Et si l’épidémie repartait à la hausse ? Et si une troisième dose s’avérait nécessaire en population générale ? Et s’il était recommandé de vacciner aussi les enfants ? Pour le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, le Gouvernement commet une “erreur” en fermant des centres de vaccination sans s’assurer de la capacité des professionnels de ville de prendre le relais dans chaque territoire. Et il fait preuve d’une “extrême maladresse” en manifestant sa volonté de diminuer la rémunération forfaitaire des professionnels intervenant dans les centres.

 

Le Gouvernement a annoncé son intention de fermer progressivement les centres de vaccination. Comment se passe la bascule vers les professionnels de ville ?

Un certain nombre de centres de vaccination ont déjà fermé, de par la volonté du Gouvernement comme des collectivités locales, voire des professionnels de santé. La volonté du Gouvernement, c’est de diminuer le coût de la vaccination ; certains centres coûtent trop cher. La volonté des collectivités, c’est de récupérer des locaux, mis à disposition depuis le début de l’année, en vue de la reprise des activités culturelles et sportives.

La bascule vers la ville se fait partiellement, avec de grandes disparités territoriales. Sur le plan national, 68% des injections sont encore aujourd’hui réalisées en centres, et 32% en ville, en monoprofessionnel. Il y a des départements où les professionnels favorisent une organisation territoriale coordonnée et où l’on est à plus de 80% de vaccinations en centres. Inciter à fermer ces centres de vaccination, c’est prendre de gros risques.

Il faut se réserver la possibilité de réarmer les centres en cas de forte reprise de l’épidémie (il y a quand même 72 départements où l’incidence augmente), ou si la population toute entière devient éligible à une troisième dose de vaccin ou encore si on est amené à vacciner les enfants. Il y a quand même une incertitude, qui est de savoir si l’ambulatoire est capable de répondre à cette demande.

 

Sachant que les généralistes sont déjà très sollicités avec le retour en force des virus respiratoires…

L’activité est intense depuis trois semaines, surtout dans les territoires où la démographie médicale est la plus faible. Dans ces territoires-là, médecins, pharmaciens et infirmiers ont mis en place des centres pour permettre un accès de proximité à la vaccination.

La volonté du Gouvernement est donc de passer le relais à l’ambulatoire, mais aussi aux maisons et centres de santé, appelés à mettre en place des organisations. Ce qui revient à enlever le titre de centre de vaccination, mais à nous demander de faire la même chose… Or, la vaccination contre le Covid-19, ce n’est pas juste faire une injection, il y a une complexité administrative. Il faut d’abord prévoir d’avoir les doses et on a vu ce qu’il s’est passé la semaine dernière avec la suspension des rappels par Moderna : tous les gens qui avaient des rappels de Moderna, il a fallu les annuler ou courir après des vaccins Pfizer en remplacement. En centres, il y a des responsables, des organisations pour gérer ça : je le dis toujours, ces centres sont des petites entreprises. A titre individuel, ou même à l’échelon d’une maison de santé, c’est autrement plus difficile. Il faut vacciner, souvent au décours d’une consultation dont ce n’était pas le motif, saisir les données et assurer la surveillance dans la foulée de la consultation.

Cette lourdeur, couplée à tous les aléas subis depuis le début de la campagne, font que beaucoup de médecins généralistes ont arrêté de vacciner au cabinet. En revanche, ces médecins interviennent en centre de vaccination. Ce qui fait que beaucoup disent aujourd’hui que si le centre ferme, vu le travail d’organisation à fournir et l’activité intense en ce moment, ils ne vaccineront pas au cabinet. Ils n’envisagent la vaccination qu’en centre de vaccination et des infirmiers et des pharmaciens tiennent le même discours. Nous disons donc aux ARS : “Attention, assurez-vous avant de fermer un centre que les professionnels du secteur ambulatoire soient en mesure de vacciner durant les mois à venir”.

De plus, c’est une telle organisation à mettre en place, avec du personnel salarié etc., que beaucoup de responsables de centre disent que si on ferme le centre, ils ne le réarmeront pas. Il ne faudrait pas qu’on se retrouve dans les semaines et mois à venir à nouveau en incapacité de répondre à la demande.

 

Le Gouvernement va-t-il toucher à la rémunération ?

C’est un sujet d’inquiétude. Il a été évoqué la semaine dernière la possibilité de réduire le forfait de saisie dans Vaccin Covid-19 de 5,40 à 2,70 euros. Devant la levée de boucliers, le ministère semble y avoir renoncé. En revanche, a priori on se dirige vers une diminution des rémunérations forfaitaires de la vaccination proprement dite pour l’ensemble des professionnels intervenants dans les centres. Et ce dès le 1er novembre.

L’image renvoyée à ces professionnels qui ont quitté leur cabinet dès le mois de janvier à la demande du gouvernement, qui ont dégagé du temps pour remplir une mission supplémentaire est déplorable. Pour faire le même travail, ils seront moins rémunérés… Si c’est ça le remerciement, le risque est qu’ils arrêtent, que des centres ferment et que des territoires rencontrent des difficultés d’accès à la vaccination. C’est une erreur.

Autant il peut y avoir une logique à fermer un centre de vaccination si l’ambulatoire a la capacité de prendre le relais autant cette politique désincitative est d’une extrême maladresse. Mais ce Gouvernement n’en est pas à sa première erreur vis-à-vis des professionnels de santé libéraux…

 

La préparation de seringues individuelles par les pharmaciens est-elle une bonne mesure ?

Cela a été proposé comme étant l’un des moyens de faciliter la vaccination dans les cabinets médicaux, entre autres. L’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) s’y est opposé. Et globalement les pharmaciens nous disent qu’ils ont autre chose à faire que de préparer des doses… Donc cela ne fonctionne pas.