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EGORA – Prescriptions hors AMM : entre justifications et mésusages

Le respect de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament souffre de nombreuses exceptions, parfois justifiées. D’autres pratiques, plus problématiques, sont dues à la mauvaise information des consommateurs.

 

“Le respect de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) doit être la règle et le hors AMM, l’exception”, a souligné le Pr Gilles Bouvenot, professeur émérite à la faculté de médecine de Marseille et ex-président de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une séance des Académies nationales de médecine et de pharmacie, le 16 novembre à Paris. Or aujourd’hui, environ 20% des médicaments sont prescrits hors AMM en France. “Il faut bien distinguer les prescriptions médicalement justifiées, dans l’intérêt des patients, et celles injustifiées et inacceptables. Cependant, il y a un continuum entre les deux”, a poursuivi Gilles Bouvenot.

Ainsi, la prescription peut être motivée par un retard d’actualisation de l’AMM au regard des nouvelles connaissances scientifiques.

 

Une réponse aux besoins médicaux

Autre raison : la nécessité de répondre aux besoins non couverts de certaines populations, comme les personnes âgées, les femmes enceintes ou les enfants. “40% des médicaments pédiatriques ont été prescrits hors AMM en 2020 et 80 % en néonatologie”, a chiffré la Dre Valérie Denux, directrice Europe et innovation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En pédiatrie, la pharmacopée est restreinte, du fait de l’insuffisance des essais cliniques, de la non prise en compte des différentes tranches d’âges, ou encore de formulations ou de voies d’administration inadaptées. “Ces médicaments présentent de nombreuses particularités : petites séries, présentation particulière (flacon en verre), nécessité d’un accessoire doseur, prix faibles”, a décrit le Dr Martial Fraysse, titulaire d’officine à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) et membre de l’Académie de pharmacie.

En cause également, la flambée des ruptures d’approvisionnement, 1 500 risques de ruptures ayant été déclarés à l’ANSM en 2019 et 2 400 en 2020 (dans l’ensemble des spécialités).

 

 

Des prescriptions à accompagner

Les prescriptions hors AMM justifiables “devraient être reconnues comme telles (…) et bénéficier d’un statut approprié. (…) Dans un certain nombre de circonstances, le strict respect de l’AMM ne coïncide pas avec la meilleure prise en charge thérapeutique du patient, c’est-à-dire avec l’obligation déontologique et légale de lui procurer les meilleurs soins”, ont souligné les Académies de médecine et de pharmacie dans un rapport conjoint publié en 2018.

Ces prescriptions “doivent être accompagnées pour limiter les risques”, a confirmé Valérie Denux. La doctrine de l’ANSM sur le mésusage du médicament, publiée en avril 2021, liste plusieurs axes : communication sur les médicaments autorisés en France (base de données publique) ; cartographie de 560 molécules à risque de prescription hors AMM ; cadrage des usages dérogatoires avant enregistrement, via l’autorisation d’accès compassionnel (délivrée au cas par cas) et les autorisations d’accès précoce pré-AMM et post-AMM. L’ANSM prévoit, en outre, une identification et un cadrage des prescriptions hors AMM : conférence de consensus, cadre de prescription compassionnelle, repositionnement d’anciennes molécules. Enfin, elle entend sensibiliser tous les acteurs sur ce sujet. Une démarche qui s’inscrit dans un contexte de méfiance grandissante du grand public vis-à-vis des autorités et de l’industrie pharmaceutique…

 

L’automédication, source de mésusage

Le hors AMM concerne aussi la consommation, notamment dans le cadre de l’automédication, avec notamment des risques de surdosage ou d’interaction médicamenteuse. “Des produits sont passés du statut de médicament à celui de cosmétique, de complément alimentaire ou de dispositif médical. Certains ont plusieurs statuts”, a alerté la Dre Haleh Bagheri, responsable du service de pharmacologie médicale du CHU de Toulouse et directrice du centre régional de pharmacovigilance (CRPV), pointant également les gammes dites “ombrelle”, qui sont des gammes de médicaments contenant des substances actives en partie différentes, mais qui partagent le même nom de marque (type Actifed, Humex, Fervex, Doli-), ainsi que les publicités agressives.

Pour permettre aux usagers de s’y retrouver dans la “jungle de l’automédication”, elle a appelé à une formation indépendante des médecins d’une part et des patients d’autre part, à une “politique d’éducation pharmacologique à l’école” et une “sensibilisation des futurs consommateurs”, à une “pharmacovigilance proactive”, et à la mise à disposition de base de données fiables, actualisées et “accessibles par smartphone”, “comme pour les produits alimentaires”.

 

[D’après une séance commune des Académies de médecine et de pharmacie (16 octobre 2022)]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Muriel Pulicani

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