Selon une décision du Conseil d’Etat du 29 novembre 2022, les directives anticipées demandant la poursuite de traitements ne peuvent s’imposer au médecin en charge du parcours de soin, si celles-ci sont manifestement inappropriées et s’apparentent à une obstination déraisonnable.

 

Un homme âgé de 44 ans est victime, le 18 mai 2022, d’un polytraumatisme grave compliqué par un arrêt cardio-respiratoire après son écrasement par un véhicule utilitaire sur lequel il effectuait des réparations, ayant causé une absence d’oxygénation du cerveau durant sept minutes. Il est alors admis au centre hospitalier de Valenciennes et pris en charge par le service de réanimation, au sein duquel il a été placé dans un coma afin de stabiliser son état de santé. Différents examens sont pratiqués du 20 au 30 mai, établissant l’absence de réflexes du tronc cérébral, l’absence d’activité cérébrale et des lésions anoxiques sévères. Après étude du dossier par les équipes neuro/radio et éthique du centre hospitalier et le recueil de l’avis de réanimateurs extérieurs, l’état de ce patient est considéré comme insusceptible d’amélioration. L’équipe médicale considère alors que la poursuite des thérapeutiques invasives constituerait une obstination déraisonnable dans des traitements apparaissant inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

Décision est alors prise de procéder à l’arrêt des soins et des traitements le 9 juin suivant, à l’issue d’une procédure collégiale prévue à l’article R.4127-37-2 du Code de la santé publique réunissant l’équipe de soins et l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Toutefois, l’exécution de cette décision va être suspendue par une ordonnance du 8 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Lille en raison de l’existence d’une lettre manuscrite datée du 5 juin 2020, adressée par ce patient à son médecin traitant, qui n’avait pas été portée à la connaissance des équipes du centre hospitalier de Valenciennes.>

 

 

Dans cette lettre, ce patient fait connaître ses directives anticipées et son souhait, dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de s’exprimer, d’être maintenu en vie, même artificiellement, en cas de coma prolongé jugé irréversible. La procédure collégiale est alors reprise et après plusieurs réunions et de nouveaux examens (IRM, électroencéphalogrammes…) ainsi que des consultations extérieures, il est établi que les thérapeutiques disponibles ne pouvaient plus apporter de bénéfices et que la qualité de survie attendue était “catastrophique”. Une nouvelle décision d’arrêt des soins est alors prise le 15 juillet 2022 par le chef du service de réanimation du centre hospitalier de Valenciennes et portée à la connaissance des proches du patient. Une décision qui indique que le maintien des actes et traitements apparaît inutile et même disproportionné et comme n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie sans aucune perspective raisonnable d’amélioration. Une décision qui mentionne également que les directives anticipées de ce patient ont été prises en compte mais ont été unanimement écartées comme manifestement inappropriées et non conformes à la situation de ce patient.

D’autres recours contre cette décision ont alors été engagés, notamment devant le Conseil constitutionnel : il ressort de ces recours que les procédures légales et réglementaires ont été respectées, que la décision litigieuse d’arrêt des soins n’a pas été prise de manière hâtive, sans que des réévaluations et examens complémentaires n’aient pu être réalisés ni que toutes les thérapeutiques n’aient pu être envisagées. Dans sa décision du 29 novembre 2022, le Conseil d’Etat a ainsi donné raison à cette équipe soignante pour laquelle toute poursuite des soins et traitements apparaissait inutile en l’absence de perspective d’évolution favorable de l’état de ce patient, dans un état irréversible d’abolition de toute conscience et qui ne pouvait pas être maintenu en vie sans le soutien d’une ventilation artificielle. Et le Conseil d’Etat d’en conclure que “l’appréciation de l’équipe médicale selon laquelle les directives anticipées de poursuite des soins formulées par Mr D… devaient être regardées comme manifestement inappropriées à la réalité de sa situation médicale actuelle, et la décision en conséquence de cesser les soins qui lui sont dispensés, ne peuvent être regardées comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Loubry, Juriste

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