“Ma carrière de médecin m’a préparé à cette mission.” Depuis cinq ans, ce généraliste à la retraite assiste le prêtre exorciste dans sa tâche, lui apportant le regard médical nécessaire face au mal qui ronge ceux qui demande son aide. Car derrière la souffrance, se cachent parfois des malades non diagnostiqués ou des patients pris dans l’engrenage des charlatans. Il témoigne anonymement.

 

“J’ai été généraliste pendant 40 ans. J’exerçais seul en cabinet et en plus de mon activité, j’étais expert auprès de la Cour d’appel pour les séquelles de traumatismes graves et les pensions d’invalidité. J’étais syndiqué à la FMF, j’ai siégé à la CPAM, au CDOM… Puis j’ai pris ma retraite en 2012.

 

Un jour, le vicaire m’a proposé de faire partie du groupe exorcisme

Catholique pratiquant, j’avais également pas mal d’engagements dans le diocèse, en particulier dans une maison qui accueille des femmes enceintes à la rue et dans un groupe de réflexion bioéthique avec des amis médecins. Un jour, le vicaire général m’a proposé de faire partie du groupe exorcisme du diocèse en tant que médecin généraliste. J’ai accepté tout de suite. C’était il y a cinq ans.

 

 

Dans l’équipe, nous sommes huit. Il y a le prêtre exorciste du diocèse qui est nommé par l’évêque, un moine bénédictin, un prêtre d’origine africaine qui exerce son ministère dans le département, deux psychologues dont une religieuse, un psychiatre et moi. C’est une bonne chose qu’il y ait… cet équilibre entre religieux et médical… il y a besoin d’un discernement, d’un côté comme de l’autre.

 

Deux demandes par jour

Le prêtre exorciste reçoit en moyenne deux demandes d’entretiens par jour, soit qui lui sont adressées directement -car il commence à être connu, soit par l’intermédiaire d’un prêtre des paroisses. Quand il estime que c’est nécessaire, il sollicite la présence d’un membre de l’équipe. Une à deux fois par trimestre, je l’accompagne donc en entretien.

J’ai l’impression de me retrouver dans mon cabinet. Le mot principal, c’est l’écoute. Les gens peuvent parler une heure ou deux de leurs problèmes, de ce qu’ils ressentent. En fonction de ce qu’ils nous disent, de leur besoin, on pratique majoritairement une prière de délivrance ou, beaucoup plus rarement, le rituel de l’exorcisme.

Parfois à l’issue de l’entretien, on les invite à consulter. Nous, de par notre formation, on ne pose pas les mêmes questions que le prêtre. On sent très bien s’il y a une maladie ou un problème psychique derrière la possession ou le sort dont les gens se disent être la cible. On les interroge sur leur passé… et on s’aperçoit qu’ils prennent des… médicaments ou qu’il y a eu un traumatisme crânien avec 3 mois de coma, ce qui laisse des séquelles. C’est arrivé. J’ai aussi rencontré des cas psychotiques sévères non dépistés.

 

Spiritisme, messe noire…

Nous sommes confrontés à la souffrance des gens, la vraie. A la souffrance physique, psychique, familiale, sociétale. Et à la peur de la mort. J’ai vu des gens qui se mettaient à crier lorsque l’on disait une certaine prière. Mais j’ai surtout vu des sourires se détacher d’un visage souffrant. Je pense que si ces gens sont possédés, c’est surtout par le mal et la douleur. Et les écouter leur fait déjà beaucoup de bien.

 

 

Une fois, j’ai accompagné le prêtre dans une clinique pour rencontrer une jeune femme qui y était hospitalisée. Elle s’était jetée par la fenêtre et avait de multiples fractures. Elle souffrait d’une dépression grave et profonde et se croyait possédée. Le prêtre lui a proposé une prière de délivrance. Là, on a vu le visage de cette femme s’apaiser. Cet apaisement, il est très marquant ; je l’ai vu plusieurs fois. On en fait pas autant en médecine ! Est-ce que ça marche ? En tout cas, souvent les gens ne nous recontactent plus.

On est le dernier recours. Ces gens sont rentrés dans l’engrenage des… gourous, des guérisseurs qui les persuadent que le Mal est en eux, qu’ils sont possédés. Ils paieraient n’importe quoi pour être délivrés : spiritisme, messe noire…

 

Je n’arrive pas à me dire : “là, il y a vraiment le diable”

Une fois ou deux par an, j’assiste à un rituel de l’exorcisme. Il y a des étapes : plusieurs prières, la bénédiction, l’imposition des mains – qui souvent aide beaucoup les gens. Nous, on n’intervient pas directement, mais seulement s’il y a besoin de maitriser les gens. Il est arrivé que les gens crient, qu’ils frappent ou qu’ils fassent voler les objets à travers la pièce… Il faut être vigilant.

A l’issue de ces rendez-vous, on oriente toujours : soit vers le prêtre de la paroisse, soit vers une psychologue ou un médecin. Il ne faut pas que ces personnes se sentent abandonnées. On les voit parfois revenir un, deux ou trois ans après. Tous les deux mois, l’équipe se réunit pour échanger sur les différents cas.

Ai-je été témoin d’une vraie possession ? Moi j’ai toujours un doute. Ça doit être le métier qui veut ça. Je n’arrive pas à me dire : “là, il y a vraiment le diable”. Pour moi, c’est d’abord du mal et de la souffrance. Ça me suffit. J’ai l’impression de faire du bien. De toute façon, devant le mal on ne peut faire que du bien !

Ma carrière de médecin m’a préparé à cette mission. La seule différence pour moi, c’est que je ne fais pas d’ordonnance.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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