Chaque année en France, l’ostéoporose est à l’origine de 393 000 nouvelles fractures*. La Journée mondiale de l’ostéoporose (20 octobre 2021) est l’occasion de rappeler que cette affection reste encore trop peu diagnostiquée et traitée malgré l’arrivée de nouveautés. Le Pr Bernard Cortet**, rhumatologue (CHU Lille), et président du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (Grio), fait le point sur les enjeux de cette pathologie.

 

Egora-Le Panorama du Médecin : D’où viennent les difficultés de prise en charge de l’ostéoporose ?

Pr Bernard Cortet : C’est à la fois un problème de politique de soutien et de prise en charge, tant au niveau du diagnostic que du traitement. Une prise de conscience de la gravité de l’affection est nécessaire. Selon la CNAM, le nombre d’examens de densité minérale osseuse (DMO) demandés diminue chaque année alors que la prévalence de l’ostéoporose augmente en lien avec le vieillissement de la population. Et, parmi les femmes de plus de 50 ans ayant eu une fracture, seule une minorité d’entre elles (environ 15%) ont reçu un traitement de la fragilité osseuse. L’élément inquiétant est que la prise en charge se dégrade d’année en année. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Les médecins, notamment traitants, ne font pas toujours le rapprochement entre la survenue d’une fracture en l’absence de traumatisme majeur et l’existence d’une fragilité osseuse. D’autre part, les traitements de l’ostéoporose n’ont pas toujours bonne presse alors que certains médicaments que nous utilisons sont anciens et leur tolérance connue. Des événements indésirables, comme la l’ostéonécrose de la mâchoire, parfois sur-médiatisés, sont graves mais très rares.

Enfin, si environ 40% des femmes de plus de 50 ans ont une ostéoporose, près de 15 à 20% des hommes sont également concernés. Le GRIO vient de publier des recommandations dans la prise en charge de l’ostéoporose masculine.

 

 

Quelles sont les évolutions récentes en termes de diagnostic ?

Nous avons peu d’évolutions récentes. La DMO est un bon examen, remboursé et quasiment pas irradiant. Il existe une bonne corrélation entre la diminution de la DMO et le risque ultérieur de fracture de fragilité. De ce point de vue là, nous n’aurons pas mieux à court ou moyen terme. De plus, le TBS (trabecular bone score) est un logiciel installé de façon assez systématique sur tous les densitomètres. Un score bas est prédictif de l’apparition ultérieure d’une fracture. Il permet de révéler des fragilités osseuses qui ne sont parfois pas captées par la DMO.

Deux pistes intéressantes consistent à dépister de façon systématique une éventuelle déminéralisation osseuse ou des fractures de vertèbre (récentes ou non), avec les examens de patients (scanners et IRM) réalisés pour un tout autre motif (par exemple un scanner abdominal pour un problème de vésicule biliaire,…). Les fractures de vertèbres laissent en effet, un tassement visible, facteur de risque majeur de récidive fracturaire. Ces pistes se développent actuellement à l’hôpital et peuvent se généraliser car les logiciels permettant ces analyses seront mis à disposition des structures privées.

 

Quelles sont les dernières innovations thérapeutiques ?

Le dénosumab est le dernier anti-ostéoporotique mis sur le marché en France. Par rapport aux bisphosphonates, ce traitement apporte des gains d’ostéodensitométrie plus conséquents, sans effet plateau et fortement corrélés à une efficacité anti-fracturaire. Un point moins positif, c’est que le dénosumab, à l’inverse des bisphosphonates, ne s’incorpore pas dans la matrice osseuse (son action est uniquement cellulaire). Tout arrêt de ce traitement nécessite donc obligatoirement un relai par bisphosphonates car sinon, le bénéfice acquis au fil du temps se perd très vite. Tant les bisphosphonates que le denosumab inhibent les cellules qui détruisent l’os avec un mécanisme d’action différent.

 

 

Nous attendons l’arrivée probable en 2022 du romosozumab, un agent biologique anabolique osseux. Il a obtenu l’aval de l’Agence européenne du médicament (EMA) et a été évalué par la Commission de transparence qui a retenu son intérêt. C’est un anticorps monoclonal agissant contre un peptide, la sclérostine (un inhibiteur assez puissant des ostéoblastes). Jusqu’à présent, nous avions un seul agent anabolique osseux, le tériparatide, un médicament intéressant mais qui agit seulement sur les cellules construisant de l’os alors que le romosozumab agit non seulement en tant qu’agent anabolique mais aussi en inhibant la résorption osseuse. Des données solides montrent que le romosozumab, comparativement aux bisphosphonates, est à l’origine d’une efficacité en termes de prévention des fractures quel que soit le siège (vertèbres, hanche et autres fractures non vertébrales…). Un point de vigilance cependant dans l’une des études : une plus grande fréquence de troubles cardiovasculaires (essentiellement IDM et AVC). Des événements exceptionnels toutefois. Il sera donc contre-indiqué chez les personnes de plus de 75 ans ou en cas d’antécédent d’IDM et d’AVC et sera utilisé pour les patients ayant une ostéoporose sévère.

 

[D’après un entretien avec le Pr Bernard Cortet**, rhumatologue (CHU Lille), et président du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (Grio)]

 

* Livre blanc des États généraux de l’ostéoporose 2017 (Aflar)
** Le Pr Bernard Cortet déclare participé ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Alexion, Amgen, Expansience, Ferring, Kyowa-Kirin, Lilly, MSD, Novartis, Theramex, UCB, Viatris

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Alexandra Verbecq

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