Au terme de plusieurs mois de négociations, les syndicats et la CNAM ont signé le 20 juin l’accord interprofessionnel sur les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) ainsi que l’avenant 7 sur les assistants médicaux. Deux mesures phares du plan « Ma Santé 2022 » qui visent à améliorer l’accès aux soins, mais qui suscitent encore de nombreuses craintes parmi les principaux intéressés : les généralistes. Rappelant que les dispositifs sont basés sur le volontariat, le Dr Luc Duquesnel, président Les Généralistes-CSMF, appelle ces derniers à se projeter afin d’évaluer le pour et le contre. Ces textes conventionnels, ajoute-t-il, ont vocation à évoluer.

 

Les sondages, les remontées de terrain tendent à montrer qu’une majorité de généralistes sont réfractaires aux CPTS comme aux assistants médicaux (AM). Néanmoins, vous avez appelé la CSMF à signer ces textes. Pourquoi ?

J’aurais été surpris qu’ils ne soient pas réfractaires… Les dispositifs paraissent d’une telle complexité lorsque l’on lit les textes : arrivé à la page 4, on prend un comprimé de Doliprane et à la page 6, on arrête de lire. J’ai fait des réunions en régions : le premier retour que l’on a au début de ces réunions, c’est une opposition franche. Notre rôle, c’est d’informer, de faire une explication de texte : ce qu’ils permettent, ce qu’ils ne permettent pas. A l’issue de chacune de ces réunions, l’avis des professionnels avait complètement changé.

Je rappelle d’abord que l’objectif de l’avenant 7 sur les assistants médicaux, fixé par le Président de la République, c’est améliorer l’offre de soins en finançant une aide financière à l’embauche d’assistants médicaux. C’est une problématique majeure pour tous les Français comme pour nous car nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. Clairement, dans les territoires où il n’y a pas de problème d’accès aux soins, il n’y aura pas d’aide à l’embauche, même si on affiche l’éligibilité théorique de tous les généralistes.

Ensuite, il s’agit de voir quels sont les généralistes qui auront intérêt à prendre un AM. Il n’y a aucune obligation… Il y a des généralistes qui auront un intérêt évident mais ne voudront pas d’AM, pour des raisons diverses. Il y a ceux pour lesquels les objectifs semblent inatteignables ou ceux qui ont des contraintes immobilières : il faudra leur dire que ce n’est pas forcément une bonne option. Et il y a tous les autres… De nombreux généralistes auront un intérêt à embaucher un AM, voire un très grand intérêt pour ceux qui se verront financer intégralement le salaire et les charges pendant 5 ans et de façon renouvelable.

Une fois que l’on a expliqué tout cela, les médecins regardent d’un autre œil l’avenant 7 et il en est de même pour les CPTS. On peut ne voir que les contraintes dans ces textes… Mais qui aujourd’hui n’a pas envie de mettre en place des organisations favorisant l’accès aux soins ? Rappelons que les médecins généralistes ont mis en place une permanence des soins aux heures de fermeture des cabinets dans le cadre d’une réflexion collective et territoriale. Aujourd’hui, là où il y a des problèmes, les volontaires (on n’est pas obligé d’adhérer à une CPTS, ni de participer à ses actions) pourront mettre en place de nouvelles organisations. Il y a déjà des CPTS dans la région Centre, à Metz, qui rendent service à de nombreux médecins… qui n’ont aucune réticence à les rejoindre dans ces conditions. La CPTS, c’est la possibilité pour les médecins généralistes libéraux de devenir acteurs et force de propositions sur les organisations à mettre en place pour favoriser l’accès aux soins, améliorer le parcours de santé des patients, et cela sans détériorer leurs conditions d’exercice et avec des financements dédiés.

 

Le délai de 6 mois pour l’application d’un accord conventionnel ne s’applique pas pour ces textes. Verra-t-on arriver les premiers assistants médicaux dès cet été ?

Les textes s’appliqueront dès le lendemain de la parution au Journal officiel. S’il y a déjà des CPTS et plusieurs projets, pour les assistants médicaux en revanche, cela ne va pas démarrer au quart de tour. Le financement sera déterminé en fonction soit de la file active soit de la patientèle médecin traitant des plus de 16 ans. Or, aujourd’hui, aucun médecin ne dispose de ces chiffres. La question est : quand les CPAM seront-elles en mesure de donner ces indications aux médecins afin qu’ils puissent mesurer les objectifs à atteindre, que ce soit pour embaucher un tiers temps, un mi-temps, voire un équivalent temps plein dans les zones sous-dotées.

Il sera intéressant de voir l’engouement ou l’absence d’engouement pour le dispositif. C’est un texte conventionnel et il a vocation à évoluer en fonction des retours.

 

Si l’objectif de 4000 postes d’AM n’est pas atteint, il faudra revoir le dispositif ?

Les médecins se posent aujourd’hui plein de questions : qui va nous accompagner ? Les URPS ? Même si l’on n’est pas satisfait de la situation actuelle, le changement fait peur. Mais comment fait-on pour changer les organisations ? Qui va nous accompagner vers ces changements ? Embaucher un assistant médical, c’est une logique d’entreprise. Que doit-on faire pour que cela ne coûte rien ? Sur tous ces points, il faut répondre aux médecins. Ils ne s’engageront pas dans des démarches les yeux fermés.

 

Dans votre dernier édito, vous évoquiez la prochaine bataille : la convention médicale en 2021. Quel seront les enjeux ?

Chaque médecin généraliste est un cas particulier. On voit se développer des modes d’exercice différents. L’enjeu, c’est d’éviter de faire comme s’il n’y avait qu’un type de médecin généraliste et une solution unique.

L’enjeu, c’est bien sûr de travailler sur la problématique des consultations complexes. Elles se multiplient et seront encore plus nombreuses en 2021. On ne peut laisser les médecins généralistes avec des consultations de 30 à 45 minutes rémunérées 25 euros. Cette situation ne peut pas durer.

On verra par ailleurs comment favoriser davantage l’exercice coordonné entre professionnels. Car pour ces patients complexes, l’absence de coordination peut se traduire par une perte de chance. Il y a aussi l’enjeu de la formation : le temps de formation s’est réduit comme une peau de chagrin au fil des années. Il faudra discuter de tout cela.