L’empathie reste indispensable. Cependant, des outils comme la simulation peuvent aider les praticiens à annoncer une maladie grave aux parents. Un point a été fait lors du récent Congrès de la Société française de pédiatrie (SFP).

 

L’annonce d’une maladie grave ou d’un handicap est difficile pour les professionnels de santé. Il s’agit, en effet, comme l’a expliqué la psycho-oncologue Nicole Alby « d’annoncer quelque chose qu’on n’a pas envie de dire à quelqu’un qui n’a pas envie de l’entendre ».

Comme dans d’autres hôpitaux français, des simulations sont organisées au CHU de Caen pour permettre aux soignants de mieux faire face à cette situation. Un scénario d’annonce est proposé à ceux-ci, seuls ou plus rarement en binôme avec un autre soignant comme un infirmier. Le soignant annonce le diagnostic ou la situation difficile devant des comédiens qui représentent les parents. Puis un pédiatre et un psychologue, qui ont assisté à l’entretien, procèdent au « débriefing » et guident l’apprenant. « Ces simulations sont proposées à tous les internes du CHU depuis 10 ans, mais tous les professionnels même les plus âgés rapportent en tirer bénéfice », a indiqué le Dr Damien Bodet (CHU de Caen). A Caen, il est prévu de les utiliser prochainement pour aider des médecins libéraux à annoncer aux parents un cancer chez leur enfant.

Le Dr Béatrice Pellegrino, chef du service de pédiatrie générale du centre hospitalier de Mantes-la-Jolie, a souligné l’importance de prendre du temps, d’être au calme pour réaliser une pré-annonce (organisation du parcours de soins) ou une annonce de maladie grave. Le plus souvent, on pourra dans ce but la différer de quelques heures ou la reporter au lendemain après une hospitalisation en urgence, « car l’urgentiste n’a pas forcément le temps ni la compétence pour fournir aux parents tous les éléments d’information nécessaires ». Mais, ce n’est pas toujours possible. Certains parents découvrent que leur enfant est diabétique à la lecture d’un résultat de glycémie. A l’hôpital, le Dr Pellegrino conseille au médecin qui va faire cette annonce (plutôt un sénior) d’associer à la démarche un infirmier(e) ou un(e) psychologue. Les informations données aux parents seront reprises par la suite, car du fait du contexte angoissant, toutes ne seront pas entendues.

En ville, le Dr Elisabeth Martin-Lebrun, pédiatre libéral à Marseille et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), conseille d’organiser une consultation avec les 2 parents pour faire cette annonce. « Elle est particulièrement difficile en cas de suspicion d’un handicap, car des examens complémentaires s’étalant sur la durée vont être nécessaires pour le confirmer et, lorsque l’enfant est jeune, on ne peut anticiper comment le trouble neuro-développemental va progresser ». Il faut être attentif « car ce qu’on dit sera une photographie indélébile qui ne pourra pas s’effacer », tenter de mettre en place dès le départ un partenariat avec les parents. On proposera une nouvelle consultation dans 3 semaines pour apprécier leur acceptabilité, puis d’autres, classiquement tous les 3 mois, pour leur expliquer la nature des examens complémentaires proposés, les étapes de la prise en charge du handicap, les solutions : scolarisation en milieu ordinaire ou spécialisé, aides financières, maison du handicap, en partant de ce qu’ils savent, en comprenant leur ambivalence (« ils aiment leur enfant mais rejettent sa maladie »). Le Dr Martin-Lebrun recommande aux parents de se mettre en relation avec une association de patients, qui les aidera à comprendre les outils disponibles, leur permettra d’exprimer leur ressenti avec des pairs.

Lorsque la découverte du handicap a lieu en anténatal, « l’annonce peut être également délicate, car les parents doivent faire le deuil de l’enfant imaginaire et appréhender l’avenir à partir d’échographies ». Certaines familles, qui refusent une interruption de grossesse pour des raisons religieuses ou personnelles, peuvent se trouver en décalage avec l’équipe médicale, l’entourage pour qui le problème est parfois simple « l’enfant n’est pas né, vous pouvez en faire un autre », alors que cela n’est pas si simple pour elles. Le médecin de ville pourra, lorsqu’il voit les parents avec leur enfant, se fonder lors de l’entretien, sur ce qu’ils ressentent, ont compris de l’annonce faite en maternité. « Il pourra, dans un premier temps, centrer la consultation sur les besoins de l’enfant, sommeil, alimentation, avant si besoin d’expliquer à nouveau la pathologie, les évolutions possibles ».

 

[Avec le Congrès de la Société française de pédiatrie (SFP), organisé sous forme digitale du 19 au 21 mai 2021.
D’après les communications de D. Bodet (Caen), B. Pellegrino (Mantes-la Jolie), E. Martin-Lebrun (Marseille).]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Corinne Tutin

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