“Covid-19, va-ton s’en sortir ?” tel est le thème volontairement provocateur qui a été retenu pour la séance plénière d’ouverture des Journées nationales de Médecine Générale (JNMG), organisées par La Revue du Praticien, qui se sont tenues les 30 septembre et 1er octobre dernier à Paris-La Défense. S’il est évidemment impossible de répondre précisément à cette question, certaines données épidémiologiques, mais aussi la progression des traitements, présentés par le Dr Lévy-Bruhl et la Pr Karine Lacombe, permettent de faire ressortir certains axes.

 

Ainsi, pour le Dr Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France, deux facteurs entrent dans la balance : “la divine surprise de l’arrivée des vaccins, et la douche froide de l’arrivée des variants”. Les vaccins continuent à montrer une bonne efficacité, même contre le variant Delta, de 90% contre les formes graves de la maladie et d’environ 80% contre les infections, selon une étude récente parue dans le Lancet (Krause et al. 13 septembre 2021).

Cet impact est confirmé par des études en population sur les différentes tranches d’âge. Ainsi, la comparaison des courbes des hospitalisations au moment de la 4ème vague et des vagues antérieures (2ème et 3ème vagues), montre l’absence de changement chez les enfants de moins de 12 ans, du fait qu’ils ne sont pas vaccinés. Idem chez les 12-17 ans, chez qui la vaccination était trop récente au moment de l’étude. En revanche, on constate que le pic d’hospitalisations est bien inférieur (environ de la moitié) lors de la 4ème vague chez les 18-49 ans, par rapport à la 3ème vague. Chez les sujets de plus de 50-64 ans, l’effet est encore supérieur avec une réduction du pic de 2/3 environ ; un phénomène qui s’accentue encore dans les tranches d’âges supérieures.

 

 

Vers une épidémie saisonnière

Actuellement, en termes d’incidence, les personnes âgées sont moins touchées que les enfants. Cependant, elles continuent à payer le plus lourd tribu en termes de mortalité. Et les dernières projections de l’Institut Pasteur montrent que, dans les semaines et mois à venir, une nouvelle vague concernera surtout les sujets âgés non vaccinés (60 ans et plus) : bien que cette catégorie ne représentent que 3% de la population totale, elle contribuerait pour environ 50% des hospitalisations. Ces données soulignent, en outre, la nécessité de maintenir un certain niveau de maintien des mesures de contrôle (mesures barrières, distanciation physique, “tester-tracer-isoler”, …), même si elles n’ont pas besoin d’être aussi fortes que celles de l’année 2020 (confinement, couvre-feu), y compris, dans une moindre mesure, pour les personnes vaccinées du fait de la moindre efficacité des vaccins (diminution avec le temps, variants…).

Pour le Dr Lévy-Bruhl, “le scénario le plus probable est une saisonnalisation de l’épidémie, même si on ne sait pas à quelle échéance, en mois ou en années”. La transmissibilité du variant Delta éloigne la perspective d’une élimination du Sars-CoV-2 en France, malgré des couvertures vaccinales très élevées.

 

Des progrès rapides

Autres paramètres : les traitements, qui ont permis d’améliorer fortement le pronostic des formes graves. “On s’est aperçu rapidement qu’on n’avait pas affaire à une maladie virale classique qui se compliquait de pneumonie”, rappelle le Pr Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Les débuts de la maladie ont pu paraître très longs. Cependant, “les progrès en termes de compréhension des mécanismes physiopathologiques qu’en termes de thérapeutiques ont été extrêmement rapides. En 6 semaines la durée du premier confinement, on a compris ce qu’était ce virus, et découvert les grands mécanismes physiopathologiques. […] Mais surtout, on a fait des progrès phénoménaux sur le plan thérapeutique.” En effet, en 3 mois, avec par exemple l’utilisation de la dexaméthasone chez les patients oxygénodépendants, on a fait chuter la mortalité de 20 à 30%. Les facteurs de risque aussi ont été rapidement connus.

Les premiers traitements ont commencé en mars 2020 avec l’utilisation de médicaments repositionnés. Cependant, cette stratégie a abouti à un échec la plupart du temps, en dehors des anti-inflammatoires /immunomodulateurs. Cela a été le cas, en particulier, pour l’hydroxychloroquine, associée éventuellement avec l’azithromycine. Outre son inefficacité, cela a potentiellement un effet délétère chez les patients, en retardant d’autres traitements plus adéquats, ou en entraînant une antibiorésistance. Ensuite, l’utilisation d’antiviraux existant comme l’association lopinavir/ritonavir, n’a montré aucun effet, de même que le remdésivir, qui n’avait aucun effet clinique, malgré une activité antivirale contre le Sars-CoV-2 sur des modèles précliniques et animaux.

 

 

Des traitements efficaces

Corticoïdes

Les choses ont commencé à s’éclaircir au bout de 3 mois avec l’utilisation de la dexaméthasone, “qui vraiment changé la donne”, souligne le Pr Lacombe. Ce corticoïde a en effet permis de réduire de 20% la mortalité en hospitalisation et de 30% en réanimation, comme cela a été démontré dans le vaste essai Recovery. Mais on a ensuite compris qu’il ne fallait pas le donner en ville, mais uniquement lorsque le patient nécessite une oxygénothérapie.

 

Immunomodulateurs

Le panel thérapeutique s’est ensuite étoffé avec les autres immunomodulateurs, qui visent à lutter contre la production de cytokines pro-inflammatoires qui existe au cours de l’infection. Cela concerne le tocilizumab tout d’abord, un inhibiteur du récepteur de l’interleukine 6 (IL6), qui reste utilisé dans les infections graves en 2ème ligne de traitement après la dexaméthasone. L’anakinra, un anti-IL1 est aussi utilisable. Elle a montré une efficacité à des stades un peu plus précoces que pour le tocilizumab. “Avec le Covid-19 on s’est aperçu qu’on entrait dans une médecine personnalisée”, ce qui est nouveau dans les maladies infectieuses, affirme le Pr Lacombe. En effet, les patients qui répondent le mieux à l’anakinra sont ceux qui ont un profil inflammatoire particulier, que l’on peut mesurer soit avec un score, soit en dosant un marqueur protéique, la suPAR (pour soluble urokinase plasminogen activator receptor). D’autres immunomodulateurs sont en cours de validation, plutôt dans les formes sévères.

 

 

Soins de support

Les soins de support ont une importance majeure. Leur utilisation s’est affinée au cours du temps, et on peut maintenant choisir le type d’O2, ou le type d’anticoagulation (active, renforcée etc…). “Cela a permis de sauver de nombreuses vies” affirme le Pr Lacombe. Ainsi, on a arrêté d’intuber les malades très précocement, au profit du O2 à haut débit. On utilise aussi le décubitus ventral, qui a montré une efficacité significative sur la survie.

 

Anticorps monoclonaux

Des médicaments spécifiques du Sars-CoV-2, et en premier lieu les anticorps monoclonaux, qui sont dirigés contre la protéine Spyke du virus ont commencé à voir le jour au début de l’année 2021. Certains, de première génération, ont dû être arrêtés du fait de leur inefficacité sur certains variants. C’est le cas du bamlanivumab qui n’est pas actif sur certain variant.

Puis sont arrivés les anticorps monoclonaux de 2ème génération. Ils peuvent être utilisés en ambulatoire car ils ont l’intérêt d’agir très tôt dans l’évolution du Covid-19. Leurs indications se sont maintenant élargies à 4 situations :
– En préexposition chez les sujets à risque qui n’ont pas d’anticorps.
– En post-exposition chez les personnes sans symptôme (contact).
– Chez des sujets ayant des symptômes sans oxygénothérapie.
– Et depuis le 3 septembre dernier, chez des sujets nécessitant une oxygénothérapie en dehors de l’intubation et de l’oxygène haut débit.

 

 

Anticorps monoclonaux de dernière génération, antiviraux : les espoirs de demain

Les enjeux actuels dans ce domaine sont de développer des formes à longue durée d’action. Car en prophylaxie, il faudrait les administrer à raison de 1 injection mensuelle en IV, ce qui est compliqué à réaliser en pratique. “On attend avec impatience les nouveaux produits, qui sont en fin d’évaluation qui s’administrent en 1 injection tous les 6 mois, voire tous les ans, et en administration sous-cutanée”, déclare Karine Lacombe. “Cela devrait permettre d’alléger la prise en charge.” Si leur efficacité se confirme, ils pourraient être disponibles vers la fin de l’année 2021 ou au début de 2022.

Toujours en médecine ambulatoire, un autre espoir réside dans les antiviraux, administrés en comprimés 2 fois par jour pendant 5 jours. “Nous sommes dans l’attente des résultats d’étude de phase 3 dans ce domaine. Ils devraient arriver d’ici la fin de l’année, avec un accès en médecine ambulatoire”, précise l’infectiologue de Saint-Antoine. Ils pourraient permettre de réduire la durée des symptômes, mais également les hospitalisations.

Enfin, parmi les autres enjeux de la sortie de crise figure la vaccination bien sûr, avec en particulier, la question de l’obligation vaccinale généralisée (en discussion à l’assemblée nationale le 13 octobre). Et la prise en charge du Covid long, qui n’est pas à négliger. Sa physiopathologie est encore très mal élucidée, “avec des conséquences que l’on ne connaît pas”, alors que ces conséquences de l’infection à long terme pourraient toucher jusqu’à 20 à 30% des patients.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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