C’était sa deuxième Paces. Samuel, 19 ans, a décidé il y a quelques jours de tout arrêter. “Ma santé mentale était en jeu”, lâche-t-il. Trop de pression, trop de travail… et trop d’alcool. Pour dormir, pour tenir. La bouteille descendue un lundi, à 11 heures du matin, a été celle de trop.

 

“Lundi, j’ai pris la décision d’arrêter la Paces. Ma santé mentale était en jeu. Ce jour-là, je me suis mis à picoler à 11 heures. Et j’ai bu une demi bouteille d’alcool fort avant 13 heures. Là, j’ai dit j’arrête. Avant, je buvais pour dormir. J’arrêtais de bosser mes cours à 21h30 et je me mettais à boire. Après trois verres j’allais me coucher. Mais, là je me suis dit que ça allait trop loin.

C’était ma deuxième Paces. J’ai passé le bac il y a un an et demi. C’était un bac sciences et techniques de l’industrie et du développement durable. Pas du tout un bac prévu pour la Paces, mais je me suis quand même lancé.

 

 

En septembre de ma terminale, j’ai été percuté par une voiture et j’ai vu tout ce que la médecine pouvait faire. A l’hôpital, je m’ennuyais, donc j’allais discuter avec les gens de la chambre d’à côté, les soignants… Moi qui ai toujours eu de grosses difficultés existentielles, à me demander à quoi sert la vie, c’était un moyen de me dire que je pouvais aider les gens. Je me suis dit qu’en faisant de la médecine, je servirai à quelque chose. C’est comme ça que je me suis décidé à faire une Paces.

Au début, ma mère m’avait suggéré de faire une première année de licence en biologie pour être sûr. Mais je suis têtu comme une mule. J’ai décidé de me lancer quand même directement dans la Paces. J’ai dû changer de ville. J’avais envie de quitter le cocon familial. C’est quand j’ai commencé à me retrouver tout seul que je me suis rendu compte à quel point c’était difficile. Les premiers mois, le défi c’était de réussir à être un adulte normal et manger autre chose que des pâtes 28 fois par semaine.

La première fois, j’ai présenté les concours de médecine et sage-femme. Je les ai loupés. Cette année, je pensais présenter le concours de pharmacie. J’en étais venu à la conclusion que je n’aurais pas tenu mentalement ni en médecine ni en sage-femme. La pharmacie, avec les cursus de recherche, était quelque chose où je pensais m’épanouir beaucoup plus. C’était ce concours-là que je souhaitais présenter cette année, mais la pression de la Paces a été trop forte. Je ne pouvais plus.

 

 

J’étais dans une grosse phase de doute. Je me suis dit qu’il valait mieux que j’arrête pour éviter de me tirer une balle avant la fin de l’année. J’ai tenu tout mon premier semestre de la deuxième Paces en buvant régulièrement pour m’aider à dormir. J’ai été suivi par un psychiatre qui m’a mis sous olanzapine, et il m’arrivait encore quelques fois de boire pour m’aider à supporter le quotidien. J’étais instable mentalement. Certains jours, j’étais euphorique. D’autres jours, j’étais au fond du trou et je passais mon temps à pleurer.

Je me mettais une grosse pression par rapport aux cours. Et je n’ai pas eu les résultats que j’attendais. C’est la quantité de travail qui m’a usé. Je ne faisais que ça. Je n’avais pas le temps d’avoir des loisirs. Quand j’essayais d’aménager du temps pour moi, je culpabilisais de ne pas être en train de bosser. En entendant parler des récents cas de suicide en Paces bien sûr, j’ai été affecté. Je n’en étais pas au point de me dire que je pouvais faire partie d’entre eux, mais ça m’a affecté.

Même s’il y avait de la compétition entre les étudiants, j’ai eu la chance de rencontrer des amis en Paces qui m’ont tiré, soutenu, jusqu’à la fin du premier semestre. Ça m’a aidé à ne pas faire de bêtises.

Je suis allé voir sur le site de la médecine universitaire et j’ai vu qu’ils avaient un psychiatre. Un jour où je devais aller me faire retirer des points de suture, j’en ai profité pour parler à l’infirmière. Elle m’a mis en premier sur la liste d’attente du psychiatre et dans la semaine j’avais un rendez-vous.

 

 

Ça faisait trois, quatre semaines que j’hésitais vraiment. J’ai vraiment pris la décision d’arrêter ce lundi. Quand j’ai bu une demi-bouteille à 11 heures du matin. Et au moment où, en me réveillant, j’ai vu que deux de mes amis avaient forcé ma porte pour entrer chez moi, parce qu’ils s’étaient inquiétés. Là, je me suis dit qu’il fallait que je lâche.

Tant pis, peu importe. Je sais bien que j’ai déçu certaines personnes de mon entourage. Certains pensaient que je pouvais aller jusqu’au bout, plusieurs m’ont encouragé à tenir encore deux mois… mais moi je sais que je n’en suis pas capable. Il faut que j’arrête de picoler 24 heures sur 24 pour tenir.

Quand j’ai annoncé à l’une de mes amies que j’arrêtais, elle m’a dit “moi aussi j’y pense”. Je lui ai conseillé de faire ce qui était le mieux pour elle. Elle est bien classée en plus. Je prends la décision pour moi, mais je ne peux pas donner des conseils aux autres. La pire erreur, c’est de rester seul. Il faut en parler. A un moment, il faut oser prendre du temps pour soi, se sentir mieux et faire le point.

Ce ne sont pas deux années totalement foutues en l’air. Elles ont malgré tout été enrichissantes. J’ai appris à travailler. A travailler vraiment. J’ai appris à me prendre en main. J’ai beaucoup appris sur moi. J’ai appris les limites de ma résistance mentale. J’ai appris aussi à subir, à encaisser et à persévérer malgré tout. Je ne serai pas allé jusqu’au bout, mais j’aurai persévéré jusqu’où j’aurai pu et jusqu’où ma santé mentale me l’aura permis.

Depuis que j’ai pris ma décision, je me sens beaucoup plus léger. Je suis libéré d’un poids. C’est phénoménal. A certains moments je doute encore, je me demande si j’ai fait le bon choix. Mais quand je repense à mon état mental de ces derniers jours, je me dis que j’ai fait le bon choix. Je suis passé de “Je n’en peux plus, j’en ai marre de ma vie” à “C’est bon, c’est une phase difficile mais tu peux avancer”.

Maintenant, je vais rentrer dans ma famille. Je vais me reposer, essayer d’avancer sur d’autres projets, sur mon code, mon permis, trouver un job pour l’été… Je vais prendre du temps pour moi et arrêter de culpabiliser quand je ne fais rien. Je vais garder un suivi psychiatrique, j’ai envie de creuser un peu plus loin. Je vais reprendre des études d’informatique en septembre.

Ce concours peut permettre à certaines personnes de se révéler. Certains ont totalement survolé le concours alors qu’ils ne s’en pensaient pas capables. Et il y en a d’autres, comme moi, qui mettent du temps à se rendre compte que ce n’est pas pour eux.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

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