Le traitement des troubles vasomoteurs de la ménopause est complexe du fait du manque de molécules autorisées. Les antidépresseurs ont démontré leur intérêt dans ce domaine et de nombreuses recherches sont en cours pour identifier de nouvelles cibles.

 

Les bouffées de chaleur constituent un problème majeur de la ménopause du fait de leur fréquence, ce phénomène touchant entre 50 et 75% des femmes à cette période de leur vie. Et si ce symptôme dure en moyenne 4 ans, les bouffées de chaleur peuvent persister bien plus longtemps, jusqu’à 20 ans chez 15% des femmes.

Les bouffées de chaleur représentent une vraie difficulté sur le plan thérapeutique. Mais avant d’envisager un traitement, il sera toujours utile d’éliminer les autres causes de sudation ou de thermophobie, notamment les hypo ou hyperglycémies, l’hyperthyroïdie et plus rarement certaines tumeurs neuroendocriniennes.

 

Utilité des mesures non pharmacologiques

Dans tous les cas, des mesures générales peuvent être proposées, a rappelé le Pr Nathalie Chabbert-Buffet (hôpital Tenon, Paris) lors du dernier congrès du Groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi). Cela comprend des possibilités variées telles que l’activité physique, la relaxation, la méditation, le yoga ou l’hypnose …, qui “ont fait la preuve de leur impact favorable, non pas tant sur la fréquence des bouffées de chaleur en elles-mêmes que sur leur intensité et donc leur tolérance“, précise-t-elle. A contrario, certains facteurs aggravent les bouffées de chaleur : l’alcool, certains aliments ou médicaments; ils doivent donc être recherchés systématiquement.

 

 

Concernant la stratégie médicamenteuse, “le traitement des bouffées de chaleur repose avant tout sur les estrogènes, dont l’efficacité atteint 80 à 90%”, a souligné le Nathalie Chabbert-Buffet. En dehors de ce traitement hormonal, seule une molécule, la bêta-alanine, a une indication officielle dans le traitement des symptômes vasomoteurs liés à la ménopause. Elle peut donc être utilisée chez les femmes qui sont globalement peu gênées, même si la Haute Autorité de santé (HAS) ne recommande pas ce traitement du fait de sa non supériorité au placebo. Mais il faut savoir que dans ce domaine des bouffées de chaleur, l’effet placebo est très élevé, de l’ordre de 35 à 50% selon les études, ce qui est bien supérieur à ce qui est généralement observé dans les études (20%). La bêta-alanine peut être à l’origine d’effets indésirables à type de paresthésies, dans environ 50% des cas, mais qui régressent spontanément.

La question se pose aussi des traitements couramment utilisés contre ces manifestations vasomotrices mais qui ne possèdent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication, en particulier chez les femmes qui sont très gênées au quotidien mais qui ne peuvent pas être mises sous estrogènes en raison de pathologies carcinologiques hormono-dépendantes (tous les cancers du sein et certains cancers de l’ovaire), mais aussi de pathologies vasculaires et systémiques (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, lupus sévère…).

 

Efficacité des antidépresseurs

Certains antidépresseurs ont ainsi montré un effet sur les bouffées de chaleur, même si cette action a été découverte de façon fortuite. C’est le cas de la fluoxétine, la paroxetine, la venlafaxine et la sertraline, “mais seules les deux dernières peuvent être proposées en cas de traitement par tamoxifène, précise le Pr Chabbert-Buffet. Ce sont d’ailleurs les deux molécules généralement utilisées, avec une efficacité bien documentée, de l’ordre de 60%”. Ces médicaments sont pourvoyeurs d’effets indésirables (constipation, perte d’appétit, sécheresse buccale, mais aussi anorgasmie et risque suicidaire), conduisant à commencer le traitement par de petites doses, qui seront ensuite augmentées progressivement en cas d’effet insuffisant, sous réserve d’une bonne tolérance. Du fait de l’absence d’AMM, l’information de la patiente est fondamentale. “La durée du traitement n’est pas établie. En pratique, il est poursuivi tant qu’il s’avère efficace et sans effets secondaires”, ajoute la gynécologue.

Les autres médicaments proposés dans la prise en charge des bouffées de chaleur sont la gabapentine et la prégabaline indiquées dans le traitement des douleurs neuropathiques. Plusieurs études ont montré une efficacité mais les données restent limitées et, pour le Pr Chabbert-Buffet, “leur utilisation est réservée aux bouffées de chaleur très handicapantes pour lesquelles les autres traitements sont contre-indiqués ou inefficaces”.  Un antihypertenseur, la clonidine, agoniste alpha-2 adrénergique, possède aussi une action favorable sur les bouffées de chaleur, mais son utilisation est limitée par le risque d’hypotension. De petites posologies, mais qui n’existent pas encore en France “pourraient permettre de l’utiliser avec une meilleure sécurité”, précise N. Chabbert-Buffet.

Concernant la phytothérapie, le Pr Chabbert-Buffet reste prudente. L’utilisation de phytoestrogènes a été évoquée. En effet, du fait de la similarité avec l’estradiol de ces composés non stéroïdiens produits naturellement par les plantes, ils pourraient avoir une action sur les bouffées de chaleur. Mais pour la spécialiste, ils ne sont pas plus efficaces que le placebo. En outre, ils sont contre-indiqués en cas de pathologie estrogénodépendante et sont responsables d’effets indésirables, en particulier gastro-intestinaux, deux fois plus fréquents qu’avec le placebo.

 

Plusieurs pistes de recherche

Les études sont nombreuses actuellement pour tenter de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques des bouffées de chaleur. Ainsi, outre la chute des estrogènes et une rupture de l’équilibre hypothalamique des divers neurotransmetteurs, notamment de la noradrénaline et de la sérotonine, des troubles du système régulateur de la température centrale et périphérique sont observés. Des anomalies du tonus opioïde seraient responsables d’un dérèglement du point d’équilibre thermique avec une très discrète augmentation de la température centrale et du rythme cardiaque durant la bouffée de chaleur et la vasodilatation. La mise en évidence d’une dérégulation de l’activité des neurones KNDy a ouvert la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques, avec notamment des agonistes K opioïdes et des antagonistes du récepteur de la neurokinine 1 et 3.

 

[D’après le dossier de presse du 9ème congrès du Groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi)
et la présentation du Pr Nathalie Chabbert-Buffet (hôpital Tenon, Paris).]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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