A l’hôpital Ambroise Paré, plus de 50% des nouveaux entrants ont aujourd’hui moins de 60 ans. Des patients plus jeunes donc, avec moins de comorbidités et des durées de séjours qui se rallongent. Quel est le visage de cette troisième vague en réanimation ? Éléments de réponse avec le Pr Antoine Vieillard-Baron, chef du service de réanimation de cet établissement à Boulogne-Billancourt.

 

Egora : Trois semaines après le début de ce nouveau confinement, le virus continue de remplir les services de réanimation. Quelle est aujourd’hui la situation dans votre service ?

Pr Vieillard-Baron : Le week-end a été particulièrement mauvais à l’hôpital Ambroise-Paré (17 et 18 avril 2021). Une dizaine de nouveaux patients atteints du Covid-19 ont dû être admis en réanimation entre vendredi soir et ce lundi matin. Alors on pousse les murs parce que le service est déjà plein. Le nombre de lits habituel est de 26 mais on a dû l’étendre à 34 dont 24 patients Covid actuellement. En unité de surveillance continue, des lits de réanimation ont été installés.

 

Les données de Santé Publique France révèlent un rajeunissement des patients hospitalisés, avec une augmentation des infections chez les 15-75 ans. Le mutant britannique est-il réellement plus virulent chez les jeunes ? Ou est-ce une conséquence de l’augmentation de la couverture vaccinale chez les sujets plus âgés selon vous ?

Personnellement, je ne crois pas que la couverture vaccinale joue un rôle clé dans ce cas. Sinon, nous aurions une part relative des jeunes plus importante de fait mais nous constaterions aussi un volume global plutôt moindre. Or on voit à la fois la part relative des jeunes qui augmente sur un volume de patients toujours important voire plus important.

 

 

Par ailleurs, il est vrai qu’on n’a pas d’explication très claire sur les variants. Aujourd’hui le variant anglais représente presque 85% des tests positifs criblés. Il est donc possible qu’il atteigne les patients un peu plus jeunes. Mais il y a une autre explication éventuelle que j’aimerais mettre en avant : il y a une certaine lassitude de la population qui se fait plus ressentir chez les moins de 60 ans et qui se traduit notamment par le relâchement des gestes barrières. On voit plus de cas graves arriver en réa dans cette tranche d’âge qu’on le voyait il y a un an !

C’est selon moi l’hypothèse numéro 1 car c’est la population la plus active donc elle supporte le moins bien cette année qui a été mise entre parenthèses. Grâce au logiciel Reality dont nous disposons à l’Assistance Publique et qui est renseigné en temps réel par l’ensemble des services depuis la mi-juillet environ, nous constatons de façon très nette que la part des moins de 60 ans atteint ces derniers jours presque 50 % des nouveaux entrants en réanimation.

 

Ces nouveaux patients présentent-ils moins de comorbidités que lors des vagues précédentes ?

La véritable comorbidité qui persiste aujourd’hui, c’est l’obésité et notamment chez les patients jeunes. On voit de plus en plus de jeunes qui restent effectivement en franc surpoids ou qui souffrent d’obésité. Alors oui, globalement on peut dire qu’il y a moins de comorbidités chez les patients âgés de 50-60 ans. Notre service accueille plusieurs malades avec très peu de comorbidités.

 

Les durées de séjour en réanimation seraient plus longues qu’auparavant. Combien de temps ces nouveaux patients restent-ils dans votre service ?

On ne peut pas donner raisonnablement d’information fiable dans la mesure où beaucoup de ces patients sont encore dans nos services. Par définition, une durée moyenne de séjour suppose que le patient soit sorti. La seule chose qu’on puisse dire aujourd’hui c’est que la durée moyenne des séjours de nos patients sortis est d’environ 13,7 jours, un chiffre plus élevé qu’au préalable. Et c’est d’autant plus vrai pour les malades intubés pour qui la durée moyenne est passée de 18 à 21 jours !

 

 

Alors oui, on assiste manifestement à des durées de séjour qui s’annoncent très longues avec une répercussion importante sur le nombre de lits. L’hôpital doit continuer de s’adapter et des opérations de malades non-Covid sont annulées, jusqu’ici sans trop de conséquences. Mais si on est sur la même évolution que ce week-end, on va être obligés de se poser la question d’une déprogrammation plus importante et là avec le risque d’une perte de chance pour les patients.

 

[D’après un entretien avec Le Pr Vieillard-Baron, chef du service de réanimation de cet établissement à Boulogne-Billancourt.
Le Pr Vieillard-Baron déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour GSK (étude de recherche clinique terminée)]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marie Ruelleux-Dagorne

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