45 000 Français vaccinés au soir du 7 janvier, un million à la fin de ce mois, annoncent les Autorités de Santé françaises. Envisageable ? Éclairage du Dr Aurélie Wiedemann*, immunologiste à l’Institut de recherche vaccinale, Inserm U 955 (Université de Créteil).

 

Egora : Pour tenir l’objectif, peut-on espacer les doses de vaccin ou même faire l’économie d’une dose ?

Dr Aurélie Wiedemann : L’essai clinique Comirnaty qui a permis l’approbation, en Europe et aux États-Unis, du vaccin Pfizer-BioNTech repose sur l’injection de deux doses vaccinales, administrées à trois semaines (21 jours) d’intervalle. L’AMM a été accordée sur cette base, de 2 doses. Les données scientifiques, des essais de phase 1, 2 et 3 concordent sur l’intérêt de ces deux doses. Après la 1ère dose en effet, le taux de protection vis-à-vis des formes graves de la Covid n’est que de 52 % ; après la seconde, il s’élève à 95 %, ce qui témoigne clairement de la nécessité d’une seconde dose.

La FDA s’est d’ailleurs prononcée contre l’espacement des injections ou le fait de n’injecter qu’une dose. Une dose seulement serait totalement contre-productif, en termes de protection (établie à 52 %).

Ainsi, les décisions qui ont été prises au Royaume-Uni par exemple sont politiques : il s’agit, dans un contexte de circulation intense du virus et de son variant, de créer un cordon sanitaire pour se donner toutes les chances de juguler plus vite l’épidémie. Quant à espacer les doses, pourquoi pas ? Nous disposons de données sur ce protocole uniquement, de 2 doses à au moins 21 jours d’intervalle [28 jours pour le vaccin de Moderna, ndlr]. Une seconde dose différée, et de combien de temps, aura-t-elle la même efficacité ? Cette question posée est d’ailleurs la même pour le vaccin covid-19 Sars-CoV-2 ARNm-1273 de la firme Moderna qui a été approuvé le 6 janvier par l’EMEA.

Sur la nécessité de la seconde dose et du moment de son administration alors que la campagne de vaccination se déploie en Europe, avec son lot de tensions d’approvisionnement, et que les personnes les plus fragiles doivent être très vite protégées, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) vient de trancher (avis du 7 janvier) : un, les deux doses sont indispensables ; deux, le délai d’administration de la seconde dose peut être envisagé entre 21 et 42 jours [28 à 42 pour le vaccin de Moderna, selon la HAS, ndlr], soit doublé, après analyse des données disponibles, et ce, afin d’élargir la couverture vaccinale des personnes prioritaires.

 

Quelle pourrait être la durée de l’immunité conférée par le vaccin ?

On ne le sait pas encore… Les premiers vaccinés, avec deux doses, l’ont été il y a 6 mois et les données de protection à long terme ne sont pas connues. Peut-être faudra-t-il une troisième dose ? Nul ne peut le prédire aujourd’hui.

 

Pourrait-on, en cas de rupture de stock pour un vaccin, switcher pour la seconde dose vers un autre ?

On ne sait pas ! Les Anglais, soumis à une pression épidémique particulière, vont effectivement vers cette stratégie, d’espacement des doses (porté jusqu’à 12 semaines), voire de mélange des vaccins. Or si l’on n’a pas d’inquiétude en matière de sécurité, l’efficacité ne sera pas peut-être au rendez-vous, aucun des deux vaccins n’étant pleinement opérationnel, faute de respect du protocole pour lesquels ils ont été approuvés.

 

Que sait-on du troisième vaccin sur les rangs/à venir, celui d’AstraZeneca ?

Les décisions sur les façons, alternatives, dont les doses sont administrées dépendent des autorités de santé nationales… Et sans doute le vaccin d’AstraZeneca sera -t-il traité de la même manière, avec des espacements possibles en fonction des approvisionnements et des contraintes épidémiques propres à chaque pays. Cela dit, pour ce vaccin en particulier, nous avons appris de ce qui était une erreur. Les premiers participants de l’étude pivotale de phase 3 ont reçu pour la première injection une demi-dose de vaccin, puis, pour la seconde, une dose entière… et la protection conférée par le vaccin est pourtant plus efficace. Peut-être parce que le vecteur vaccinal est ici un adénovirus, un grand classique des rhumes. Le système immunitaire de ces patients vaccinés le reconnaîtrait plus facilement et l’éliminerait plus vite quand il est injecté à pleine dose. A demi-dose, il passerait sous le radar des défenses immunitaires.

 

* Le Dr Wiedemann décalre n’avoir aucun lien d’intérêt.

 

[D’après un entretien avec le Dr Aurélie Wiedemann*, immunologiste à l’Institut de recherche vaccinale, Inserm U 955 (Université de Créteil).]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Brigitte Blond

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