Cette rentrée 2020 est marquée par beaucoup d’inquiétudes et d’incertitudes. C’est le cas aussi pour les syndromes inflammatoires « Kawasaki like » associés à l’infection qui ont été observés depuis fin avril. Des études sont entreprises pour tenter d’en préciser les caractéristiques, et des différences avec le syndrome de Kawasaki classiques sont ainsi mises en avant.

 

Fin avril, des alertes ont été lancées après description de syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques ressemblant à la maladie de Kawasaki, une nouvelle entité pathologique également dénommée PIMS*, ou MIS-C**, terme actuellement retenu par l’Organisation mondiale de la santé.

La responsabilité du Sars-CoV-2 dans la survenue du MIS-C est probable. « Car, explique le Pr Ulrich Meinzer, pédiatre à l’hôpital Robert Debré de Paris, ce syndrome a été retrouvé avec une fréquence accrue dans les régions, où le Sars-CoV-2 a beaucoup circulé, et dans les semaines suivant un pic de l’infection Covid-19 alors que les autres virus respiratoires étaient absents ». Une étude effectuée sur la période 2005-2020 à l’hôpital Robert Debré a ainsi rapporté une augmentation de 497 % de « maladies de Kawasaki like » à ce moment (1). De plus, « les tests virologiques ou sérologiques étaient positifs chez plus des deux tiers des jeunes patients ». Au vu des études, dont l’une nationale réalisée par Santé publique France, on peut penser qu’autour de 50 enfants avaient été touchés début septembre par un MIS-C en Île-de France et autour de 150 à 200 en France.

 

 

Ce syndrome touche des enfants de 5 à 12 ans alors que les patients ayant une maladie de Kawasaki habituelle ont en général moins de 5 ans. Elle nécessite, environ 2 fois sur 3, une prise en charge en soins intensifs avec, le plus souvent, prescription de médicaments inotropes. Dans la moitié des cas, une myocardite est présente cliniquement et parfois une péricardite. On observe comme dans la maladie de Kawasaki classique une fièvre au-delà de 39 °C (40 °C dans les formes sévères), des signes cutanéo-muqueux (rash, œdèmes des mains et pieds, atteinte des lèvres, conjonctivites), mais aussi fréquemment des signes de choc toxique et de défaillance multiviscérale (2). A la différence de la maladie de Kawasaki classique, la symptomatologie digestive est souvent bruyante avec diarrhée, douleurs abdominales. Les jeunes malades présentent plus souvent aussi un syndrome d’activation macrophagique et un état inflammatoire marqué.

« On ne sait encore s’il s’agit d’un phénotype particulier de la maladie de Kawasaki ou d’une maladie à part. Mais, le fait que le pic d’apparition des symptômes ait été relevé 4 à 5 semaines après le pic d’infection par la Covid-19 fait penser qu’il s’agit d’un syndrome post-viral », complète le Pr Meinzer. Notons à ce propos que des facteurs viraux sont également incriminés dans la maladie de Kawasaki traditionnelle, et l’étude rétrospective, menée à l’hôpital Robert Debré, a identifié un pic d’hospitalisations (+ 365%) pour celle-ci en décembre 2009 lors de la pandémie de grippe H1N1 (1).

 

Prédisposition génétique

S’agissant du MIS-C, l’existence de prédispositions génétiques, différentes de la maladie de Kawasaki classique, sont suspectées. « Ce syndrome inflammatoire n’a pas été retrouvé en Corée, alors que la maladie de Kawasaki est répandue en Asie. En revanche, les enfants d’origine africaine ou caribéenne semblent plus souvent atteints par le MIS-C ».

Comme dans la maladie de Kawasaki, des lésions vasculaires sont retrouvées dans le MIS-C avec présence de dilatations coronaires. Mais, les mécanismes physiopathologiques ne sont pas connus dans le détail. Des études sérologiques, immunologiques, génétiques vont être mises en route pour les identifier. « Il est probable que les phénomènes inflammatoires et cytokiniques diffèrent de ceux vus dans les infections sévères par le Sars-CoV-2 de l’adulte, car les manifestations pathologiques apparaissent plus tardivement après l’infection initiale », estime le Pr Meinzer.

 

 

Les enfants atteints de MIS-C ont été traités par perfusion d’immunoglobulines polyvalentes et parfois corticothérapie et aspirine, comme dans la maladie de Kawasaki. Dans les formes résistant aux immunoglobulines, qui sont un peu plus nombreuses que dans la maladie de Kawasaki classique, des traitements par anti-Il 1 (anakinra), anti-Il 6 (tocilizumab) ou anti-TNF ont parfois été mis en route. L’évolution a en été favorable chez pratiquement tous les enfants. « Mais, ils doivent être suivis un peu plus étroitement qu’après une maladie de Kawasaki classique, notamment pour vérifier l’absence de réactivation du syndrome, en particulier en cas de réexposition au Sars-CoV-2 », recommande le Pr Meinzer.

Il est conseillé aux médecins de ville de faire hospitaliser en urgence tout enfant suspect de présenter ce syndrome rare.

 

* Pediatric inflammatory multisystemic syndrom
** Multisystem inflammatory syndrom in children

 

Références :

D’après un entretien avec le Pr Ulrich Meinzer (Paris). Le Pr Meinzer déclare n’avoir aucun lien d’intérêt. Et :
1) Ouldali N, et coll. Emergence of Kawasaki disease related to SARS-CoV-2 infection in an epicentre of the French COVID-19 epidemic: a time-series analysis. Lancet Child Adolesc Health. Jul 2 : S2352-4642(20)30175-9.
2) Pouletty M, et coll. Paediatric multisystem inflammatory syndrome temporally associated with SARS-CoV-2 mimicking Kawasaki disease (Kawa-COVID-19): a multicentre cohort. Ann Rheum Dis. 2020 Aug;79(8):999-1006.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Corinne Tutin

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