Après une année catastrophique qui avait justifié le déclenchement de la clause de sauvegarde, les chiffres de la rémunération sur objectif de santé publique (Rosp) au titre de l’année 2018 ne pouvaient être que meilleurs. Les résultats dévoilés ce jeudi 24 avril par la Cnam montrent une “amélioration continue” des pratiques des médecins, avec tout de même quelques ratés. Egora fait les comptes.

 

Les sommes devraient être versées dans les jours qui viennent sur le compte de 55 102 généralistes et médecins à expertise particulière libéraux. Cette année, la Cnam se montre un plus généreuse : en moyenne, ces derniers toucheront 4705 euros au titre de la Rosp 2018 du médecin traitant de l’adulte, soit 4% de plus que l’an dernier, pour un coût total de 259.4 millions d’euros. Revue et modernisée par la convention médicale de 2016 avec l’ajout de 17 indicateurs et le relèvement de certains objectifs, la nouvelle Rosp a bénéficié l’an dernier à plus de 2000 médecins supplémentaires.

Les 50 785 généralistes médecins traitants de l’adulte gagneront en moyenne 4915 euros, soit 6.4% de plus qu’en 2018. Le mois prochain, 39 646 MG percevront un petit supplément de 153 euros (72 euros en 2017…) au titre de la Rosp du médecin traitant de l’enfant. Quant aux 1388 pédiatres, ils percevront 730 euros, contre 489 en 2017. Coût total pour la Cnam : 7,2 millions d’euros (+142.5% par rapport à 2017, année de la mise en place du dispositif).

La Cnam versera par ailleurs 9.3 millions d’euros à 4326 cardiologues (moyenne de 2146 euros, en hausse de 24.3%), 2.8 millions d’euros à 2012 gastro-entérologues (moyenne de 1405 euros, en baisse de 5.4%) et 3.3 millions à 433 centres de santé (moyenne de 7646 euros, +2.1%).

 

 

Dans un communiqué diffusé ce jeudi, l’Assurance maladie salue “une amélioration continue en faveur de l’ensemble des acteurs du système de soins”. “Une fois passé le temps d’appropriation nécessaire qu’impliquait la refonte du dispositif l’an dernier, les résultats de la Rosp sont à nouveau bien orientés cette année, avec une rémunération en hausse pour les médecins. Cette progression témoigne de la pertinence de ce levier d’amélioration des pratiques désormais recentré sur des indicateurs cliniques”, souligne Nicolas Revel, le directeur de la Cnam, soucieux de tourner la page des mauvais résultats de 2017, année de transition donc, qui avaient déclenché en 2018 la clause de sauvegarde et permis de sauver les meubles et de verser en moyenne 4522 euros. Rappelonsqu’en 2016, les médecins avaient touché en moyenne 6983 euros de Rosp (incluant le volet organisation du cabinet).

Pour éviter la casse, un groupe de travail conventionnel a été mis en place l’an dernier et a permis de réviser la Rosp en temps réel : “les objectifs cibles et intermédiaires ont été revus et les seuils minimaux des indicateurs ont été abaissés”. Par ailleurs, deux indicateurs de prescription dans le répertoire des génériques (traitements de l’incontinence urinaire et de l’asthme) ont été “neutralisés” “dans la mesure où peu de médecins étaient éligibles”, explique la Cnam.

Des trois volets de la Rosp du médecin traitant de l’adulte, c’est le volet efficience qui présente les meilleurs résultats, avec un taux d’atteinte moyen de 71%, contre 61% pour le volet pathologies chroniques et 59% pour le volet prévention.

Dans le volet efficience, tous les indicateurs sont à la hausse : +7.3 points pour la part de boites de statines prescrites dans le répertoire des génériques (98.1% à fin décembre 2018), +4.2 points pour les antihypertenseurs génériques (92.7% des prescriptions), +6.3 points pour les prescriptions de biosimilaires d’insuline glargine (9.1%).

Les résultats des indicateurs de prévention sont plus “contrastés”. Les taux relatifs à la vaccination antigrippale sont bons : +2.4 points pour les patients de plus de 65 ans (55.3% de vaccinés), +2.1 points pour les ALD et patients présentant une maladie respiratoire chronique (33.3%). Le dépistage du cancer du sein est en légère hausse (+0.3 point), avec 66.4% des patientes âgées de 50-74 ans participantes), mais le dépistage du cancer du col de l’utérus enregistre un ralentissement de 0.7 point (56.1% des 25-65 ans ont bénéficié d’un frottis dans les 3 ans) tandis que l’indicateur du cancer colorectal baisse de 1 point : en 2018, seuls 28.1% des patients MT âgés de 50 à 74 ans s’étaient fait dépister au cours dans les deux dernières années.

La part de traitements par antibiotiques particulièrement générateurs d’antibiorésistance continue de diminuer (-2.6 points) et s’établit désormais à 36.9%, contre 43.2% fin 2016 (objectif moins de 32%). Légère baisse (-0.3) également du nombre de traitements antibiotiques prescrits pour 100 patients MT de 16 à 65 ans (hors ALD) : il passe à 35.8, contre 39.5 il y a deux ans. Carton rouge, en revanche, pour l’initiation d’un traitement par benzodiazépines hypnotiques supérieur à 4 semaines : +1.5 point, soit 42.4% des patients qui démarrent ce traitement.

 

Les quatre indicateurs déclaratifs sont en progression, notamment celui relatif à l’addiction au tabac (+4.6 points). L’examen des pieds chez le diabétique gagne 1 point, à 88.7%. Un résultat en contradiction avec les récents propos d’Agnès Buzyn sur Egora : “Aujourd’hui, 9 000 patients diabétiques sont amputés d’un membre chaque année en France ; c’est l’une des proportions les plus élevées des pays développés. Une grande partie est évitable. On peut faire mieux. On peut réfléchir à un parcours coordonné, vérifier la qualité des pratiques”, a assuré la ministre de la Santé, justifiant la mise en place prochaine, dans la lignée du rapport Aubert, d’un paiement à la qualité des professionnels de santé. Le modèle n’est autre que celui de la Rosp, qui a permis selon Agnès Buzyn d’identifier et de valoriser “les bonnes pratiques”. La ministre de la Santé a par ailleurs tenté de rassurer les libéraux, qui s’inquiètent de voir augmenter la part des paiements au forfait dans leur rémunération globale. “Forfaitisation ne veut pas dire baisse de rémunération”, assure-t-elle, “c’est un plus”.

 

 

Les résultats du volet concernant le suivi des pathologies chroniques sont plutôt favorables, selon la Cnam : les deux indicateurs de dépistage de la maladie rénale chronique sont en “forte progression”. Ce sont ainsi plus de 100 000 patients diabétiques et 210 000 patients hypertendus qui ont été mieux dépistés en 2018. Seule ombre au tableau : la part des patients MT traités par AVK au long cours ayant bénéficié d’au moins 10 dosages de l’INR dans l’année a baissé de 1.2 point, à 79.1% (objectif cible égal ou supérieur à 91%).

 

Le calendrier des versements

La Rosp médecin traitant de l’adulte, des cardiologues et des gastro-entérologues sera versée du 26 au 30 avril, en fonction des banques des bénéficiaires. Celle du médecin traitant de l’enfant est attendue courant mai, tout comme le paiement du forfait structure. Mise en place le 1er janvier 2018, la Rosp des endocrinologues, diabétologues et nutritionnistes, dont le montant n’est pas connu, sera payée d’ici début juin.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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