Nez qui coule, fièvre, toux, troubles digestifs… On sait aujourd’hui que les signes évocateurs du Covid-19 sont semblables aux traditionnels rhumes et gastro-entérites qui rythment l’hiver de nos enfants. Mais face à ces symptômes et au manque de clarté flagrant sur ce qu’il convient de faire, comment organiser sa consultation ? Feuille de route avec le Dr Fabienne Kochert* (Orleans), pédiatre et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa).

 

Egora : Les médecins généralistes voient déjà leur nombre de consultations bondir. Alors, sur quels critères prescrire une PCR ?

Dr Fabienne Kochert : Il est vrai qu’aucun symptôme infectieux chez l’enfant n’est spécifique du Covid-19. Rhume, gastro-entérite, toutes ces pathologies infectieuses donnent des signes identiques et peu spécifiques. Autrement dit, de simples rhumes sèment aujourd’hui le trouble. C’est pourquoi il faut savoir raison garder, et c’est notre rôle de cliniciens, que d’essayer de trouver des algorithmes décisionnels (https://afpa.org/covid-19-organiser-consultations-11-mai-2020/) qui puissent nous aider. La conduite à tenir est différente selon l’âge. Les enfants de moins de 6 ans présentent fréquemment des infections saisonnières banales ne relevant pas à chaque épisode d’une recherche Covid-19 alors que cette recherche peut s’imposer chez les plus grands, pour lesquels l’immunité vis à vis des infections habituelles est déjà acquise. Cela étant dit, c’est bien la notion de contage familial qui importe. En effet, s’il n’y a pas de notion de cas de Covid-19 dans l’entourage familial et qu’une pathologie précise est identifiée, une prise en charge habituelle sera effectuée et une PCR Covid ne se justifiera pas. En revanche, si le praticien ne parvient pas à étiqueter de pathologie infectieuse, une PCR Covid n’est indiquée que si l’enfant est âgé de plus de 6 ans ou si les symptômes persistent plus de 3 jours. Enfin, en cas de notion de cas de Covid-19 dans l’entourage, et ce, quels que soient les symptômes, il faut daemander une PCR Covid. Il faut bien s’appuyer sur les connaissances que nous avons en matière de pathologies infectieuses pédiatriques pour progresser sinon on ne s’en sortira pas !

 

 

Quelles sont vos recommandations pour faciliter le diagnostic du Covid-19 et peut être ainsi diminuer le nombre de consultations ?

Nous insistons sur les vaccins qui existent déjà pour certaines maladies hivernales afin d’éviter d’avoir trop d’enfants malades et une surcharge dans les salles d’attentes. Élargir la vaccination contre la grippe et le rotavirus permettrait en effet de faciliter le diagnostic du Covid-19 car si le Sars-CoV-2 continue de circuler cet hiver, il va s’ajouter aux virus saisonniers habituels. Des difficultés sont à prévoir pour les enfants vivant en collectivité. Il faut donc élargir et renforcer la vaccination contre la grippe et généraliser la vaccination contre le rotavirus pour les petits nourrissons chez qui les conséquences peuvent être vraiment sérieuses. En période de pandémie, cette vaccination permettrait de ne pas alourdir la charge de soins en diminuant de façon drastique les épisodes de gastro-entérites, mais aussi réduire la fréquence chez l’enfant des suspiscions Covid-19 et leurs conséquences – tests PCR et mesures d’éviction scolaires notamment. En effet, 15 à 30 % des enfants hospitalisés ou vus en consultation pour Covid-19 ont des signes digestifs, dont la diarrhée, ce qui rend très difficile le diagnostic différentiel avec les gastro-entérites à rotavirus. 15 pays européens recommandent déjà ce vaccin en routine, dont 6 des 7 pays limitrophes de la France. Le comité technique de vaccination avait recommandé en 2013, l’utilisation de ces vaccins, sous couvert d’un rapport coût / efficacité favorable, puis avait suspendu cette recommandation à la suite de la prépublication d’un rapport à charge de la pharmacovigilance française faisant état de 2 décès par invagination intestinale aiguë méconnue, survenus chez des nourrissons vaccinés (en réalité, un seul cas était réellement attribuable à la vaccination). Aujourd’hui, ce risque d’invagination intestinale, survenant 5 à 10 jours après l’administration de la première dose du vaccin essentiellement, est bien connu, bien circonscrit, permettant des mesures d’information aux parents et la prévention des complications par la prise en charge rapide des cas. La balance Risque / Bénéfice demeure en faveur de la vaccination. Nous rappelons également que la vaccination antigrippale est essentielle pour les enfants fragiles et notamment ceux présentant des cardiopathies, des maladies chroniques et les jeunes asthmatiques. L’idée n’est pas d’imposer ce vaccin à tous les enfants, mais largement à toutes les populations à risque.

 

Certaines crèches et écoles renvoient les enfants au moindre symptôme et demandent souvent un test négatif pour accueillir de nouveau les jeunes élèves. Que faire dans ce cas ?

Actuellement, nous essayons de faire de la pédagogie auprès des parents et des écoles. Nous n’avons de cesse de marteler – et toutes les sociétés savantes sont unanimes sur ce point – que l’enfant, et en particulier celui de moins de 10 ans, ne contribue pas significativement à la transmission du Sars-Cov2. Il y a en effet un très faible taux d’attaque secondaire à partir des enfants et une grande rareté des clusters à point de départ pédiatrique. Lorsque les parents nous contactent, nous leur expliquons notre position et nous essayons de n’appliquer que les algorithmes dont je vous ai parlé. Les tests PCR ne doivent être réalisés que dans certains cas. Tester chaque enfant au moindre symptôme est infaisable et sans intérêt pour le contrôle épidémique. D’autant plus que la plupart des enfants infectés sont asymptomatiques ! A l’école le risque provient plus d’un adulte. Même si nous sommes confrontés à une forte pression de la part de certaines écoles, nous insistons sur le fait que les indications d’exclusion transitoire des enfants doivent être bien ciblées pour limiter une rupture du suivi scolaire. A ce sujet, toutes les sociétés de pédiatrie travaillent actuellement pour essayer de refaire le point sur les recommandations qui ne sont plus adaptées aujourd’hui. En effet, les protocoles ont été faits à des temps différents et on s’aperçoit bien que certaines recommandations sont incompatibles entre elles, notamment sur la notion de cas contact et de population à risque. Nos connaissances sur le virus ont progressé, il faut faire bouger les lignes. C’est véritablement un travail de tous les instants. Les écoles ne doivent pas fermer ! Les bénéfices éducatifs et sociaux apportés sont supérieurs aux risques d’une éventuelle contamination de l’enfant en milieu scolaire.

 

 

Selon la DGS, les enfants doivent être testés au moindre symptôme et en cas de test positif, l’exclusion de la classe est de 7 jours au moins. En sachant que les résultats peuvent prendre jusqu’à 5 jours aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?

Un enfant malade est isolé de toute façon. Il sera donc effectivement exclu le temps que les résultats de la PCR soient disponibles et devra ensuite rester chez lui pendant au moins une semaine en cas de test positif. C’est une situation qui nous désole. Et c’est bien pour cette raison que nous insistons encore une fois sur le fait qu’il faut limiter le nombre de PCR et que les indications de ces tests doivent être adaptées à la faible contribution de l’enfant dans la transmission de l’infection.

 

Olivier Véran a évoqué cette semaine les tests antigéniques qui donneraient des résultats en 30 minutes et qui pourraient être déployés très prochainement. Une annonce qui va dans le bon sens ?

La mise à disposition de tests de diagnostic rapide (notamment salivaires) fait partie de nos demandes depuis un moment. Même si le rendement est moins bon et que ces tests sont moins sensibles, cela nous permet d’établir un diagnostic différentiel rapide. Les cabinets médicaux et les urgences pédiatriques devraient avoir à disposition des tests directs d’orientation diagnostique pour la grippe, le VRS, et le Sars-CoV-2 pour avancer dans les évaluations, obtenir des orientations plus rapidement et ainsi traiter au mieux les enfants.

 

* Le Dr Fabienne Kochert déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marie Ruelleux-Dagorne

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