est loin des discours hystériques et manipulateurs autour de ce dispositif de santé publique”, estime le Dr Jean-François Corty, vice-président de MdM, en référence aux propos de la droite et de l’extrême droite qui réclament chaque année une restriction drastique du dispositif. “50 % des personnes accusent un retard de recours aux soins” et “80 % ont des vraies maladies qui nécessitent une prise en charge rapide”, explique-t-il. “Le dispositif AME n’est pas abusif, il répond à des standards de prévention nécessaires et utiles.”

Le “non recours” décrit par l’ONG est surtout le fait de la “méconnaissance du dispositif” de la part d’étrangers “qu’on accuse pourtant de vouloir en profiter”, commente pour sa part Nadège Drouot, coordinatrice pour la région Lorraine.

 

“Réinterroger le dispositif”

Cela peut même concerner “des personnes en France depuis des années, soit parce qu’elles n’ont jamais été malades, soit parce qu’elles se sont débrouillées par automédication”, selon elle. Au final, même quand elles connaissent l’AME, “plus de 20 % des personnes renoncent aux droits en raison de la complexité administrative pour y accéder”, rapporte la responsable. “D’un point de vue sanitaire, dire qu’il faut supprimer l’AME au profit d’un dispositif d’urgence, ça n’a pas de sens”, reprend le Dr Corty. C’est pourtant la position du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. La proposition ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi gouvernemental : elle a été ajoutée par amendement par la commission des Lois du Sénat, contrôlée par la droite.

La Première ministre Élisabeth Borne juge désormais “légitime de réinterroger” le dispositif. Elle a diligenté une mission en ce sens, confiée à deux personnalités politiques, Patrick Stéfanini, marqué à droite et Claude Evin, marqué à gauche. Ils devront rendre un pré-rapport le 2 novembre. Soit quatre jours avant l’ouverture du débat parlementaire.

[Avec AFP]

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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