Terminé, le modèle rigide de la Paces. Les doyens de médecine ont organisé, ce jeudi 26 septembre, leur conférence de presse de rentrée et sont revenus plus en détail sur la réforme du premier cycle des études de médecine. Egora fait le point sur les nouveautés et les zones d’ombre de ces changements à venir.

 

Une formation plus “diversifiée”, plus “efficace”, plus “souple” qui doit “mener à des métiers” : voilà comment le Pr Jean Sibilia, Président de la conférence nationale des doyens de la faculté de médecine, résume les études de médecine telles qu’elles existeront à partir de l’an prochain.

On connaissait déjà certains points de la réforme :  la fin du numerus clausus, la mise en place du “portail santé” en première année et des licences “mineures” ainsi que la nouvelle appellation “MMOP” (médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie) à la place de Paces, à partir de la deuxième année. Mais comment tout ceci va-t-il fonctionner concrètement ?

 

Choisir médecine sur Parcoursup

Les futurs étudiants pourront rejoindre les études de santé selon trois parcours de formation. Soit par une formation du premier cycle conduisant à un diplôme de licence, soit via une “année spécifique” proposée par une UFR de santé ou enfin, par le biais d’une formation paramédicale.

Chaque université devra proposer au minimum deux accès aux études de médecine parmi ces trois parcours de formation. Elles pourront les choisir de manière autonome. Par conséquent, l’accès à médecine ne sera pas le même partout en France. La conférence nationale de doyens de la faculté de médecine parle “d’écosystème universitaire”.

 

 

Le portail santé

L’actuelle Paces sera remplacée par un “portail santé”. Une première année où l’enseignement sera “médical, technique et scientifique avec des piliers fondamentaux”, explique le Pr Jean Sibilia. Plus globalement, le fonctionnement du premier cycle se rapprochera de celui des licences avec moins de cours en amphithéâtre comme c’est le cas aujourd’hui et l’instauration de groupes de travaux dirigés (TD) en petit effectif.

A la fin de l’année : plus de numerus clausus. “L’échec de la Paces était devenu difficile à accepter”, reconnaît Jean Sibilia qui met en avant l’importance du bien-être des étudiants dans cette réforme. Sans toutefois en oublier une certaine exigence : “On veut de bons docteurs pour nous soigner. Pour cela, on doit maintenir une certaine forme de qualité et de sélectivité”. Plus de possibilités, non plus, de redoublement. “Il ne faut pas engorger la filière”, explique le doyen des doyens.

 

Accéder à la filière MMOP – ou deuxième année

Puisqu’il n’existe plus de concours à la fin de la première année, comment accéder à la filière MMOP (médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie) ? La première condition est de valider toutes les unités d’enseignements (UE) de son année universitaire, qui accorde 60 points ECTS (“european credits transfer system”). Il existe ensuite quatre cas de figure :

  • Validation de l’année et des 60 ECTS avec des résultats excellents

L’étudiant accède directement à la filière MMOP et peut choisir la spécialité de son choix. La moyenne à atteindre sera fixée par les universités elles-mêmes et ne sera pas harmonisée à l’échelle nationale.

  • Validation de l’année et des 60 ECTS

Il faudra dans ce cas faire une demande d’admissibilité à la filière MMOP et formuler des vœux afin de classer chaque spécialité souhaitée. Les étudiants retenus devront ensuite passer un oral devant un jury composé de médecins et de représentants de chaque branche qui décidera de l’admission – ou non – en MMOP.

  • Validation de l’année et des 60 ECTS mais souhait de réorientation 

Si un étudiant valide son année mais ne se décide finalement pas à faire MMOP, il peut s’orienter vers une autre licence de l’université directement en Licence 2, sans “perdre une année”.

  • Non-validation de l’année et des 60 ECTS

L’étudiant ne peut pas redoubler. Il doit passer à nouveau par Parcoursup pour s’inscrire dans une autre filière.

 

 

Le doyen des doyens estime qu’environ 60 à 70 % des étudiants du portail santé parviendront à valider leurs 60 ECTS.

 

Les “mineures santé”

Il est également possible de rejoindre les études de médecine par le biais des “mineures de santé”. Un étudiant peut par exemple choisir de coupler une licence de droit avec une licence de biologie. A la fin de l’année de son choix (L1, L2, L3), il pourra demander à intégrer à la filière MMOP. Il passera ainsi par une phase d’admissibilité et d’admission avec un oral, comme ce sera le cas pour certains étudiants du parcours santé. Seules conditions : avoir validé les 60 ECTS de licence majeure et 10 ECTS de sa licence mineure.

Ces “mineures santé” ont pour vocation de diversifier les profils des futurs étudiants en santé. Un lycéen souhaitant accéder aux études de médecine sans avoir pris d’option scientifique au lycée aura alors une chance d’y accéder. “Il pourra y avoir des stratégies de certains étudiants”, admet Jean Sibilia.

 

Objectif : axer sur la médecine de demain

Pour la conférence nationale des doyens de la faculté de médecine, il est urgent de réformer la pédagogie en s’adaptant aux défis et conditions du futur : la démographie, les besoins des territoires, l’accroissement des outils et le transfert de tâches et de compétences. “Beaucoup de champs de la médecine actuelle n’existaient pas avant : le digital, le numérique, l’intelligence artificielle… On doit revoir les contenus, car la médecine évolue et les médecins de demain ne feront peut-être plus les mêmes choses que ceux d’aujourd’hui.”

 

 

Les zones d’ombre…

Plusieurs points restent toutefois à éclaircir.

Sur le remplacement du numerus clausus, d’abord : combien d’étudiants seront admis en deuxième année ? “Il faut augmenter le nombre, mais ne pas le faire exploser”, tempère Jean Sibilia. Sauf qu’aujourd’hui… aucun outil n’existe pour effectuer cette régulation. “Personne ne sait combien de médecins doivent être formés d’ici cinq, dix, quinze ans”, s’inquiète le doyen des doyens.

Sur les résultats… Quelles moyennes les étudiants devront-ils atteindre pour être admis en MMOP ? Pour l’instant, c’est flou.

Sur l’équité du système ? “Il n’y a pas de risque d’inégalités, personne n’a les mêmes professeurs ni les mêmes résultats”, cherche à rassurer Djilali Annane, vice-président de la conférence nationale des doyens de la faculté de médecine. Pourtant, puisque chaque faculté fonctionnera en “écosystème”, le risque est bien là. Et Jean Sibilia le reconnaît : l’objectif étant de former les meilleurs médecins possibles, “il n’y aura pas de sélection mais une forme de sélectivité”.

Sur les moyens accordés aux universités ? La charge est lourde. Repenser la scolarité, la mise en place de TD, le passage des oraux… Il faut du temps et des moyens. Six millions d’euros ont déjà été débloqués à ce jour. “C’est intéressant mais je le crains, insuffisant. L’effort est amorcé mais il faut nous donner tous les moyens nécessaires pour que l’on réussisse cette réforme”, témoigne le Pr Sibilia.

Sur le statut des étudiants kiné ? “Pour l’instant, la filière MMOP ne prévoit pas d’intégrer les kinés et de devenir ‘MMOPK””, explique le doyen des doyens. “Il est question de la création d’une licence des métiers de la réadaptation, mais rien n’est arrêté pour l’instant.”

“Notre enjeu, c’est que tout cela réussisse. Nous devons être garants de la qualité et de la faisabilité de toute cette réforme, en assurant des garde-fous”, conclut Jean Sibilia.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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