Si l’actualité médicamenteuse a peu progressé dans le domaine de la douleur en rhumatologie, de nouvelles données de recherche et des traitements non médicamenteux viennent enrichir sa prise en charge. Le point avec le Pr Serge Perrot, directeur du Centre d’étude et de traitement de la douleur du groupe hospitalier Cochin-Hôtel Dieu (Paris), à l’occasion du 34ème Congrès français de rhumatologie, qui a eu lieu du 12 au 14 décembre à Paris.

 

Egora-Le Panorama du médecin : Les nouvelles recommandations concernant l’usage des opioïdes ont été dévoilées lors du congrès. Quels sont les points importants?

Pr Serge Perrot : Ces nouvelles recommandations insistent sur la prévention du mésusage, le repérage des patients à risque et leur suivi lors d’une prescription d’opioïdes afin d’éviter leurs effets indésirables. Si les opioïdes « faibles » ont une place dans la douleur chronique pour des patients bien sélectionnés et suivis, ce n’est pas le cas des produits « forts ».

Dans les douleurs nociceptives aiguës, nous avons longtemps utilisé les paliers de l’OMS (1, 2, 3). Or, nous savons qu’en rhumatologie, ces paliers n’ont pas de validité. Un anti-inflammatoire sera souvent plus efficace que la morphine dans une poussée d’arthrite. Certains produits, dont nous connaissons les risques, sont à éviter particulièrement comme le fentanyl qui n’a pas sa place dans les douleurs non cancéreuses. Les recommandations sont donc assez restrictives et précisent bien le caractère exceptionnel de l’utilisation des opioïdes en rhumatologie et des conditions de leurs prescriptions.

 

Quels sont les effets positifs de l’association des plantes curcumine, bromélaïne et harpagophytum ?

Ces produits de phytothérapie sont traditionnellement utilisés dans le traitement de l’arthrose. Une étude a montré que leur utilisation concomitante présente une efficacité sur la douleur. Il est intéressant de noter que pris séparément, chacun de ces produits a une efficacité modeste mais leur association a une action anti-inflammatoire et anti-catabolique synergique au niveau des cellules synoviales humaines et permet une réduction de l’expression des gènes et la libération de protéines impliquées dans la progression de l’arthrose et la douleur associée, en particulier grâce à un effet inhibiteur du nerve growth factor (NGF). Ainsi, nous voyons que la pratique des patients d’associer différentes plantes rejoint ce que les chercheurs ont démontré dans cette étude.

 

Quelles sont les activités physiques recommandées ?

Globalement, toutes les activités physiques sont au cœur de la prise en charge rhumatologique car l’appareil locomoteur doit être entraîné régulièrement. L’association de différents types d’exercices, aérobie et anaérobie, induit une meilleure efficacité. L’aérobie a un effet plus systémique et aussi anti-inflammatoire. L’anaérobie a un effet sur le renforcement musculaire. Un muscle de bonne qualité a un rôle de flexibilité du mouvement, de stabilisation et de protection des articulations. L’activité physique a également des effets antalgiques directs sur la douleur intervenant au niveau périphérique et au niveau du cerveau. L’exercice physique a donc des effets bénéfiques multiples, directs ou indirects, sur les rhumatismes, sur l’inflammation, sur la douleur. Il est recommandé de façon systématique (et adaptée) pour tous les patients, à tous les âges et pour toutes maladies. Et en cas de poussées, l’intensité de l’effort et de l’activité doit être réduite mais pas supprimée, contrairement à ce qui était d’usage auparavant.

 

Quelle place pour la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) ?

Cette technique, essentiellement utilisée dans le cas des douleurs neuropathiques, consiste à contre-stimuler le système nerveux en périphérie afin d’induire un effet antalgique. Une étude multicentrique a analysé son effet sur l’arthrose avec un système miniaturisé de stimulation électrique appliqué au niveau du genou de patients. Contre toute attente, un effet antalgique chez ceux-ci a été démontré. C’est une étude très encourageante car c’est un système maniable par les patients dont l’effet est supérieur aux opioïdes faibles et qui n’a pas d’effets indésirables.

 

Sur le plan fondamental, on en sait plus sur les systèmes inhibiteurs de contrôle de la douleur ?

Lorsqu’une douleur est ressentie, le cerveau renvoie des systèmes inhibiteurs descendants pour la bloquer. Une étude présentée par mon équipe montre que, chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde ou spondylarthrite, qui sont en poussée, les systèmes de contrôle sont altérés. L’inflammation périphérique déclenche une perturbation des systèmes de modulation de la douleur. Cela expliquerait la persistance de douleurs alors que l’inflammation est contrôlée par des traitements de l’inflammation très puissants (comme les biothérapies). Il est important de comprendre que, dans les maladies inflammatoires, le cerveau est perturbé et ne contrôle plus la douleur.

 

Qu’implique la grande variabilité des douleurs chez un patient ?

Une étude intéressante montre, à partir d’une cohorte française, la grande variabilité, d’un jour à l’autre, des douleurs ressenties par ces patients au cours de leur polyarthrite. Cette variabilité, dont nous ne connaissons pas les déterminants, peut expliquer la difficulté de soigner ces patients et implique de prévoir un programme de prise en charge adapté.

 

[D’après un entretien avec le Pr Serge Perrot, directeur du Centre d’étude et de traitement de la douleur du groupe hospitalier Cochin-Hôtel Dieu (Paris), à l’occasion du 34ème Congrès français de rhumatologie, qui a eu lieu du 12 au 14 décembre à Paris. Le Pr Serge Perrot déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant ce texte.]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Alexandra Verbecq

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