Pour pallier la désertification médicale, une jeune entrepreneuse a eu l’idée de lancer un site d’annonces et de rencontre entre les territoires et les médecins, toutes spécialités confondues. Cette plateforme a pour objectif de simplifier toutes les démarches qui freinent habituellement l’installation des praticiens dans les communes en leur relayant les offres personnalisées de ces dernières ou en leur proposant d’exercer partout en France, selon leurs critères de vie. 

 

Plus d’un Français sur 10 habite dans un désert médical, soit 7,4 millions de personnes, selon des chiffres de l’Association des maires de France (AMF)*. Désemparés, les territoires tentent tout pour attirer chez eux de nouveaux praticiens : salariat, téléconsultations, mise à disposition de cabinets… Mais malgré leurs investissements, les zones sous-denses persistent. Du médecin bientôt retraité et pas remplacé aux cabinets qui restent vides, les annonces, partout dans la presse et sur les réseaux sociaux, sont nombreuses. Installée dans le nord de la Vendée depuis quelques années, Julie Levêque, entrepreneuse, fait aussi ce constat. “J’ai quitté Paris en 2018. Dès qu’on est arrivés, on a été très bien accueillis mais on nous a dit ‘Au fait, vous avez trouvé un médecin ? Ça va être galère’”, raconte-t-elle. Elle a alors l’idée originale, en 2019, de lancer un site de rencontre entre les communes et les médecins : “Comm’une opportunité”.

“On s’est demandé si à l’heure actuelle, un médecin a nécessairement envie de s’implanter dans une grande ville et s’il a vraiment connaissance du fait qu’il est recherché dans telle ou telle commune, qui sont prêtes à mettre telle ou telle aide pour l’aider à s’implanter”, détaille la présidente et co-fondatrice de Comm’une opportunité. L’objectif ? Faire s’installer rapidement plus de professionnels de santé partout en France. Sur le site, le fonctionnement est donc double : d’abord, les communes en besoin peuvent poster une annonce dans laquelle elles détaillent leur environnement, tout ce qui s’y rattache – établissement scolaires, transports par exemple – ainsi que sa proposition au médecin : prêt de logement pendant un temps donné, salariat, équipement de fonction… Toutes les spécialités médicales et paramédicales y sont les bienvenues.

 

 

Ouvrir le champ des possibles

A l’inverse, le médecin qui cherche à s’implanter dans une commune peut aussi faire connaître sa demande sur le site. “Je peux vous citer le cas d’un médecin de La Réunion qui a partagé son projet. Lui, voulait venir en métropole. Il était ouvert à la France entière tant que c’était une ville entre 5 et 15.000 habitants qui avait un collège et un lycée. À partir de là, le champ des possibles était ouvert et il a reçu rapidement trois propositions”, explique Julie Levêque. Cette dernière vient d’ailleurs de signer un partenariat avec le syndicat Jeunes Médecins, intéressé par son initiative. “Pour nous, ça permet quelque part de déléguer cet accompagnement. Nous n’avons pas forcément les ressources pour aller démarcher chacune des collectivités”, explique Emanuel Loeb, président du syndicat.

A ses yeux, le guichet unique mis en place dans les années 2010, censé être facilitateur des démarches des professionnels de santé, est vain. Il faut donc trouver les ressources qui permettent de le compenser, parmi toutes les initiatives existantes. “Personne n’a réussi à faire coopérer simplement tous les acteurs liés à l’installation : les ARS, les CDOM, CPAM… On reste encore dans des complexités d’installation, rappelle Emanuel Loeb. A Jeunes Médecins, on essaie, brique par brique, d’offrir ou de trouver des services qui permettent de faciliter l’installation. Il se trouve que ce site était une belle opportunité pour travailler sur ce projet-là”, explique-t-il.

 

 

Sur la plateforme d’ailleurs, toutes les annonces ne concernent pas uniquement les professionnels de santé. “A la base du projet, notre souhait, c’était que le site permette la rencontre entre tous types de territoires. Villages, villes, communautés de communes, avec tous types de porteurs de projets de tous types d’activité. Ça peut aller du boulanger, aux start-up… C’est un outil pour tout adresser”, précise la co-fondatrice. Seule règle : c’est au territoire de se positionner et d’être acteur de sa proposition. “Ce fonctionnement est volontaire : si le territoire porte le projet, ça veut dire que la personne qui va venir va être accompagnée, va avoir un vrai interlocuteur qui sera intéressé pour l’aider à s’implanter de façon pérenne”, affirme Julie Levêque. “Le territoire va pouvoir faciliter les démarches : mettre le bon service en face, prêter un logement, faire entrer les enfants à l’école à la bonne date, aider le conjoint à trouver son emploi, etc.”, poursuit-elle encore.

 

“Démarche entrepreneuriale”

Autant d’avantages qui pourraient permettre aux jeunes médecins de s’installer plus facilement, pour Emanuel Loeb. “Il y a une tendance de fond depuis une dizaine d’années : les jeunes médecins retardent leur installation. Avant, ils s’installaient tout de suite après leurs études. Mais la nouvelle génération continue de remplacer, de prendre des postes hospitaliers, par exemple. Je pense que c’est lié au risque inhérent à la démarche entrepreneuriale”, estime le jeune psychiatre, qui cite pêle-mêle : “la démarche comptable, administrative, économique, bien sûr. Mais aussi la grande question de savoir quel est le meilleur endroit pour s’implanter”. 

 

 

Alors que plusieurs plateformes proposant de diffuser les annonces de recherche de praticiens existent déjà, Emanuel Loeb considère que la possibilité de lier deux projets de recherche, dans le cadre d’un couple souhaitant partir s’installer hors d’une grande ville, peut aussi être un plus. “Soit ils postent leurs projets d’installation ensemble, pour un cabinet et un commerce par exemple, soit il est possible de faire une recherche pour le ou la conjointe dans un périmètre de 30 kilomètres autour du cabinet”, appuie Julie Levêque.

Le partenariat, qui vient d’être conclu, porte déjà ses fruits. La fondatrice de la plateforme indique que de nombreuses communes la contactent déjà pour faire venir de nouveaux praticiens dans leurs territoires. “On est dans un processus où on jumelle nos sites pour que les annonces puissent se diffuser sur leur plateforme et la nôtre. Les choses s’ajouteront au fur et à mesure, ça permettra d’être confrontés à ce qui marche, ou pas”, affirme de son côté Emanuel Loeb.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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