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Suppression des ECN : 5 clés pour tout comprendre

L’actuel concours de l’internat, qui conditionne l’ensemble du 2ème cycle des études de médecine, a vécu ses dernières heures. Trop théorique, trop spécialisé, trop décisif, ce mode de sélection, source d’angoisse majeure pour les externes, est collectivement décrié. Missionnés par les ministères suite au fiasco de l’édition 2017, le Pr Jean-Luc Dubois-Randé et Quentin Hennion-Imbault formulent 13 propositions pour sortir “du tout ECNi” dans un rapport qui vient d’être publié.

 

Pourquoi cette réforme ?

22 juin 2017. Les 8 960 étudiants en médecine de 6ème année posent enfin leur tablette. La 2ème édition des épreuves classantes nationales s’achève dans la douleur. Elle a été marquée par l’annulation et la recomposition de deux épreuves pour cause de sujets “recyclés”. Sur les réseaux sociaux, les externes crient leur mal-être. C’est le 2ème cycle tout entier, “corseté par l’ECN”, qui est remis en cause.

Le 2 août, les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé confient une mission au Pr Jean-Luc Dubois-Randé, alors président de la Conférence des doyens de facultés de médecine, et à Quentin Hennion-Imbault, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf). Le doyen et l’étudiant sont chargés de mener une réflexion globale sur l’organisation du 2ème cycle et sur l’entrée en 3ème cycle, ainsi que sur “les options possibles pour sortir d’une orientation couperet par l’ECN”.

 

 

Quels objectifs ?

“Le fil conducteur de cette mission a été, objectivement, de sortir du tout ECN”, reconnaissent les auteurs du rapport, rendu en décembre 2017.

Plus globalement, il s’agit d'”adapter la formation des futurs médecins aux bouleversements majeurs que connaît notre système de santé”. La mission formule 13 propositions en ce sens.

Préparant au 2ème cycle, le 1er cycle doit accorder une place plus importante à la sémiologie, au raisonnement clinique et scientifique, aux sciences humaines et à la médecine générale. “Le système actuel est basé sur un apprentissage quasi-exclusif du métier de praticien en CHU, une découverte tardive et très minimale de l’exercice de la médecine générale au cabinet, omettant tous les autres métiers de praticiens, d’exercice hors soins, ou du métier de médecin-chercheurr”, déplorent les auteurs du rapport. Les carabins doivent découvrir les différents modes d’exercice et le plus tôt sera le mieux : la mission propose ainsi l’organisation d’un stage en médecine générale, “l’exercice médical le plus courant”, dès la 2ème année.

Face à “l’inflation majeure des connaissances attendues des étudiants, atteignant un niveau d’hyper-spécialité” digne du 3ème cycle, les auteurs proposent de recentrer le 2ème cycle sur “les connaissances socles”, communes à tous les exercices. Ce qui impose une “fonte drastique des référentiels” et un renforcement de l’approche par compétences.

Autre propositions phares : généraliser les stages à temps complet pour intégrer “plus activement” les étudiants dans le soin, et diversifier l’offre de stages : cabinets de ville, centres hospitaliers non universitaires, mais aussi structures médico-sociales, MSP, PMI, médecine du travail, médecine scolaire, voire industrie des produits de santé… et médias médicaux.

Axe important : la personnalisation du parcours professionnalisant, en lien avec les besoins du territoire. Des cellules “initiative territoire” informeront les étudiants des possibilités d’installation dans la région. L’engagement vers des parcours spécifiques (recherche, management, économie…) sera favorisé.

Enfin, la mission milite pour une 6ème année pré-professionnalisante, toute entière consacrée aux stages cliniques. Au préalable, il faut la libérer de la “contrainte du bachotage”.

 

Que reproche-t-on aux ECNi ?

“Collectivement” décrié, “ce système de régulation a montré plusieurs faiblesses”, soulignent les rapporteurs: “sanctuarisation” des connaissances théoriques et hyperspécialisées comme unique critère de sélection, absence de prise en compte du projet professionnel (le classement est “le seul déterminant des perspectives professionnelles de l’étudiant”), effet “couperet” “délétère d’un point de vue psychologique”.

Mais tout n’est pas “à jeter” dans les ECNi, relèvent-ils. L’annonce de leur suppression prochaine, faite dès octobre par le Pr Dubois-Randé, avait d’ailleurs alarmé bon nombre d’étudiants. Car les ECNi, qui reposent sur une ventilation nationale des postes d’interne, restent un garde-fou contre le favoritisme en garantissant une certaine égalité des chances. Sans oublier les progrès techniques accomplis grâce à l’informatisation des épreuves.

 

Quelle alternative ?

Un système qui pallie les faiblesses des ECN, tout préservant ses forces. Pour le trouver, les membres de la mission ont passé au crible les différentes organisations de l’entrée dans le 3ème cycle mises en place à l’international. Verdict : c’est la loi de l’offre et de la demande qui domine. L’étudiant propose une candidature là où il souhaite aller et il est sélectionné (ou pas) par la structure en fonction de critères qui lui sont propres.

C’est au Canada que la mission Dubois-Randé/Hennion-Imbault a trouvé ce qu’elle considère être comme la meilleure alternative possible : un algorithme de “matching”.

Exit le critère unique de sélection, place à un “trépied” : connaissances théoriques, compétences cliniques et relationnelles, et projet professionnel de l’étudiant, reflété par son parcours.

Concrètement, “les étudiants formulent des vœux pour postuler sur les différents postes d’internes ouverts”, explique le rapport. “Un classement est édité pour chaque poste (selon des pondérations qui lui sont propres) et un algorithme permet la répartition des étudiants sur les postes en fonction de l’adéquation entre les profils et les postes.”

L’évaluation des connaissances se ferait sur la base d’un contrôle continu et de deux épreuves terminales sur le modèle des ECNi : la première, au terme du premier semestre de DFASM2 (5ème année), porterait sur les connaissances socles ; la seconde, au terme de l’année, sur les connaissances approfondies et le raisonnement clinique avancé.

L’évaluation des compétences reposerait sur le portfolio numérique d’apprentissage et sur des Ecos (examen clinique objectif structuré).

Le parcours de l’étudiant serait valorisé en le traduisant par “un score de parcours”, calculé sur la base de ses expériences disciplinaires et professionnelles.

La procédure réelle de matching, organisée par vague, ne démarrerait qu’en fin de DFASM3 (6ème année), mais les vœux seraient formulés dès le début de l’année pour que l’étudiant puisse “ajuster” son projet en fonction de son positionnement. Les classements par poste sont établis à partir des scores de chaque candidat, pondérés en fonction du référentiel propre à chaque poste.

 

Quel calendrier ?

Les premières mesures (stages de découverte de MG en deuxième année, mise en place du portfolio de compétence en 4ème année…) seraient mises en œuvre à la rentrée 2018/2019. Les nouveaux externes passeraient les ECNi comme prévu en 2021. C’est la promo suivante, qui entamera l’externat à la rentrée 2019/2020 qui essuierait les plâtres du matching en 2022, mais avec un classement unique traditionnel, sans pondération. “La forme finale” est attendue pour 2023. Mais tout dépend des arbitrages qui seront rendus par le Gouvernement.

 

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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