A l’heure où le principe d’une vaccination contre le Sars-CoV2 pour les plus de 12 ans est acté, les parents se posent plus de questions encore vis-à-vis des vaccins, et notamment des plus récents d’entre eux. Balises pour un échange bienveillant et ainsi constructif proposées par Jérôme Gaillaguet*, doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (Groupe de sociologie pragmatique et réflexive).

 

Egora : Comment peut-on expliquer l’hésitation vaccinale ?

Jérôme Gaillaguet : Pour tous les vaccins quels qu’ils soient, l’hésitation suit quatre grandes logiques. La première, – qui n’est pas nouvelle –, de doutes à l’égard des institutions, dont le fonctionnement peut paraître opaque : sont-elles capables de garantir l’intérêt des citoyens par rapport aux grands groupes de l’industrie pharmaceutique ?

La deuxième regarde la vérité scientifique : les vaccins sont-ils efficaces ? Sûrs ? Les scientifiques sont-ils impartiaux et rationnels quand ils affirment le bénéfice des vaccins, sans nul doute ? Des questions plus prégnantes encore en régime de controverses.

La troisième est “écologique“ : injecter un produit dans un organisme a priori sain peut être considéré comme contre-nature, contre-intuitif. On peut considérer que la maladie est bonne car elle produit naturellement des anticorps, même si l’on peut argumenter que le vaccin est en fait le plus naturel des médicaments puisqu’il imite la nature en stimulant le système immunitaire.

Quatrième logique, plus politique, construite sur ce dilemme : au nom de l’intérêt collectif, peut-on porter atteinte à la liberté individuelle en obligeant à la vaccination ?

Enfin, s’agissant de l’enfant, des impétrants parents qui ne s’étaient jamais posés la question du rapport bénéfice/risque d’une vaccination pour eux-mêmes le font dès lors qu’ils ont accès à la parentalité, au nom de la protection de leur enfant…

 

 

En plus des logiques d’hésitation que partagent tous les vaccins, ceux dirigés contre le Sars-CoV2 ont ceci de singulier qu’il a suffi d’un an à peine pour les développer (à comparer aux près de 50 ans pour le vaccin anti-polio ou 16 ans pour le vaccin contre le virus de l’hépatite B). Il est à l’évidence difficile de cerner tous les tenants et les aboutissants de technologies nouvelles, basées sur l’ARN messager notamment : si les effets indésirables graves de la vaccination apparaissent très rapidement, la crainte qu’un effet secondaire, à l’image des cas de narcolepsie consécutifs à la vaccination contre H1N1, ne survienne à moyen terme, légitime, peut paralyser la décision vaccinale… Il s’agit d’un médicament nouveau, en phase d’essai et de surveillance encore.

 

Hésitants ou antivax, même combat ?

Non, l’hésitation se mesure dans les sondages d’opinion où elle s’exprime de façon bi ou trinaire, en chiffres lisibles. Un raccourci qui méconnaît les nuances, au-delà du pour ou du contre, des pro et des anti. Pour engager la discussion, mieux vaut s’intéresser à ce qui fait naître le doute, comment s’est forgée telle ou telle attitude (plus qu’une opinion) vis-à-vis de la vaccination. Il n’y a finalement que peu de personnes formellement opposées à la vaccination puisqu’une très grosse majorité des populations éligibles s’est déjà fait vacciner. Certes un doute peut surgir, s’exprimer et il convient de l’entendre : le doute est sain qui titille l’esprit critique. Certains ont dans leur entourage proche une personne qui a contracté le Covid, complications à l’appui, ce qui facilite le passage à l’acte vaccinal, ou à l’inverse quelqu’un qui a souffert des effets indésirables du vaccin ou les craint parce qu’atteint d’autres problématiques de santé, l’injection étant irréversible. Des situations qui méritent chacune un “traitement” particulier.

 

Quelle relation médecin-patient hésitant ?

Pour répondre aux doutes énoncés par les patients, point d’attitude dogmatique du type “le vaccin est sûr et efficace“, qui peut donner l’impression que l’on applique aveuglément les “règles“ et un algorithme, surtout si on ne maîtrise pas parfaitement le sujet. Le risque est alors de susciter la méfiance le patient, voire de le faire fuir. La décision n’a pas besoin d’être emportée immédiatement et du temps doit être laissé au temps pour que chacun puisse se trouver de bonnes raisons de passer à l’acte, sans perdre la face.

Le médecin est invité à se former en temps réel, à écouter les différents discours de la communauté scientifique sur les effets positifs et indésirables des vaccins.

Il s’agit d’accompagner les patients dans leur histoire, d’aborder les problématiques vaccinales de diverses façons, en différenciant les discours selon les freins exprimés, et ce, sans les hiérarchiser : un effet secondaire éventuel du vaccin, rencontré lors d’une précédente vaccination, peut constituer un obstacle insurmontable pour l’un ; l’efficacité contestée pour l’autre, etc. Toutes ces craintes sont autant d’entrées dans la discussion.

 

 

S’agissant plus précisément des enfants, épargnés des formes graves, qui ont donc a priori peu d’intérêt individuel à la vaccination, l’enjeu est collectif : en étant vaccinés, ils protègent les personnes plus vulnérables de leur entourage, enraient la propagation du virus et de ses variants, etc.

 

* Le Pr Gaillaguet déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Brigitte Blond

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