Dès 2023, les médecins en exercice pourront entamer une procédure pour changer de spécialité ou postuler à de nouvelles options ou formations spécialisées transversales. Qui est concerné ? Selon quelles modalités ? Comment va se dérouler l’internat ? Zoom sur une mesure attendue depuis 2017 par le corps médical, qui déçoit en partie les syndicats.

 

C’est officiel : à compter du 1er janvier 2023, les médecins en exercice, déjà titulaires d’un DES*, pourront se reconvertir et s’inscrire à un internat d’une spécialité différente de la leur, s’ils le souhaitent. Un arrêté publié au Journal officiel le 25 avril détaille les conditions, les praticiens concernés et les modalités requises.

Jusqu’à aujourd’hui, les médecins thésés pouvaient changer de spécialité, ou compléter leur formation, uniquement via une validation des acquis par l’expérience (VAE), accordée par l’Ordre des médecins ou les universités ; ou une qualification de spécialiste, également accordée par l’Ordre. Mais, en 2017, les nouvelles maquettes prévues dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études de médecine (R3C) ont rendu obsolète ce fonctionnement. La publication de ce nouvel arrêté permet donc de cadrer, mais aussi, sur le papier, de permettre plus de souplesse aux candidats à une réorientation.

 

 

Dès l’an prochain en effet, en plus de pouvoir postuler à un DES de spécialité différente de la leur, les médecins pourront aussi postuler à une option de leur DES d’origine, ou à une formation spécialisée transversale (FST). “Cet arrêté va dans le bon sens car les DES étant de plus en plus cloisonnés et compte tenu du fait qu’il n’existe plus de DES complémentaire, c’est le seul levier, pour les personnes qui le souhaitent, pour se réorienter”, souligne Mathilde Renker, présidente de l’InterSyndicale nationale autonome et représentative des internes de médecine générale.

 

Quels médecins sont concernés ?

Pour pouvoir candidater à un nouveau DES, il faut être titulaire d’un diplôme français ou étranger, être inscrit à l’Ordre… et avoir exercé au moins trois ans à temps plein. “C’est notre principal point de désaccord”, explique la présidente de l’Isnar-IMG. “Nous aurions souhaité qu’il n’existe pas de délai. Cette décision a été prise par les autorités car elles considèrent qu’il faut exercer un minimum avant de changer.” Du côté de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), la pilule a du mal à passer. “Le fait d’avoir une durée minimale d’exercice à temps plein va de facto écarter et rendre la tâche difficile à un certain nombre de jeunes médecins ou internes en fin de cursus qui avaient prévu une réorientation”, s’indigne son président, Gaetan Casanova.

A ses yeux, cette modalité actée par le ministère de la Santé risque d’avoir trois conséquences : “Soit le médecin arrête tout exercice, et c’est dommage quand on manque de professionnels de santé. Soit il travaillera trois ans frustré et finira par faire des erreurs, une dépression. Ou alors, il ‘perdra’ trois ans et s’accrochera”, analyse-t-il en rappelant que des médecins prêts à prendre la difficile décision de refaire un internat ont forcément de bonnes raisons, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel.

Pour les candidatures à une nouvelle option d’un DES d’origine ou une FST, les conditions sont quasi-identiques : outre l’obtention d’un diplôme français ou étranger et une inscription au tableau de l’Ordre, les médecins devront, eux, justifier d’un an d’exercice à temps plein. Il est à noter que les congés annuels, les congés de maternité, les congés de paternité et d’accueil de l’enfant, les congés d’adoption et les congés de maladie rémunérés accordés aux médecins (dans la limite de trente jours) sont comptabilisés dans le temps d’exercice, “dans la limite totale de six mois” au total, précise l’arrêté. Par ailleurs, les médecins libéraux comme hospitaliers qui ne peuvent plus exercer pour raison médicale ou qui sont concernés par un “motif impérieux”, sont aussi autorisés à déposer un dossier de candidature.

Pour autant, postuler ne signifie pas nécessairement que son inscription sera validée…

 

Comment candidater ?

Avant toute chose, les volontaires devront monter un dossier de candidature, composé de plusieurs documents. Il faut bien sûr fournir des éléments “classiques”, comme une copie de la carte d’identité ou du passeport ou du titre de séjour, mais aussi un CV, son attestation d’inscription au tableau de l’Ordre et une lettre de motivation. Mais, il faut aussi ajouter la copie du diplôme permettant l’exercice de la spécialité d’inscription, ainsi que toutes les pièces qui permettent de justifier de son expérience, d’éventuels travaux scientifiques, publications ou titres… Tout ceci dans l’objectif de motiver sa candidature et de présenter un projet crédible aux yeux des examinateurs.

 

 

Enfin, il faudra remplir un document précisant la spécialité, l’option ou la FST souhaitée et le nom de l’université de rattachement. Pour valider la procédure, il faudra envoyer son dossier avant le 30 avril de chaque année universitaire au plus tard. Il ne sera possible de déposer qu’un dossier par an pour l’une des trois voies.

 

Validation de la candidature

A partir du mois de mai, c’est la commission régionale de coordination de la spécialité qui sera chargée d’analyser toutes les demandes reçues. A chaque fois, ses membres étudieront, en fonction de la spécialité ou l’option demandée, le projet professionnel du candidat, ses aptitudes, les connaissances et les compétences acquises au cours de sa formation initiale, dans le cadre de l’expérience professionnelle et de la formation continue. A l’issue d’une première phase d’étude, le coordinateur régional sera chargé de désigner deux rapporteurs, qui devront rédiger une synthèse à partir de tous les dossiers reçus et intéressants.

Dernière étape de la sélection pour les candidatures retenues à l’issue du premier tour : des oraux. Les médecins, qui recevront une convocation au moins 15 jours avant la date de l’oral, seront jugés sur leur potentiel à suivre la formation, leurs motivations et projets. Pour finaliser l’inscription, la commission envoie la liste des admis au directeur de l’unité de formation et de recherche de médecine concernée qui devra la publier au moins trois mois avant la rentrée universitaire. Enfin, les sélectionnés ont un mois pour confirmer leur inscription.

 

Un nombre de places fixé par le ministère

Le nombre de postes ouverts à ces réorientations est fixé chaque année par arrêtés des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, à l’instar de la procédure des ECN. Une liste complémentaire sera malgré tout établie, par ordre de mérite, afin de “combler les vacances résultant de désistements éventuels”. La liste complémentaire est valable jusqu’à la session suivante, stipule l’arrêté.

 

Quand on est en exercice, comment ça se passe?

Le contrat de formation sera individualisé en fonction des parcours et de la maquette de la formation sollicitée. Dans les faits, une partie du précédent cursus déjà validé peut être retenue dans… la nouvelle spécialité, permettant ainsi de réduire la durée du nouveau troisième cycle. Ces “dispenses” ne pourront toutefois pas excéder 50% de la formation demandée. Par exemple, des ponts existent entre la médecine générale et la médecine d’urgence et il sera possible de ne pas repasser certaines unités d’enseignement déjà validées, voire de réduire l’internat de moitié.

De plus, le suivi pédagogique des médecins sera assuré par une commission locale de coordination de la spécialité.

 

 

Sous quel régime s’inscrire à l’université ?

Qui dit retour sur les bancs de la faculté, dit forcément… Inscription administrative ! Les médecins devront s’inscrire à leur université de rattachement, comme c’est le cas pour les carabins. Pour les candidats à un nouvel internat, ce sera sous le régime de la formation initiale. Pour ceux qui souhaitent réaliser une nouvelle FST ou valider une nouvelle option, ce sera sous le régime de la formation continue.

“Bien sûr, ce texte est nécessaire”, appuie Gaetan Casanova. “Mais, ce qui ne va pas, c’est que l’Ordre et les universitaires ont considéré que ce n’était pas comme une sorte de ‘droit au remord tardif.’” “Dans leur esprit, il s’agit plus de requalification que de réorientation. Ça ne peut surtout pas être destiné à des internes qui regrettent, des médecins qui ne vont pas bien, mais plutôt à un chirurgien qui ne peut pas se servir de sa main”, soulève-t-il, regrettant la position “restrictive” de l’Ordre. “La preuve, s’ils avaient considéré la réorientation comme un motif valable, ils n’auraient pas mis un délai de trois ans pour le faire”, conclut le président de l’Isni.

 

* DES : diplôme d’études spécialisées.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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