Après de nombreux rebondissements sur la date et le contenu des épreuves, le concours de la Paces a débuté partout en France mi-juin. S’il correspond à l’aboutissement d’une année de travail et de bachotage intense pour tous les candidats aux filières médecine, dentaire, maïeutique et pharmacie, cette édition 2020 a été secouée par le coronavirus et connu de nombreux couacs, tant sur le plan du contenu du concours que de ses conditions d’organisation.

 

Jusqu’aux derniers jours avant le début des épreuves, les candidats au concours de la Paces de cette édition 2020 ont été dans l’incertitude. Initialement prévu à la fin du mois de mai, le concours a été reporté entre le 15 et le 30 juin à cause de la crise du coronavirus. Pour assurer la sécurité de tous les candidats, certaines facultés de France ont fait le choix, pendant ce temps, de revoir les modalités de quelques épreuves afin de limiter la présence des étudiants sur les lieux d’examens. Très médiatisés, les cas de Toulouse et de Marseille avaient fait bondir les futurs carabins. Dans la ville rose, le concours avait ainsi été réduit à 1h30 d’épreuves tout compris par la faculté, qui était ensuite revenue sur sa décision en accordant 35 minutes de plus face à la grogne des candidats.

Ce temps d’organisation supplémentaire n’a pourtant pas empêché les petits couacs, qui semblent s’être multipliés tout au long des quinze jours de concours. A commencer par les Brestois, qui ont eu la mauvaise surprise de découvrir, en plein milieu de l’une de leurs épreuves qu’il manquait… une page entière de l’examen. “La spé médecine, c’était la dernière épreuve de la journée. Avant de lancer le chrono, le président du jury nous dit ‘regardez à la page 4’”, raconte Justine*, primante. “On ouvre et surprise… La page 4, c’était la première page. Il manquait une feuille. Tout le monde a commencé à lever la main en panique et cinq minutes après, on nous a dit que l’épreuve était annulée et reportée deux jours plus tard”, poursuit-elle. Perturbée, la jeune femme a du mal à cacher son amertume. “Ils ont eu deux mois pour tout vérifier. Mais bon, je n’avais rien d’autre à faire que de rester concentrée et donc je suis retournée réviser”, explique-t-elle, philosophe.

 

 

Pour les étudiants qui ont eu l’intégralité de leurs épreuves dans des conditions normales, c’est le contenu de ces dernières qui interroge. “C’était en roue libre”, peste Julien*, en Paces à Marseille. “L’épreuve de sante-société-humanité, pour laquelle on devait apprendre des textes par coeur et qui a finalement été transformée en QCMs, on se demandait si les questions avaient bien un rapport avec ces textes”, s’énerve le jeune homme, qui n’est pas le seul à avoir constaté des problèmes. Manon, étudiante à Marseille également, dénonce le hors-concours. “L’UE7 par exemple [Santé social, NDLR], c’était le plus gros coeff et il y avait des questions sans rapport avec les cours qu’on a eus dans l’année. En cherchant après, on a vu que ça venait de 2012. C’est déconcertant parce que ça faisait partie des épreuves simples grâce auxquelles on aurait pu facilement gagner des points. Franchement, perdre des points pour ça, c’est frustrant”, se désole-t-elle.

Léa*, en Paces à Nancy, qualifie même les sujets de cette année d’“innovants”. “Je ne sais pas s’ils ont voulu innover avant la fin de la Paces mais on a eu des questions très bizarres. Par exemple pour la spé pharma, on a eu des questions qui avaient trait avec l’actualité mais qu’on n’avait jamais abordées en cours. J’ai même relu mes cours plusieurs fois après pour vérifier et à aucun moment je n’ai retrouvé l’item en question.” Des petits couacs pendant un concours, rien de nouveau… Mais additionnés aux changements d’épreuves, de contenu, d’organisation et de coefficients à cause de la crise Covid, cela été la goutte de trop pour certains. “C’est comme s’ils avaient voulu trouver un nouveau moyen de nous trier”, lâche Joachim, préférant garder sa ville d’origine anonyme. “Certains profs se sont dit qu’on avait eu plus de temps pour réviser alors qu’ils nous ont mis des choses qui n’étaient jamais tombés ou dans des recoins des cours”, regrette aussi Julien.

 

 

D’autres, comme Justine, ont eu un coup de “chance”. “Pour l’épreuve d’ICTM [pharmacologie, NDLR], le prof n’a pas abordé un chapitre en cours et pourtant il est tombé au concours. Il y a beaucoup de plaintes. Heureusement, j’avais eu un instinct avant et je m’étais dit qu’il valait mieux le réviser…”. Des témoignages qui laissent perplexe alors que la continuité pédagogique n’a pas été assurée dans toutes les facultés pendant le confinement. Ce concours à deux vitesses, compte tenu de la fermeture des bibliothèques universitaires, de l’inégal accès aux plateformes de cours à distance et d’encadrement en fait donc rager plus d’un. “J’ai remarqué qu’il y avait deux types de profs : ceux qui se sont dit qu’on avait eu une année difficile et ceux qui se sont dit qu’on avait eu plus de temps pour réviser et qui nous ont mis des sujets de fou”, dénonce par exemple Sam, en Paces à Paris.

 

10 heures d’épreuve sans bouger 

Au stress lié au concours et aux questions hors programme, s’ajoute aussi le cadre sanitaire. Pour éviter les attroupements, certaines facultés ont fait le choix d’imposer aux étudiants de rester dans la salle d’examen du matin au soir, pause déjeuner comprise. “Ce qui est dommage c’est qu’à Toulouse, ils ont mis la plus grosse épreuve le soir, de 18h à 18h30 alors que c’est notre plus gros coeff. Quand on n’est pas sortis de la journée et qu’on n’a quasiment pas bougé, puisqu’on était convoqués à 8h le matin, c’est compliqué et très fatigant. Et puis c’était interminable, on ne pouvait pas communiquer entre nous puisqu’on ne pouvait pas se déplacer”, explique Paul.

D’autres s’interrogent aussi sur la logique de leurs convocations. “On avait une salle attribuée et on devait venir même si on n’avait pas d’épreuves”, raconte Léa qui a donc dû venir à 8h le matin quitte à attendre deux ou quatre heures le temps que certains candidats composent les épreuves de spécialité qu’elle n’avait pas choisies. Un temps d’attente trop long pendant lequel elle devait “garder le masque” et n’avait “pas le droit de sortir son téléphone” et pendant lequel il fallait pourtant rester concentré.

 

 

Rester concentré… Et gérer son stress. Mais à cette recette déjà très particulière, s’ajoute l’ingrédient des mesures barrières, pour lesquelles un protocole strict avait été établi par les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur. “C’était bien organisé à Toulouse, le ramassage des copies dans des boîtes, les tables étaient écartées, on avait les masques, mais on n’arrivait pas à se concentrer avec tout ça”, admet Paul. “On avait qu’un masque pour la journée à Marseille, il fallait l’enlever, le remettre pour aller aux toilettes donc on mettait forcément les mains dessus. Ils nous avaient dit qu’ils nous en fourniraient pour les épreuves suivantes mais on n’a rien eu”, renchérit Julien. “J’ai vu une seule boite de 50 masques alors qu’on était plus de 250 dans ma salle. Au bout d’une demi-heure, il n’y avait plus de savon dans les toilettes fille. Il fallait aussi qu’on mette nos sacs tous au même endroit…”, détaille Mad, également étudiante dans la cité phocéenne.

Pour d’autres, comme Sam, la peur d’être contaminé a pris le dessus. “J’étais tellement stressé à cette idée que j’ai pris un rendez-vous juste après le concours pour faire un test. Je vis avec ma grand-mère qui est âgée et atteinte de plusieurs maladies et j’avais très peur de lui ramener le virus à la maison. C’était une source de stress supplémentaire à un gros tas de stress préexistant. Et je pense que ça s’est ressenti dans tout le hall parce qu’on a eu un gros nombre de malaises. Notamment avant l’épreuve de spé médecine où on a eu 40 minutes de retard à cause de ça”, confie-t-il. “Finalement, on ne se rendait pas vraiment compte qu’on passait le concours. Il y avait toutes ces rangées de personnes avec des masques, on ne pouvait pas vraiment s’approcher”, résume Léa.

 

 

Enfin, dernier détail de cette longue épreuve pour les candidats : les résultats. Tous n’ont pas eu de date officielle et sont donc dans l’expectative complète. “C’est compliqué pour les doublants parce que si on ne sait que fin juillet, avec Parcoursup c’est la galère”, explique Paul. De son côté, Manon n’espère pas grand-chose. “Je suis doublante. Entre les changements de coeff, les nouvelles modalités et les questions plus simples, les remontées de classement seront très difficiles. On verra bien…”, souffle-t-elle. A Brest, Justine navigue à vue depuis le début de l’année. Étant déjà en Paces adaptée, elle ne connaît donc pas son classement du premier semestre. “On ne sait pas si ça valait finalement le coup de se donner autant de mal. Je croise les doigts”, affirme la jeune femme.

“C’est frustrant et ça ne donne pas envie de tout recommencer. On a un sentiment de raté malgré tous les efforts qu’on a pu faire pendant l’année et particulièrement pendant le confinement”, conclut Joachim.

 

* Les prénoms ont été modifiés.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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