La pratique de la médecine libérale s’appuie depuis plus de 10 ans sur le concept de contrat médecin traitant, qui a été présenté comme une alternative à la revalorisation des consultations, pour améliorer la prise en charge du plus grand nombre. En soutenant une partie des charges des médecins installés et les incitant à recevoir plus de patients.
Que restera-t-il demain de la relation médecin patient, et la place du médecin généraliste dans l’articulation des soins centrés patients ?
- Si d’un côté, le concept même de contrat patient médecin traitant est sacrifié aux Soins non Programmés,
- Et de l’autre, les nouvelles organisations dédiées à la coordination interprofessionnelle (CPTS, MSP) précieuse entre autres dans les zones avec problématique d’accès aux soins, qui sont mises en danger par le PLFSS 2022 qui transforment ces dispositifs censés promouvoir la coordination interprofessionnelle en une exclusion des médecins généraliste de l’accès à certaines prises en charge paramédicales ?
Ce contrat médecin traitant a prouvé son efficience et son rôle dans la qualité des soins. Le médecin s’investit dans la saisie du dossier patient, s’engage à recevoir son patient en urgence si besoin et le patient à éviter le nomadisme médical. La valorisation de ce contrat médecin traitant par les forfaits médecin traitant a été présentée comme une alternative à la revalorisation des consultations (restant en parallèle à 25 euros), permettant de soutenir une partie des charges des médecins installés et incitant les médecins à recevoir plus de patients.
Les médecins ont joué le jeu du contrat médecin traitant, pour préserver les contours de la relation médecin patient, améliorer la qualité des soins tout en promouvant une adaptation à une demande croissante de nouveaux patients et favoriser l’accès aux soins.
La pratique des Soins Non Programmés (SNP) est à ce jour un engagement moral du médecin vis-à-vis de ses patients, qu’il assure en s’organisant pour libérer chaque jour des créneaux pour les « urgences ressenties » de ses patients. Parfois au prix d’une tension non raisonnable de ses horaires pour la sécurité des soins.
Elle est assurée de façon sécurisée, grâce à la connaissance du dossier médical du patient, d’une connaissance de ses fragilités médicale ou comorbidités, permettant d’assurer au besoin une régulation adaptée. Ce renseignement du dossier médical s’appuyant sur une à plusieurs consultations initiales, qui quoique non valorisées dans la convention, sont fondamentales pour la sécurisation du dossier médical.
C’est pourquoi quand les médecins ont été sollicités pour étendre leur accueil aux Soins non programmés suite à une régulation départementale, ils ont obtenu une cotation comme le MRT (15 euros, lorsque le Samu adresse un patient en urgence à son médecin).
La perspective de réponse aux SNP hors patientèle médecin traitant, dans une situation déjà tendue pour la majorité des médecins, est source de complexité. Cela requière une mise à disposition de créneaux supplémentaires, dans des agendas déjà non extensibles, risquant d’être au détriment de l’accueil des SNP de leurs propres patients. C’est une complexité supplémentaire, dans l’appréciation des antécédents, facteurs de risque, et mode de réaction de ce nouveau patient
Imposer des SNP hors patientèle et hors revalorisation spécifique* signerait une remise en cause des fondements du contrat médecin traitant, et de l’arbitrage entre contrôle de la consultation et valorisation des forfaits médecin traitant.
C’est un très mauvais signal envoyé aux jeunes médecins, en période de forte inquiétude sur l’avenir de la médecine ambulatoire, et de son manque d’attractivité.
Le boycott du Service d’accès aux soins (SAS) pour la prise en charge des soins non programmés est une priorité absolue pour les Généralistes-CSMF car cela reste le seul moyen d’obtenir les rémunérations que nous demandons (Forfait minimum de 105€/H pour les médecins régulateurs et une majoration de 15€/par acte de SNP).
* lire l’interview dans EGORA du 08/10/02021 de Thomas FATOME, directeur général de la CNAMTS
Dr Isabelle NOUET-MARTINOT, Médecin généraliste – Murs Erigné (49)
Vice-Présidente des Généralistes-CSMF, Chargée de la formation et de l’évaluation
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