Alors que les professionnels de santé ont été “pris de court” par une pandémie à laquelle personne ne s’attendait, le ministre de la Santé a décidé d’anticiper une éventuelle prochaine urgence sanitaire en travaillant sur la création et la diffusion de contenus. Une mission co-dirigée par le chirurgien Éric Vibert a travaillé sur l’organisation d’un plan de gestion face à une nouvelle crise, destiné aux professionnels de santé. La multiplication des DGS-Urgent a notamment été épinglée.

 

Alors que nous venons de traverser une pandémie et qu’une guerre vient d’éclater sur le continent, une mission dirigée par le Dr Éric Vibert vient de publier des recommandations pour permettre aux soignants d’être mieux préparés face à une nouvelle urgence sanitaire, en étant mieux informés. “Il s’agit d’ores et déjà d’identifier les interlocuteurs et les canaux de communication multiples qui, couplés à une véritable stratégie de diffusion traceront le plan d’attaque lors du prochain ‘brouillard de guerre’, commun à tous les débuts de crise”, indique le document.

La mission CREA-DIFF, nommée par Olivier Véran en mai 2021, a pour objectif d’organiser un plan de gestion – efficace et immédiat – face à une nouvelle crise, par la diffusion d’informations et de modules de formation “Flash” destinés aux professionnels de Santé. Elle a abouti à 10 recommandations et 53 mesures, déclinées en 2 sections principales : Former et Anticiper, Diffuser et Partager.

 

 

Il ressort de l’étude réalisée que la communication de début de crise a souffert d’un manque de cohérence des messages, rendant souvent perplexes les professionnels de santé quant à l’attitude à adopter face à leurs patients. Le rapport préconise donc en premier lieu la création d’une équipe restreinte sous la responsabilité d’un Chief Digital Officer (CDO) qui aura la responsabilité de la création et de la diffusion de contenu.

L’urgence nécessite des formats immédiatement assimilables par les soignants estime la mission qui en appelle au micro-learning. Ainsi, des modules interactifs sur téléphone d’une durée de 5 à 10 minutes permettraient d’assurer la formation élémentaire à une menace identifiée, et de s’assurer de l’acquisition des connaissances.

S’il est évident qu’on ne peut prévoir la prochaine urgence sanitaire, il est possible de développer les réflexes à la gestion d’un nouvel épisode d’urgence sanitaire, écrit le rapport. Les auteurs de la mission recommandent de préparer les soignants à la gestion de la prochaine crise, en l’inscrivant dans le processus de “recertification” et en rendant obligatoires certains modules de formation, communs (mais pas identiques) à tous les professionnels de santé, spécifiques à la gestion d’une crise sanitaire.

Ces modules de formation auraient par exemple pour thème la formation aux grades de la HAS, la reconnaissance et la lutte contre les fake news, l’utilisation des réseaux sociaux ou encore la gestion de l’Infodémie (formation proposée par l’Organisation mondiale de la Santé)…

“Le DGS-Urgent a été tout au long de la crise l’alpha et l’omega de la communication, n’atteignant finalement que peu de professionnels de santé, qui se sont lassés petit à petit de cet outil intéressant mais d’un format dépassé”, constate le rapport d’après qui “l’urgence doit demeurer l’Urgence (et non le quotidien”. “Avant la pandémie, le DGS-Urgent était utilisé à bon escient, respectant la notion d’Urgence (2 à 3 fois par an). Pendant la crise, le DGS-Urgent a été envoyé jusqu’à 16 fois par mois”, déplore la mission.

Dans un sondage lancé sur Egora, à la question vous sentez-vous dépassé…

par les messages DGS-Urgent ? 65% des votants avaient répondu oui. “Il y a trop d’informations, qui en plus sont parfois contradictoires dans le temps. On n’a pas que ça à faire de rechercher la substantifique moelle”, avait commenté un lecteur. “Utiles certes mais souvent brouillons et mal rédigés”, réagissait un autre médecin.

 

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Le rapport conseille donc de créer une newsletter quotidienne pour informer systématiquement les professionnels de santé en temps de crise comme en temps normal. Sur le même principe que le DGS-Urgent, il est recommandé d’associer aux informations diffusées les outils de partage, à la fois vers des réseaux généralistes (Facebook,Twitter, etc) mais aussi vers des réseaux spécialisés de soignants.

Le format des DGS-Urgent est également à retravailler. “Il est illisible pour une bonne partie des professionnels de santé. Nous conseillons de varier les formats, et d’intégrer notamment des formats vidéo, des modules téléchargeables, des infographies, des algorithmes décisionnels afin d’en faciliter la lecture et d’augmenter l’efficacité pédagogique”, préconise la mission. Si aujourd’hui le DGS est envoyé de manière globale, sans prendre en compte ni la catégorie de soignants visée ni la géographie, le document conseille de structurer le DGS-Urgent sur le principe suivant : un tronc commun à l’attention de tous les professionnels de santé et une partie spécifique à des catégories de soignants.

 

Trois questions au Dr Éric Vibert, co-directeur de la mission CREA-DIFF et chirurgien à l’AP-HP

Egora.fr : Quels enseignements tirez-vous de la crise Covid en ce qui concerne l’information des professionnels de santé ?
Éric Vibert : Il y a eu une sorte de sidération. On a été submergés d’informations et ça a été très difficile de faire le tri entre ce qui était important ou non. Les personnels de santé, comme la population, étaient un peu paumés dans les ordres et contre-ordres. Il y a eu un sentiment de fouillis. Les gens ne savaient plus ce qu’il fallait faire.
On a reçu des hecto tonnes d’informations qui arrivaient de la Direction générale de la santé (DGOS). Ces mails étaient perdus au milieu d’autres mails, comme s’il manquait un tuyau spécifique pour la crise.

La multiplication des DGS-Urgent pendant la crise a-t-elle été contre-productive ?
Oui, totalement. Au départ, on les lisait, puis quand on en a reçu 150 par jour dans un format franchement pas ergonomique, ils se sont perdus au milieu du reste. Moi, je n’ouvre même plus les DGS-Urgent.
En plus, on a communiqué pour tout le monde de la même manière. Les personnels de santé ne sont pas que les médecins mais aussi les infirmiers, les aides-soignants, les pharmaciens… Il faudrait vraiment adapter la manière de communiquer à la personne à laquelle on s’adresse. Il y a toute une réflexion à avoir sur la manière dont on va pouvoir identifier des personnes en dehors des crises qui seront capables de communiquer en cas de crise.
Cela est également vrai pour les médias. On a ressenti une non-préparation absolue des soignants pour communiquer. C’était aussi hypertrophié par les émissions de télé qui voulaient avoir du clash. Mais on a bien vu que des médecins n’étaient pas préparés à communiquer avec les médias et s’emmêlaient les pinceaux.

Quelle mesure est d’après-vous prioritaire à mettre en œuvre afin d’être mieux préparé à une nouvelle crise ?
Je pense qu’il faudrait vraiment développer des contenus flash. Il s’agit de contenus courts et pédagogiques qui peuvent arriver qui peuvent arriver par des nouveaux canaux. On a par exemple vu le succès de l’application TousAntiCovid. Nous avons tous attentivement regardé cette application pendant la crise parce que nous avions en temps réel une vision de l’épidémiologie de la maladie. L’idée serait de créer une application destinée aux professionnels de santé au sens large, baptisée Tous soignants, qui serait un lieu pour pouvoir passer des informations. Cela pose peut-être des problèmes de géolocalisation, mais dans un monde idéal il faudrait une application qui relaie un contenu flash en cas de crise. Cela pourrait également nous informer de la manière dont ça se passe autour de nous.

On a constaté qu’il était très difficile de capter rapidement tous les soignants. Il faut donc fabriquer des outils qui permettent de toucher tout le monde. Il faut également un pool d’experts capables de fabriquer du contenu.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin

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