Comment rassurer une femme enceinte qui doute face au vaccin ? Que faire face à un patient de plus de 55 ans primo-vacciné avec AstraZeneca qui veut un vaccin ARN en deuxième injection? A l’occasion d’une visioconférence organisée par l’Ordre, le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a répondu à quelques-unes des 1.500 questions que vous lui avez adressées. Voici ses conseils face à ces situations qui vous posent problème.

 

Cas n°1 : les patients éligibles ou primo-vaccinés à l’AstraZeneca

Que répondre aux patients éligibles à l’AstraZeneca – soit âgés de plus de 55 ans -, qui le refusent, essentiellement par peur d’un accident thrombo-embolique ? Ou qui protestent à l’idée de ne pas pouvoir obtenir un autre vaccin pour la seconde injection ?“Il faut être ferme, expliquer très clairement les éléments qui permettent de recommander cette vaccination”, pour le Pr Fischer qui met en avant deux arguments. 1) au niveau individuel, il rappelle que l’analyse bénéfices-risques pour cette catégorie d’âge est excellente, que “ce vaccin est parfaitement efficace et protège bien contre les formes graves, l’hospitalisation” 2) au niveau collectif, estime-t-il, “on ne peut pas se permettre de ne pas l’utiliser”. “Il faut savoir qu’il y a 2 300 000 doses de ce vaccin qui ne sont pas utilisées et qui attendent, souligne-t-il. La conséquence est qu’il y a 2 300 000 Français qui ont vu leur vaccination retardée.” Or qui dit vaccination retardée dit d’autres malades, d’autres hospitalisations, et éventuellement des décès.

 

 

À l’inverse, que dire aux patients de moins de 55 ans qui souhaitent recevoir l’AstraZeneca, que ce soit en première injection ou en deuxième, alors qu’ils n’y sont pas éligibles ? “Je pense qu’il vaut mieux suivre les recommandations, explique Alain Fischer. Ça évite un risque, certes faible, mais qu’il n’est pas utile de prendre.” Le Professeur donne des billes pour rassurer les patients qui s’inquiètent d’une vaccination hétérologue – par exemple dans le cas où la première injection se fait avec un vaccin à adénovirus et la deuxième à ARNm : elle n’a “pas de risques d’être moins efficace. Une étude britannique [pas encore publiée, NDLR] montre qu’il y a un tout petit peu plus de réactogénicité, de réaction immédiate – fièvre, etc. dans les 48 heures qui suivent, mais c’est tout. Il n’y a pas de toxicité particulière”.

 

 

Quid, enfin, de la signature d’une décharge pour les patients non éligibles qui voudraient tout de même se faire vacciner à l’AstraZeneca ? “Nous préférons interpeller la gouvernance [sur sa responsabilité de garantir l’accessibilité vaccinale] pour lui faire prendre les bonnes décisions politiques, plutôt que de construire des solutions qui, juridiquement, ne tiennent pas, face à ce qui reste une responsabilité de prescripteur”, indique le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins.

 

Cas n°2 : les femmes enceintes ou qui ont un projet de grossesse

Alain Fischer rappelle la recommandation actuelle : “Proposer la vaccination aux femmes enceintes en début de deuxième trimestre”. Les raisons ? “L’infection par le Sars-CoV-2, un peu comme l’infection par la grippe pour les femmes enceintes, peut donner des complications, notamment en fin de grossesse.” Il évoque notamment celles “liées à la gêne abdominale”, des “retards de croissance intra-utérins” mais aussi des “cas d’éclampsie, évidemment rares”, ayant été décrits. Le médecin immunologue ajoute que cette proposition est “fondée aussi sur le fait qu’un certain nombre de personnes déjà vaccinées donnaient les garanties qu’il n’y avait pas de risque particulier, ni pour la femme ni pour le foetus, à recevoir un vaccin à ARN messager”. Concernant les femmes qui ont un désir de grossesse, fait-il savoir, ce n’est “en aucune façon une contre-indication à la vaccination. Les traitements pour une FIV non plus”, ajoute-t-il.

 

Cas n°3 : les personnes immunodéprimées

“Les médecins qui suivent un certain nombre de patients immunodéprimés ont découvert que, malheureusement, quelques-uns faisaient une infection alors qu’ils ont été complètement vaccinés”, observe le Pr Fischer, qui note que la première alerte a concerné des sujets ayant reçu une transplantation d’organes. Il relaie qu’en France, une étude a été conduite par la Société francophone de transplantation : “De mémoire, il y a un mois, on recensait une trentaine de cas de Covid post-vaccinal chez les sujets transplantés d’organes, dont huit, je crois, ont nécessité une hospitalisation. Cinq ont été en réanimation et trois sont décédés, donc c’est un vrai problème médical grave.” Pour Alain Fischer, cela explique la recommandation d’une troisième dose de vaccin, même si celle-ci n’est “pas extraordinairement solide sur le plan scientifique, parce qu’on n’a pas de démonstration absolue qu’une troisième dose de vaccin va augmenter la réponse immunitaire. Mais c’est du bon sens d’essayer.” L’immunologue souligne que dans ce cas, deux autres mesures sont préconisées : “vacciner l’entourage de ces personnes”, et “ne rien relâcher en termes de mesures barrières”.

 

 

Il a aussi – notamment – évoqué le cas des sujets dialysés, pour qui “il y a une situation de doute”. “On sait que les sujets dialysés ont des réponses immunes après vaccination qui sont moins bonnes. Les données sont un peu contradictoires, donc, pour l’instant, la position est de suivre les anticorps, la sérologie anti-S, puisque c’est la réponse vaccinale que l’on cherche à analyser, pour ensuite décider d’adapter pour une troisième dose ou non.”

 

Cas n°4 : les personnes déjà infectées par le Covid-19

Pour le Pr Fischer, “les bases scientifiques sont très claires : une série de publications montrent qu’une personne qui a fait le Covid, et qui reçoit ensuite une dose de vaccin, a un pic d’anticorps, une réponse immunitaire mesurée huit jours plus tard, extraordinairement élevée, bien plus élevée que ce qu’on observe après deux doses de vaccin”. Il en a été déduit que ces personnes étaient bien protégées, et que donc, en conséquence, “il n’y a pas lieu de faire plus qu’une dose de vaccin aux personnes qui ont eu le Covid”, et ce entre trois et six mois après l’infection.

Évidemment, ça c’est quand on sait que le patient a été infecté. Mais comment procéder quand on a un doute ? “On peut faire une sérologie N”. En résumé”: “Si on sait que le diagnostic d’infection est certain, c’est une dose. S’il y a un doute, qu’on fait une sérologie et que le résultat est oui, c’est aussi une dose. Mais si le résultat est non, c’est deux doses !”

 

 

Et concernant les patients qui ont fait une forme légère du Covid dix à quinze jours après avoir reçu une première dose ? “On n’a pas de données très solides pour faire une recommandation pour l’instant sur cette situation, qui est connue et observée par beaucoup de monde. Disons que le bon sens est de considérer que : une dose de vaccin + une infection = 2 doses, que les personnes sont convenablement immunisées, et qu’il n’y a pas lieu de faire plus”, conclut-il.

 

Cas n°5 : les patients qui partent en vacances

L’été arrivant, et avec lui les vacances, se pose la question de la deuxième injection, et de savoir jusqu’à quand celle-ci peut être repoussée. Le Pr Fischer a ainsi répondu à une question évoquant le délai acceptable entre une première et une deuxième injection Pfizer et Moderna. “Ce qui est optimum, c’est 3-4 semaines”, explique-t-il, rappelant que le délai a été élargi en avril à six semaines, en raison d’un défaut d’approvisionnement en vaccins de Pfizer. Six semaines, “ce qui est bien”, commente-t-il. “Il faut essayer de ne pas aller au-delà, car on n’a pas d’informations sur la qualité de l’immunisation si on retarde au-delà de six semaines.” Sa recommandation pour les vacances ? “Plutôt anticiper un peu la seconde dose, donc la faire à 4 ou à 5 semaines si on ne peut pas la faire à 6 plutôt que d’aller à 7 ou 8.” A noter que le ministère de la Santé anticipe quoi qu’il en soit déjà un renforcement des doses allouées aux zones les plus touristiques…

 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Pauline Machard

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