Le conseil national de l’Ordre des médecins vient de publier sa 17e enquête annuelle sur la permanence des soins ambulatoires. Malgré des chiffres stables en dépit de la baisse démographique, le CNOM préconise plusieurs mesures pour renforcer l’implication des praticiens. Le Dr René-Pierre Labarrière, président de la Commission nationale de la permanence des soins et de l’aide médicale urgente au sein de l’Ordre et médecin généraliste à Annecy, les détaille pour Egora.

 

Egora.fr : On constate une stabilité de la PDSA malgré une baisse de la démographie médicale, comment l’expliquer ?

Dr René-Pierre Labarrière : Cela s’explique par l’engagement des médecins. Les médecins retraités participent à la régulation. Ils permettent de colmater les brèches. On constate que dans les zones où la démographie est la plus faible, il y a un volontariat accentué des médecins qui se serrent les coudes et qui assument jusqu’à 178 gardes par an. Cela s’explique essentiellement par l’implication des médecins libéraux puisque c’est surtout eux qui assument cette permanence des soins.

 

 

Comment motiver les retraités et les jeunes à assumer plus de PDSA ?

Activer ces réservoirs de professionnels est effectivement un levier d’action. Quand on les interroge, ils insistent sur le montant des forfaits d’astreinte et la défiscalisation de la permanence des soins. Les conditions dans lesquelles ils exercent sont également importantes.

 

L’incitation financière serait-elle la solution au manque de volontaires ?

Il n’y a pas que cela. La façon dans laquelle se produit la garde est importante. Je pense à la sécurité et à la proximité d’un aval. Prendre la garde c’est bien, mais…

 

 

il faut savoir ce que l’on va faire du malade. Le médecin va-t-il avoir un accès facile à de la biologie, de la radio, à un secrétariat pour qu’il puisse se recentrer sur son cœur de métier. Tout cela participe à la motivation des médecins. Ça n’est pas seulement financier, bien qu’évidemment cet aspect soit aussi important pour encourager les médecins. Il faut des indemnités d’astreinte décentes. Elles n’ont pas été revues depuis une quinzaine d’années. Sur le fond, il y a cet aspect économique qui fait partie de n’importe quelle profession et il y a les conditions d’exercice. La permanence des soins est un exercice particulier. Il s’agit de patients que l’on ne connait pas. Ils arrivent avec des soucis qui vont de la petite bobologie à la pathologie plus lourde. Il y a toute une éducation de la population à faire par les pouvoirs publics pour un bon usage de la PDSA.

 

48% des 80 CDOM qui ont déclaré que le PDSA ne fonctionne pas préconisent la remise en cause du volontariat. C’est une surprise…

Nous avons été aussi surpris. Je ne suis pas sûr que les départements maîtrisent les conditions d’un tel retour en arrière sur le plan de l’engagement et de l’investissement des médecins. Autant il faut être incitatif sur le volontariat, autant mettre en place la coercition me semble périlleux. Dans les endroits où la situation est catastrophique, certains ne voient probablement pas d’autres solutions que la coercition. Je ne voudrais pas, en tant que président de la Commission permanence des soins, avoir à gérer cette question. Je n’ai pas envie de sortir avec du goudron et des plumes !

 

Les maisons médicales de garde (MMG) sont un point d’entrée de plus en plus important vers la permanence des soins. Le rapport note une grande hétérogénéité des horaires et jours d’ouvertures de ces établissements, ne faudrait-il pas les harmoniser ?

Je crois qu’il faut rester au plus près des territoires. Les besoins sont variables. On ne gère pas la permanence des soins de la même manière à Paris, Lyon ou Annecy, en ville ou en secteur rural. Le nombre ou les horaires d’appels sont complétement différents d’un secteur à l’autre. Il faut rester souple et fluide. D’autant qu’il va falloir gérer le continuum entre les soins non programmés et la permanence des soins.

 

De moins en moins de départements maintiennent la PDSA en nuit profonde, tandis qu’ils sont de plus en plus à la réclamer les samedis matin. Ne faudrait-il pas les permuter ?

Beaucoup de secteurs de nuit profonde ont été supprimés alors que le besoin du samedi matin est sociétal. Je ne sais pas s’il faut transférer la nuit profonde, qui a déjà été resectorisée. Les zones en nuit profonde qui subsistent sont là parce qu’il y a un réel…

 

 

besoin, comme en station de ski par exemple. On a déjà réadapté les horaires au maximum. En ce qui concerne le samedi matin, il faut que les médecins s’entendent pour voir si c’est intéressant pour eux d’assumer une permanence des soins. Je pense qu’à terme, c’est indispensable.

 

Si l’harmonisation des horaires de PDSA doit coller aux exigences du terrain, ne faudrait-il pas homogénéiser les rémunérations qui sont très disparates en fonction des régions ?

Il s’agit là d’un problème proprement syndical qui relève des négociations conventionnelles. Effectivement, on constate des grosses différences. Sont-elles fondées ? Ont-elles une justification ? C’est un vrai problème. On pourrait même se poser la question sur les valeurs des actes en fonction du territoire. Le C est à 25 euros dans une grosse ville ou une zone rurale alors que les charges ne sont pas les mêmes. Cela dépasse la mission de l’Ordre.

 

Le CNOM préconise de rembourser le transport sanitaire pour les patients qui ne sont pas en mesure de se déplacer, il s’agit là d’une idée nouvelle…

C’est une idée qui est revenue de l’enquête. Beaucoup de départements ont relevé que l’un des écueils de la PDSA est l’absence de transport dédié, avec des maisons médicales de garde et des patients difficiles à mobiliser. On pourrait imaginer que ce soit une facilitation de l’accès aux soins que d’organiser des transports vers le centre de PDSA.

 

La hausse des plaintes ne représente-t-elle pas un frein à la participation des médecins à la régulation ?

Il faudrait que la permanence des soins soit reconnue comme une mission de service public. C’est le cas pour les régulateurs, mais pas pour les effecteurs. Cela serait vraiment quelque chose qui les protégerait et serait un élément d’incitation. Nous avons différencié deux types de plaintes, celles des patients qui visent les professionnels et celles entre régulateur et effecteur.

A y regarder de près, les plaintes de patients ne pas vraiment supérieures en PDSA que pour l’activité quotidienne. On voit bien une hausse de la judiciarisation, mais je pense qu’il s’agit d’une tendance sociétale. J’ai même été agréablement surpris du nombre de plainte par rapport au nombre d’actes effectués. D’autant que l’activité est extrêmement casse figure.

 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin

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