Les conclusions du Ségur de la santé doivent être rendues d’ici à la mi-juillet. Cette vaste concertation était censée déboucher sur un plan de refondation du système de santé dans son entier. Mais pour le Dr Luc Duquesnel, Président des Généralistes-CSMF, les décisions qui seront prises risquent d’être, une nouvelle fois, focalisées sur l’Hôpital.

 

La phase de concertation du Ségur de la santé s’achève… Les praticiens hospitaliers ont fait savoir qu’ils étaient mécontents des mesures proposées par le Gouvernement. Qu’en est-il des libéraux ?

Dr Luc Duquesnel : Les médecins généralistes sont avant tout concernés par le quatrième pilier : territorialisation et exercice coordonné, au sens lien ville-hôpital. Nous avons échangé sur les différentes formes que peuvent prendre l’exercice coordonné, les outils de coordination et, lors de l’avant-dernière séance, le Service d’accès aux soins (SAS).

D’emblée, nous savions très bien que, s’il n’y avait pas eu de crise à l’hôpital, il n’y aurait pas eu de Ségur de la santé. Ce Ségur, c’est un Ségur de l’Hôpital. On a l’impression d’être un peu dans un groupe de paroles… Les gens s’expriment – certains sont présents, d’autres sont en visio. Mais tout est déjà écrit : c’est ce que nous a dit un représentant de la DGOS à l’issue de la réunion sur le SAS. C’est un peu de l’enfumage.

On est très loin d’une écoute des professionnels de santé libéraux et des médecins généralistes. Alors que nous avons des demandes très spécifiques, notamment sur le SAS, on a le sentiment que, dans ce Ségur de la santé, il ne pourra pas se prendre de décisions allant à l’encontre des désidératas de l’Hôpital public.

Sur un sujet comme le SAS, qui concerne avant tout l’ambulatoire, le risque est de voir des mesures prises uniquement dans le but de ne pas déplaire à SAMU de France. Une fois de plus, on va perdre deux, trois ans parce qu’on n’a pas voulu écouter les professionnels de santé libéraux, qui sont pourtant les principaux concernés et dont les demandes correspondent à leurs besoins pour mieux répondre aux demandes de soins de la population.

 

Quelle organisation se profile concernant le SAS ?

On partirait vers un numéro santé unique, plus celui des pompiers. Quand vous crierez “au secours”, vous aurez toujours ces deux possibilités, ce qui est complètement aberrant. Nous refusons catégoriquement ce schéma.

Pour nous, il est important qu’il y ait une porte d’entrée ambulatoire et pas uniquement hospitalière : le 116-117 ou un autre numéro, peu importe, mais pas le même numéro que celui de l’urgence vitale. Nous l’avons bien vu lors de la crise du Covid : “J’ai des douleurs dentaires, comment je fais pour trouver un chirurgien-dentiste ?”. Cet été, ce sera : “Je pars en vacances, je suis sous insuline, comment je fais pour trouver une infirmière dans telle région ?” C’est aussi ça, le SAS. Or, là, on va nous mettre sur le même numéro que “ça me serre dans la poitrine, je suis peut-être en train de faire un infarctus”. C’est totalement aberrant ! Tout ça, pour ne pas déplaire à l’Hôpital…

 

D’autant que lors de la crise, le 15 a été complètement saturé…

Dans certains endroits, d’après les retours que j’ai eu, le décroché se faisait parfois à 45 minutes. Quand c’était pour de la fièvre et de la toux, ce n’était pas trop grave ; mais pour des douleurs thoraciques, ça s’est terminé par les pompiers, qui eux, décrochaient tout de suite. Mais ça, l’avenue de Ségur ne peut pas l’entendre.

 

Qu’en est-il du volet exercice coordonné ?

Pour nous, l’exercice coordonné ne se limite pas au lien ville-hôpital. C’est un changement de pratiques et d’organisation professionnelle, entre professionnels du 1er recours, mais aussi entre médecins généralistes et spécialistes. Il y a des expérimentations qui fonctionnent bien dans certaines régions avec les équipes de soins primaires ; il faudra aussi voir naître des équipes de soins spécialisées, qui seront importantes pour la prise en charge de nos patients chroniques.

La question est d’abord de savoir quelle organisation on met en place. Et à partir de là, il y aura des outils à financer. Il faudra aussi rendre incitatif ce qui peut être vécu comme des contraintes par les professionnels. Si un médecin généraliste ne trouve pas un intérêt à s’engager dans ces nouvelles organisations, il ne le fera pas, et il aura bien raison.

A travers ce Ségur, on va définir de grandes idées. A charge pour l’Assurance Maladie et les libéraux de les traduire de façon conventionnelle. L’enjeu, ce sera la rentrée de septembre avec l’ouverture de négociations conventionnelles mono-professionnelles pour rémunérer l’exercice coordonné au sein de chaque profession, et aussi rémunérer le SAS, le soin non programmé, probablement aussi au travers des accords conventionnels interprofessionnels MSP et CPTS.