Passer au contenu principal

EGORA – “On avance à l’aveugle” : deux étudiants en médecine racontent comment ils se sont préparés pour les EDN 

Depuis hier et jusqu’à demain, 8000 étudiants en sixième année de médecine concourent aux EDN, nouvelles épreuves qui visent à départager les candidats et futurs internes sur le plan théorique. Création de la réforme du deuxième cycle des études de médecine, ces “Épreuves dématérialisées nationales” ne sont qu’une première étape d’un concours qui est désormais composé de trois examens, répartis entre octobre 2023 et juin 2024. Egora a décidé de suivre toute l’année les révisions et la préparation de deux étudiants nantais et nancéen, Anaïs et Quentin, afin de mieux cerner ce que cela change pour les carabins et pour le choix de leur spécialité. Il y a quelques jours, ils nous ont raconté comment ils se sont préparés pour cette première échéance.

 

“C’est bon, je suis rentré de la bibliothèque. Je suis disponible !”, nous lance Quentin, 23 ans, étudiant à la faculté de médecine de Nancy, joint mercredi dernier. L’horloge affiche 19h30. A cinq jours du début des EDN, le jeune homme est injoignable la journée : “Je pars le matin à 8h et je reviens le soir vers 19h. Je laisse mon portable chez moi sinon on perd facilement 15 minutes par-ci par-là.” Et perdre 15 minutes de révisions, à une échéance aussi proche du concours, Quentin ne peut pas se le permettre.

Le jeune homme fait partie de la promotion d’externes qui inaugure la réforme du second cycle des études médicales, qui consiste à remplacer les célèbres et redoutées ECNi par des Épreuves dématérialisées nationales (EDN) au mois d’octobre et des Examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) au mois de mai. “C’est clairement plus compliqué de faire un tour complet de tout ce qu’on a vu depuis la fin de la troisième année, en quatrième et en cinquième année avec un examen en octobre. On a terminé les programmes seulement au mois de juin !”, précise Quentin.

Comme lui, Anaïs, étudiante à la faculté de Nantes, dit ressentir de la “frustration”. “On a une impression d’urgence à cause du fait que l’échéance soit si tôt dans l’année, on doit tout bachoter très rapidement. Je suis presque un peu déçue de devoir travailler si vite et de ne pas faire aussi bien que ce que j’aurais pu faire avec plus de temps si le concours avait été en juin comme pour les ECN”, appuie-t-elle, ajoutant que le risque est que ses connaissances “ne soient pas aussi bien assimilées qu’[elle] le souhaiterait”. ”Pourtant, on peut se dire qu’on a toute l’année pour compléter nos connaissances, les réviser. C’est vrai en un sens, mais on aura déjà été évalués pour notre choix de spé”, regrette-t-elle encore. Alors pour les deux carabins, pas le choix : “un EDN en début d’année, ça demande d’être encore plus assidu, de faire moins de pauses, de bachoter encore plus”, estime Quentin. L’examen comptera pour 60% de la note classant l’étudiant pour le choix de sa spécialité.

 

 

Programme réduit ?

Pour compenser ce concours singulièrement tôt dans l’année, les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont promis un “programme réduit” : seules les connaissances des rangs A (toutes les connaissances jugées nécessaires à tout médecin, quelle que soit sa spécialité) et B (éléments plus spécialisés) seront évaluées. Les connaissances de rang C (éléments de sur-spécialité) ne sont donc pas exigées. “Mais c’est un pari échoué”, juge Quentin. Dès sa quatrième année, avant même que la réforme ne soit mise en place, il s’est plongé dans certains modules, de neurologie, d’ophtalmologie et d’infectiologie notamment. “J’ai donc vu l’avant-après puisque les modules ont été actualisés entre-temps pour être normalement allégés. Honnêtement, comme ça, je pense qu’ils ont dû enlever 1/10ème du programme, souffle-t-il. Par exemple, en neurologie, l’ancien module faisait 520 pages et le nouveau fait… 650 pages ! Chaque collège ne peut pas se dire ‘ça ce n’est pas grave si l’étudiant ne sait pas’, pour eux tout est important.” “De toute façon, même en allant à l’essentiel, ça reste conséquent”, considère Anaïs, prenant l’exemple de l’ophtalmologie. “Ils ont réduit et vont plus à l’essentiel, mais ça fait toujours beaucoup à apprendre.”

“Je pense que l’objectif de la réforme est de revaloriser la clinique et une démarche pratique en privilégiant une année moins basée sur le bachotage. C’est peut-être vrai sur le papier mais je pense qu’on aura bientôt des référentiels sur les Ecos pour rendre l’épreuve basée plus sur les connaissances”, ajoute-t-elle.

Il a donc fallu s’organiser pour absorber autant de contenu en un temps réduit. Et sur ce point… à chacun sa méthode. Il y a d’abord ceux qui se sont conditionnés au rythme du concours dès le début de la quatrième année et qui ont étalé leurs révisions sur deux ans. Ceux qui, comme Anaïs, ont commencé les révisions le soir après les stages avant d’entamer “deux mois et demi de révisions intensives” entre le mois d’août et mi-octobre. Quentin, lui, a décidé de privilégier les EDN à ses stages. “J’ai pris des stages moins prenant à partir de novembre/décembre de la cinquième année. J’y suis peu allé, pour avoir le temps de faire un tour complet et d’avoir le même rythme que ceux qui passaient les ECN”, précise-t-il, conscient que “ce n’est pas ce que la faculté aimerait entendre”. Loin de lui la volonté de stigmatiser certaines spécialités ou des établissements : “Je me suis débrouillé pour aller que sur certaines journées précises, ou alors j’avais moins de jours de présence que certains autres étudiants”, avoue-t-il.

Pour les deux futurs médecins, il n’y a pas de “solution idéale”. “Tout est une question d’équilibre”, réfléchit Anaïs, qui s’est fixée pour règle de ne “pas avoir de regrets”. “Disons que ceux qui veulent une spé très demandée, il faut s’y prendre tôt”, analyse de son côté Quentin. Lui, vise la médecine générale et s’estime “plus tranquille”. “Mais des copains qui peuvent viser un top 1000 ou top 2000, ils ont commencé il y a longtemps, l’an dernier.”

 

Crash test

Comme c’est traditionnellement le cas avant un concours, des EDN blanches ont été organisées mi-septembre dans toutes les facultés pour un test “grandeur nature”. “C’est arrivé tardivement, seulement un mois avant le concours. C’est quand même compliqué de faire des ajustements en seulement quatre semaines si on en a besoin”, considère Anaïs. Mais en réfléchissant, elle se demande aussi si ce n’est “pas plus mal” de le faire à date rapprochée. “Quelque part, on a déjà une bonne vue d’ensemble de nos révisions et notre résultat est plus ou moins représentatif de ce qu’on peut faire”, ajoute-t-elle. “Il y a du plus et du moins dans les deux options.”

Pour elle, “tout s’est bien passé”. “J’étais dans les 2800 sur plus de 7000. Il faut prendre ce résultat avec des pincettes car il manquait 1000 candidats et les notes n’ont pas été pondérées”, dit Anaïs, humblement. “Mais bien sûr, je lui donne un peu de crédit et c’est une bonne nouvelle car cela me permet pour le moment de me dire que je peux avoir la spé que je vise, la gynécologie-obstétrique. Les dernières places sont dans les 4000 et quelques.” Quentin aussi est soulagé et content du résultat. “Je vise la médecine générale et j’étais classé dans les 5000, ça me permet de viser mon objectif”, souligne-t-il.

Un pari pour ces deux futurs médecins, qui ont la crainte d’être victimes d’une mauvaise mise en place de la réforme, comme cela a pu être le cas pour celle de la Paces. “On avance à l’aveugle”, dénonce Quentin. “On a des informations au compte-gouttes, parfois elles sont contradictoires. Par exemple, dans ma fac, nous avons déjà eu la commission pour nous attribuer nos points de la note de parcours et nous avons parfois envoyé des justificatifs qui ont été refusés, et finalement on apprend que ça peut être accepté. Ce n’est que le début d’année et c’est déjà le cafouillage”, souffle-t-il.

Anaïs et lui tentent toutefois de rester “dans leur bulle”. “On sait qu’on n’aura pas de répit cette année. Les EDN passées, on aura des stages, et les Ecos ensuite. Sur cette épreuve aussi, nous avons beaucoup d’inquiétudes”, ajoute Quentin.

 

 

Jour J

A cinq jours de l’échéance, tous deux s’estimaient “prêts”. “Je suis contente de l’état dans lequel j’arrive, je ne suis pas fatiguée et ça vaut de l’or !”, sourit Anaïs. “J’ai fait quelques pauses cet été, j’espère que je ne le regretterai pas !”, plaisante-t-elle encore, assumant d’avoir trouvé son équilibre dans l’alternance de ses lieux de révisions et en s’octroyant des moments à la plage la journée. “Je suis quelqu’un qui avance lentement, je préfère voir les choses en profondeur avant de passer à autre chose et parfois ça pouvait me stresser d’être autour de personnes qui sont plus rapides et qui ont le temps de faire plusieurs tours. J’ai donc travaillé un peu à la bibliothèque, beaucoup chez mes grands-parents, chez mes parents, avec ma coloc, des copains. J’avais besoin de bouger !” Elle s’est également beaucoup appuyée sur le TACFA, un tutorat national, qui proposait notamment des vidéos “tour d’été” et des conférences.

Quentin, lui, a passé toutes ses heures de révisions à la bibliothèque, en groupe, en suivant à la lettre son planning. “Pas de travail le soir après 19h sauf si j’avais pris du retard”, explique-t-il. Aujourd’hui, tous deux sont stressés mais contents de pouvoir “y être enfin”. “Je n’ai pas de regrets, je me suis donnée à la hauteur de ce que je pouvais”, sourit Anaïs.

 

Egora leur souhaite bonne chance ! 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

Sur le même thème :
L’Isni lance un recours contre la nouvelle maquette de l’internat de médecine générale
Le top 3 des CHU et spécialités préférés des internes en 2023
Simplification de l’accès aux études de médecine, nouveau concours de l’internat… Le Doyen des doyens fait le point sur les reformes
Interne, j’ai décidé d’arrêter après huit ans d’études de médecine : “J’avais atteint le pire état possible”