Le congrès de l’American Diabetes Association (ADA) s’est tenu à la Nouvelle-Orléans du 3 au 7 juin 2022. Un congrès où ont été présentées de nombreuses avancées thérapeutiques et technologiques, notamment le tirzépatide mis en avant dans plusieurs études, des insulines à injections hebdomadaires, un nouveau système fermé d’administration d’insuline plus simple d’utilisation et les résultats des premières greffes de cellules souches.

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Au sommaire :

• Deux études majeures sur le tirzépatide : Le tirzépatide diminue la progression vers la maladie rénale par rapport à l’insuline glargine chez des diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire et permet une perte de poids importante en cas d’obésité sans diabète.

• Un nouveau pancréas bionique plus simple et plus efficace : Un nouveau système automatique d’administration d’insuline, l’iLet, encore plus simple à l’utilisation, améliore les résultats des HbA1c.

• Diabète de type 1 : succès de la greffe de cellules souches : Un premier patient a pu s’affranchir de l’insuline 9 mois après transplantation de cellules souches.

• Demain, des injections d’insuline hebdomadaires : Deux insulines sont en passe d’être proposées en une injection hebdomadaire avec la même efficacité que les insulines quotidiennes.

[Avec le Congrès de l’American Diabetes Association (ADA, la Nouvelle-Orléans, 3-7 juin 2022)]

ADA 2022 : Deux études majeures sur le tirzépatide

Le tirzépatide diminue la progression vers la maladie rénale par rapport à l’insuline glargine chez des diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire et permet une perte de poids importante en cas d’obésité sans diabète.

Le tirzépatide est un nouvel agoniste des récepteurs du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP) et du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) qui intègre ainsi les actions des deux incrétines GIP et GLP-1 en une seule molécule, ce qui lui vaut le nom de double-incrétine ou twin-incrétine. Deux études ont mis à l’honneur cette nouvelle molécule.

Diminution du risque d’évolution de la maladie rénale

L’étude Surpass-4 a montré la supériorité du tirzépatide par rapport à l’insuline glargine sur la maladie rénale dans une population de diabétiques de type 2 à haut risque cardio-vasculaire. Les premiers résultats de cette étude, publiés dans The Lancet en novembre 2021, avaient déjà montré que le tirzépatide réduisait davantage l’HbA1c comparativement à l’insuline glargine(1). L’étude présentée au congrès de l’ADA avait pour but de déterminer le rôle du tirzépatide sur la fonction rénale dans une population à haut risque de complications rénales. Ainsi, un total de 1 995 patients atteints de diabète de type 2 avec un risque accru de maladie cardiovasculaire ont été recrutés. Les patients avaient un âge moyen de 63,6 ans et un taux d’HbA1c de 8,5 % initialement. Au niveau rénal, le débit de filtration glomérulaire (DFG) basé sur le CKP-EPI était normal pour la majorité des patients. Une fraction (18 %) avaient une fonction rénale modérément ou sévèrement réduite (DFG < 60 mL/min/1,73 m(2)) tandis que 28 % des patients présentaient une microalbuminurie (UACR [rapport albuminurie/créatinurie] : 30-300 mg/g) et 8 % une macroalbuminurie (UACR > 300 mg/g). Certains patients (1/4) suivaient un traitement par iSGLT2.

Les patients ont été randomisés pour recevoir soit une administration hebdomadaire de 5, 10 ou 15 mg de tirzépatide, soit une injection quotidienne d’insuline glargine titrée 100 U/mL, en plus des traitements par antidiabétiques oraux. Le suivi médian a été de 85 semaines et certains patients ont pu être suivis jusqu’à 104 semaines.

Les résultats sont sans appel. Le Pr Heerspink (Université de Groningen, Pays-Bas) annonce : « à la fin de l’essai, la réduction du risque relatif d’évolution vers une détérioration de la fonction rénale est de 42 % dans le groupe tirzépatide » par rapport aux sujets traités par insuline glargine. Le spécialiste précise que « ceci est essentiellement lié à une diminution du risque d’apparition d’une macroalbuminurie (hazard ratio de 0,41) ». En effet, les données ne sont pas aussi nettes en ce qui concerne le déclin du DFG, avec une différence non significative entre les deux groupes. L’auteur indique également que « ces résultats se retrouvent dans tous les groupes, qu’il y ait ou non une atteinte rénale, quel que soit le stade d’insuffisance rénale et en présence ou non de iSGLT2 ».

Perte jusqu’à 22,5 % de poids avec le tirzépatide

L’étude Surmount-1(2) a, quant à elle, porté sur l’efficacité du tirzépatide en cas d’obésité ou de surpoids avec au moins une comorbidité mais dans une population exempte de diabète.

L’obésité étant une porte d’entrée dans le diabète, les moyens de lutter contre ce fléau pourrait ainsi permettre de diminuer les nouveaux cas de diabète de type 2.

Cet essai de phase III, en double aveugle et contrôlé par placebo a inclus 2 539 adultes obèses (indice de masse corporelle (IMC) ≥ à 30 kg/m(2)) ou en surpoids (IMC compris entre 27 et 30 kg/m(2)). Ils ont été affectés de manière aléatoire pour recevoir du tirzépatide (5, 10 ou 15 mg) ou un placebo, et ont été suivis pendant 72 semaines. Les pertes de poids moyennes dans le groupe tirzépatide étaient de 16 à 22,5 % selon la dose reçue contre 3,1 % avec le placebo. La dose maximale de 15 mg de tirzépatide était la plus efficace avec une perte moyenne de 23,6 kilogrammes.

La Dre Ania Jasttreboff à l’initiative de ce projet explique que « dans le groupe tirzépatide, 97,7 % des personnes ont perdu du poids contre 66,9 % dans le groupe placebo » et que « plus de 85 % ont perdu au minimum 5 % de leur poids avec les différentes doses de tirzépatide contre 35 % dans le groupe placebo, et 36 % ont même perdu plus de 25 % du poids initial », comparant ainsi ces résultats à ceux obtenus après chirurgie bariatrique.

Les patients inclus n’étaient pas diabétiques, cependant, l’HbA1c et la glycémie à jeun ont été mesurées. Il est ressort que la prise de tirzépatide a entraîné une diminution moyenne de l’HbA1c de 0,5 %. Parmi les patients prédiabètique, plus de 95 % ont retrouvé une normoglycémie.

De même, la glycémie à jeun a diminué d’environ 10 mg/dl, le taux d’insuline de 4 à 5 mIU/L.

Dans le groupe tirzépatide, 78,9 à 81,8 % des sujets ont déclaré au moins un effet indésirable, contre 72 % dans le groupe placebo. Le Dr Sriram Machineni, co-auteur, précise que « les effets secondaires essentiellement de type gastro-intestinaux (nausées, diarrhée, constipation, dyspepsie, vomissement, perte d’appétit, douleurs abdominales), plus fréquents dans les groupes tirzépatide, ont conduit à l’abandon de l’étude dans 17,6 % des cas contre 2,6 % dans le groupe placebo ».

De rares cas de pancréatite et cholécystite ont été observés, et les taux de lipase et d’amylase ainsi que de la calcitonine étaient plus souvent augmentés par rapport au groupe placebo, devant conduire à un suivi attentif des patients.

(1) Del Prato S et al, Lancet 2021
(2) Jastreboff et al, NEJM, 2022

[D’après les communications du Pr Heerspink (University Medical Center Groningen Pays-Bas), et des Drs Ania Jastreboff (Université Yale, New Haven, Connecticut, USA), et Sriram Machineni, University of North Carolina, Chapel Hill, Caroline du Nord, USA.]

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ADA 2022 : Un nouveau pancréas bionique plus simple et plus efficace

Un nouveau système automatique d’administration d’insuline, l’iLet, encore plus simple à l’utilisation, améliore les résultats des HbA1c.

Les systèmes automatisés d’administration d’insuline en boucle fermée contribuent à un meilleur suivi des taux de glycémie et d’HbA1c tout en étant moins contraignant pour le patient. Ces systèmes nécessitent cependant des données d’entrées pour calculer la dose d’insuline, notamment la quantité de carbohydrate consommée à chaque repas.

Le système iLet Bionic Pancreas s’annonce plus simple à l’emploi. Le Dr Gregory Forlenza, un des auteurs d’une étude qui a évalué ce nouveau dispositif, et qui a regroupé 16 centres, précise qu’« il suffit d’indiquer le poids pour initialiser le système puis le patient renseigne les repas en trois niveaux de quantité, sans compter les glucides. Les doses d’insuline se calculeront automatiquement sans que l’utilisateur ne puisse les changer ». Ce système a été testé sur 440 patients de tous horizons : enfants comme adultes, quelles que soient l’origine ethnique et la valeur de départ de l’HbA1c.

Avantage montré pour les adultes, les enfants, et ceux qui ont des niveaux HbA1c élevés

L’essai a comparé ce nouveau système aux soins habituels à savoir les autres systèmes de pancréas artificiel disponibles, pompes à insuline et appareils de lecture du glucose en continue (CGM) ou injections avec CGM. Le Dr Steven Rusell a présenté les résultats des adultes et indique que « dans l’ensemble, après 13 semaines, l’HbA1c moyen a chuté de 0,5 % avec l’iLet par rapport aux soins habituels et de 0,7 % chez les participants ayant des taux d’HbA1c de base > 7,0 %. De plus, ce système ne s’est pas accompagné d’augmentation des hypoglycémies ». A noter également que les personnes utilisant l’appareil ont passé en moyenne 2,6 heures de plus dans la plage de normoglycémie (glycémie entre 70 à 180 mg/dL). Dans l’ensemble, les améliorations de l’HbA1c étaient plus importantes chez les personnes ayant des niveaux de base d’HbA1c plus élevés. Ces résultats ont été observés dans tous les groupes raciaux, quels que soit les niveaux socio-économiques et d’éducation.

Les résultats étaient similaires parmi les 165 sujets pédiatriques comme l’a souligné le Dr Laurel Messer, diabétologue pédiatrique, avec une baisse de l’HbA1c de 8,1 % à 7,5 % avec iLet alors que le taux est resté stable à 7,8 % dans le groupe de soins standard.

[D’après les communications des Drs Gregory Forlenza (Children’s Hospita, Aurora, Colorado, USA), Steven Russell (Massachusetts General Hospital, Boston, Massachusetts, USA), et Laurel Messer (Barbara Davis Center for Chilhood Diabetes, Aurora, Colorado, USA)]

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ADA 2022 : Diabète de type 1, succès de la greffe de cellules souches

Un premier patient a pu s’affranchir de l’insuline 9 mois après transplantation de cellules souches.

Les greffes d’îlots pancréatiques se pratiquent depuis plus de 20 ans mais leur quantité est limitée et leur qualité variable. D’où l’intérêt d’obtenir des îlots par différentiation à partir de cellules souches pluripotentes humaines. James F Markmann, qui dirige l’unité de transplantation de l’hôpital général à Boston, a présenté des résultats très encourageants. Même si les données ne concernent que 2 patients, l’espoir est réel pour tous les diabétiques. Le programme consiste à injecter un cocktail de cellules souches appelé VX-880 conjointement à un traitement immunosuppresseur.

Le premier patient, un homme de 64 ans souffrait de diabète de type 1 depuis plus de 40 ans et était confronté à des épisodes récurrents d’hypoglycémie sévères. Il a reçu une demi-dose de VX-880. Il a pu diminuer de façon drastique sa dose d’insuline de 34 unités à 2,6 unités à J90, avec un arrêt total à J240. A J270 soit 9 mois après la transplantation, il ne nécessitait plus d’insuline et présentait une normalisation de son HbA1c. Durant le dernier mois il a passé 99,9 % de son temps en euglycémie comparativement à 40,1 % avant transplantation. Les auteurs précisent cependant que « des hypoglycémies sévères sont survenues juste après la transplantation, que des effets secondaires de type cytolyse, éruptions cutanées et déshydratation ont été observés ».

La 2ième patiente, une femme de 35 ans, diabétique depuis 10,7 ans, a diminué de 30 % sa consommation d’insuline de 25,9 à 18,2 unités et a augmenté son temps d’euglycémie de 35,9 à 51,9 %, 5 mois après la transplantation. Son HbA1c n’a cependant diminuée que de 0,4 %.

Un 3ième patient a reçu la totalité de la dose ciblée mais n’a pas encore été pris en compte. Au total, le recrutement prévoit 17 patients.

[D’après une communication de James F Markmann (Massachussett General Hospital, Boston, Massachussett, USA)]

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ADA 2022 : Demain, des injections d’insuline hebdomadaires

Deux insulines sont en passe d’être proposées en une injection hebdomadaire avec la même efficacité que les insulines quotidiennes.

Les avancées technologiques vont permettre à de nombreux patients diabétiques de pouvoir bientôt espacer leur injection d’insuline. Plusieurs molécules sont en cours de développement mais deux sont plus avancées et ont franchit le cap des études préliminaires. Deux nouveaux analogues de l’insuline d’action prolongée administrable une fois par semaine sont en phase III et devraient arriver sur le marché au cours des prochaines années. Les études prélimaires présentées ont en effet mis en exergue une absence d’infériorité quant aux résultats des HbA1c sans augmentation majeure des hypoglycémies rapportées.

La 1ière insuline appellée BIF pour Basal Insuline Fc ou encore Efsitora alfa est une combinaison de deux agonistes du récepteur à l’insuline associée entre eux grâce au fragment Fc des immunoglobulines. Cette molécule a une demi-vie très prolongée de l’ordre de 17 jours. Les résultats montrent qu’au bout de 3 à 4 injections (1/semaine), le taux de base d’insuline forme un plateau extrémement stable.

La 2ième insuline nommée Icodec est due à une modification de la structure moléculaire de l’insuline qui est associée à un acide gras permettant ainsi une fixation à l’albumine. Ce complexe constitue une réserve d’insuline dans l’organisme qui va être ensuite liberée très progressivement. La demi-vie est d’une semaine.

Le Dr Harpreet Bajaj, endocrinologue au Mount Sinai Hospital (Toronto), a présenté les essais cliniques de phase 2 comparant le BIF à l’insuline degludec chez les patients diabétiques de type 2 naïfs d’insuline. Il a noté « au bout de 32 semaines, une absence d’infériorité de la BIF en terme d’HbA1c, un temps passé en euglycémie similaire et sans qu’il y ait plus d’hypoglycémie dans le groupe BIF » puis conclut « ainsi, l’efficacité et le profil de tolérance de BIF sont similaires à ceux de l’insuline degludec dans le diabète de type 2 ». Le programme de phase 3 intitulé Qwint- 1 à 5 va permettre de comparer différents profils et de conforter ces 1iers résultats.

Concernant la 2ème insuline à injection hebdomadaire, une étude préliminaire comparant l’Icodec à la glargine a montré des résultats superposables. En effet, au bout de 26 semaines, l’HbA1c est passée de 8,1 % à 6,7 % dans le groupe Icodec et de 8 à 6,9 % dans le groupe Glargine. Les risques d’hypoglycémies rapportées étaient plus importants avec l’Icodec. Des études Onwards-1 à 6 comparant différentes modalités d’administration d’insuline sont également en cours.

[D’après une communication de Dr Harpreet Bajaj, Mount Sinai Hospital, Toronto, Canada]

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Source :
www.egora.fr
Auteur : Sylvie Coito