Dans le contexte d’une insuffisance d’efficacité des médicaments actuellement indiqués dans la maladie d’Alzheimer (MA), comme l’a jugé en 2016 la Haute autorité de Santé (HAS), et alors que l’on s’attend à l’annonce prochaine de leur déremboursement, la HAS veut faire porter les efforts sur la prise en charge non médicamenteuse de la MA et des maladies apparentées.

 

En effet, si on peut légitimement se poser la question de l’intérêt de diagnostiquer une maladie si on n’a aucun traitement à proposer, la HAS répond que le diagnostic est indispensable pour “mettre en place un parcours de soins et d’accompagnement adapté, avec des interventions visant le maintien d’une autonomie fonctionnelle des personnes, leur bien-être ainsi que le soutien de l’entourage dans son rôle d’aidant”. C’est pourquoi, elle publie, dans le cadre du Plan maladie neurodégénérative 2014-2019, un ensemble de recommandations sous la forme d’un guide accompagné de fiches pratiques sur le parcours de soins et d’accompagnement des personnes malades et de leurs familles. Son objectif est “de proposer aux professionnels des repères précis et des outils pour la mise en œuvre de soins et d’aides adaptés dès les premiers signes jusqu’aux stades sévères de la maladie”.

 

 

Le guide comprend 7 chapitres qui correspondent aux étapes critiques et aux objectifs clés du parcours :

1. Repérer les premiers signes d’un trouble neurocognitif en médecine générale
2. Etablir le diagnostic étiologique et définir les objectifs thérapeutiques de la prise en charge en consultation mémoire
3. Préserver un niveau d’autonomie et de bien-être
4. Préserver l’entourage et soutenir la fonction d’aidant
5. Adapter le suivi médical des patients vivant avec un trouble neurocognitif
6. Prendre en charge les troubles chroniques du comportement
7. Soigner aux stades sévère et très sévère de la maladie.

Il est accompagné de 19 fiches pratiques qui permettent d’aller plus loin, sur des thèmes variés comme : “Les tests de repérage en médecine générale”, “Communiquer malgré les troubles de la mémoire et les troubles du langage”, “Les mesures de protection juridique”, ou “Les soins au stade ultime de la maladie”.

 

Un diagnostic pas toujours évident

La précocité du diagnostic apparait fondamentale à plusieurs titres. Tout d’abord, elle permet à la personne malade d’être pleinement active dans sa prise en charge : cela s’exprime par le fait de “choisir une personne de confiance, de participer aux décisions qui concernent sa santé ou son mode de vie et d’exprimer sa volonté avant que les troubles cognitifs ne soient trop sévères”. C’est le médecin généraliste qui va généralement objectiver les premiers signes de la maladie. Ce qui n’est pas toujours facile. En effet, les troubles de la mémoire ne sont pas systématiquement présents au début ; parfois ce sont des troubles du langage qui apparaissent au premier plan, ou encore des changements de caractère d’activité ou de comportements, qui peuvent précéder de plusieurs années les troubles cognitifs. Le praticien va ensuite documenter le déclin cognitif, et orienter la personne vers un spécialiste dans le cadre d’une consultation mémoire, afin de confirmer le diagnostic et déterminer la maladie en cause. En effet, “la maladie à corps de Lewy, les dégénérescences lobaires fronto-temporales ou les troubles neurovasculaires sont des maladies dites apparentées à la maladie d’Alzheimer mais elles présentent des spécificités qui impactent la prise en charge”. Un bilan neuropsychologique et fonctionnel approfondi sera réalisé.

La prise en charge des malades est variable et adaptée à la personne, à son entourage et à son mode de vie. Elle dépend du stade de la maladie, du lieu d’habitation du patient (au domicile ou en institution). Les options sont multiples. La HAS insiste, en particulier, sur l’importance de l’activité physique et de la correction de troubles visuels ou auditifs : “il est essentiel de maintenir une activité motrice par des exercices physiques adaptés et de corriger tout déficit sensoriel dès le début de la maladie”. Les autres facteurs protecteurs seront aussi mis en avant : contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire, vie sociale. Le suivi du patient devra être “proactif “car les patients atteints de MA ou apparentées” sont rarement demandeurs de soins” précise la HAS. Dans ce contexte, le praticien devra être particulièrement attentif au moment de la prescription de certains médicaments (effet anticholinergique, iatrogénie) et à en sécuriser les prises. Tout au long du suivi, des aides peuvent être utiles au médecin traitant : il peut par exemple “s’appuyer sur un suivi infirmier notamment au domicile pour évaluer l’état de santé global, et solliciter sans délai un avis spécialisé tout au long de l’évolution de la maladie” ajoute la HAS.

 

Préserver les aidants

La HAS insiste aussi sur la nécessité de préserver l’entourage et soutenir l’aidant. Il sera ainsi utile d’évaluer régulièrement, directement ou indirectement (par un infirmier), la charge liée à la fonction d’aidant, d’être attentif à sa propre souffrance psychique, et aux éventuels signes de rupture, et de lui fournir, le cas échéant, des formations, des aides, ou encore une période de répit ou un suivi médical.

Enfin, le guide vise à lutter contre la stigmatisation des malades et de ces maladies y compris chez les professionnels de santé.

 

[Avec HAS, 25 mai 2018]

 

Les syndicats avaient conseillé de ne plus prescrire ces médicaments dès 2016

C.L B

La décision de Marisol Touraine, de maintenir le remboursement des médicaments contre la maladie d’Alzheimer, contre l’avis de la Haute autorité de santé, a conduit les syndicats médicaux et le Collège de médecine générale, à conseiller de ne plus les prescrire dès novembre 2016.

En octobre 2016, Marisol Touraine décidait de maintenir quatre médicaments contre la maladie d’Alzheimer au remboursement : Aricept, Ebixa, Exelon et Reminyl (ainsi que leurs génériques), contre l’avis de la Haute autorité de santé. “Il n’y aura pas de déremboursement dans l’état actuel des choses” avait tranché la ministre, expliquant qu’elle voulait que soit d’abord mis en place “un protocole de soins”. Bien que les SMR de ces médicaments aient été jugés insuffisants par la commission de transparence, la ministre a été sensible aux arguments des associations de patients, qui demandaient leur maintien dans l’arsenal thérapeutique, à défaut d’un autre type de prise en charge.
Un mois après la décision ministérielle, les trois syndicats signataires de la convention de l’époque : la FMF, le Bloc et MG France, enjoignaient leurs mandants dans un communiqué commun, à ne plus prescrire ces médicaments qui n’avaient pas apporté la preuve de leur efficacité, alors que leurs effets secondaires étaient bien connus des médecins de terrain.
Très rapidement, le Collège de médecine générale (CMG) est entré dans la polémique en critiquant à son tour la décision du ministère de la Santé, prise contre l’avis de la HAS, alors que “le rapport bénéfice risque ” de ces produits (…) est connu par la communauté médicale depuis des années.”
Ces instances avaient bien évidemment présentes à l’esprit le risque d’éventuels procès en responsabilité civile qui auraient pu menacer les prescripteurs, au vu de la toxicité des produits incriminés, susceptibles d’induire, comme le redoutait le Dr Claude Leicher, “un nouveau scandale de santé publique”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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