Alors que les préoccupations actuelles sont largement tournées vers la lutte contre le Covid-19, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publie les résultats d’une étude sur les pratiques des médecins généralistes en termes de prescriptions d’antibiotiques. La quasi-totalité des praticiens sont confrontés à des patients leur réclamant un traitement antibiotique lors d’une infection virale.

 

“Les antibiotiques, c’est pas automatique”, ce spot de l’Assurance Maladie avait fait un carton lors de sa sortie en 2002. Cette grande campagne médiatique avait permis de faire chuter la consommation d’antibiotiques. Mais il semble qu’une piqûre de rappel soit nécessaire. En effet, une étude de la Drees, auprès de 3.300 médecins généralistes, démontre qu’un médecin de ville sur deux (53 %) déclare avoir été confronté, au cours des trois derniers mois, à des problèmes d’antibiorésistance au sein de sa patientèle.

Ces situations ont compliqué la prise en charge thérapeutique une fois pour un tiers des médecins (34 %) et plusieurs fois pour un cinquième (19 %). “Cela me surprend”, commente le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat MG France, peu confronté lui-même à ce type de problème. “Ça me semble énorme, je ne vis pas du tout cela dans ma pratique, je suis très étonnée par ces chiffres”, abonde le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF, avant de poursuivre : “L’antibiorésistance s’explique peut-être par la vaccination et l’alimentation animale.”

Pourtant, selon la Drees, près de 18 % des médecins déclarent qu’ils préfèrent prescrire un antibiotique, en cas de doute, par crainte de conséquences médico-légales s’ils n’en prescrivent pas. Un pourcentage qui s’élève à 23 % chez ceux exerçant en zone sous-dotée.

 

“Conviction forte des patients”

Le Dr Battistoni admet qu’il y a un problème en France face à la demande de patients qui exigent des antibiotiques pour se soigner. “Il y a une conviction forte des patients que les antibiotiques sont la seule solution en cas d’infection virale avec de la fièvre”, constate le généraliste. La France est d’ailleurs le cinquième pays européen en matière de consommation d’antibiotiques, avec une moyenne supérieure de 20 % à la moyenne européenne. 72 % des antibiotiques vendus en France sont prescrits par les médecins généralistes.

 

 

Un chiffre qui pourrait s’expliquer par la difficulté des praticiens à dire non aux demandes de patients. Selon l’étude de la Drees, 8 médecins sur 10 ont du mal à refuser un antibiotique aux patients qui leur en demandent. “Non mais n’importe quoi !” s’emporte le Dr Le Sauder qui n’a aucun mal à dire non à ses patients. “En plus avec le Covid, cela fait deux ans qu’on ne prescrit plus d’antibiotiques”, précise-t-elle.

 


Source : Drees

 

“Cela prend moins de temps de prescrire un antibiotique que d’expliquer à un patient que cela ne sert à rien”, analyse le Dr Battistoni. “Certains généralistes sont peut-être fatigués, ils baissent les bras. Nous ne pouvons pas lutter seuls, il faut reprendre les campagnes médiatiques. Cela avait fonctionné à l’époque ‘des antibiotiques, c’est pas automatique’. Il faut avancer vers de l’éducation à la santé en matière de consommation d’antibiotiques”, estime le président de MG France.

 

 

“Les médecins généralistes sont à l’origine de tous les maux”

De fait, la quasi-totalité (96 %) des médecins déclarent être confrontés à des patients leur demandant un traitement antibiotique lors d’une infection virale. Plus de la moitié des généralistes interrogés disent avoir déjà été confrontés à des patients s’adressant à un confrère pour obtenir une prescription d’antibiotiques dans le cas où ils la refuseraient.

 


Source : Drees

 

Concernant les pratiques de prescription, près de sept médecins sur dix déclarent atteindre l’objectif de la Rosp, fixé par l’Assurance-maladie. Celui-ci correspond au fait de prescrire des antibiotiques dans moins d’un cas sur cinq aux patients de 16 à 65 ans sans affection de longue durée (ALD) et dont ils sont le médecin traitant. Les médecins ayant un volume d’activité élevé et ceux exerçant en région Provence Alpes-Côte d’Azur indiquent moins souvent atteindre cet objectif que les autres. Ainsi, près des deux tiers des médecins interrogés par la Drees déclarent qu’ils pourraient, peut-être (41 %) voire certainement (20 %), diminuer la fréquence de leurs prescriptions d’antibiotiques.

Des chiffres qui agacent le Dr Corinne Le Sauder : “On nous met encore sur le dos des choses, c’est simple, les médecins généralistes sont à l’origine de tous les maux”, peste la praticienne qui rappelle que les pharmaciens sont également autorisés à prescrire des antibiotiques dans certains cas.

 

 

Les outils d’aide à la prescription

Les médecins généralistes de ville sont 60 % à déclarer recourir régulièrement au site Antibioclic pour les aider dans leurs choix thérapeutiques ou dans leur communication avec les patients. D’après la Drees, ce recours diminue avec l’âge. Antibioclic est utilisé par 83 % des médecins de moins de 50 ans, 63 % des 50-59 ans et 40 % des 60 ans ou plus. Ce logiciel est plus fréquemment utilisé par les femmes et par les médecins exerçant en groupe. Le dosage de la protéine C-réactive (CRP) est utilisé par 51 % des médecins. La fiche d’information de l’Assurance maladie pour les situations ne nécessitant pas d’antibiotiques n’est utilisée régulièrement que par 15 % des médecins, et seul 1 % utilise l’espace en ligne Antibio’Malin (sur Santé.fr).

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin

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