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Désert : l’étonnante solution d’une députée qui ulcère les médecins

Elle pensait plaire et trouver une solution pour endiguer le problème de la désertification médicale. La député LREM de l’Oise a réussi le tour de force de se mettre les médecins de sa circonscription à dos, juste en essayant de trouver une solution.

 

“Un jour j’ai eu une idée folle. Mettre des médecins dans un camping-car qui se baladerait pour pouvoir soigner tout le monde”, a lancé dans un éclat de rire la député LREM de l’Oise, Agnès Thill. “Je sais bien que cela fait un peu Far-West mais on peut tout de même y penser”, a poursuivi l’élue.

 

Médecine foraine

Bien consciente que l’idée du camping-car n’est pas vraiment réalisable, Agnès Thill a reporté ses attentes sur le projet d’un bus santé qui sillonnerait sa région, déficitaire en médecins. “Je sais qu’il existe déjà des bus santé, notamment dans le Loiret mais il est vrai qu’ils ne font que de la prévention. Moi j’aimerais qu’il soit possible de soigner”, a commenté Agnès Thill, ex-enseignante et directrice d’école primaire.

“Ça me fait doucement rire”, s’est agacé le Dr Xavier Lambertyn, médecin généraliste à Lachapelle-aux-Pots et élu URPS des Hauts-de-France. Le praticien tient d’abord à rappeler que cette solution du bus santé est illégale. “Le conseil de l’Ordre a déjà retoqué un projet de bus similaire en 2011 au motif que cela été considéré comme de la médecine foraine, ce qui est interdit”.

Au-delà de l’aspect réglementaire, c’est l’idée simpliste d’un bus pour résoudre la problématique de la démographie médicale qui irrite le généraliste. “Cette élue s’aperçoit tout juste que nous sommes en difficultés démographiques. Elle ne se soucie pas des médecins mais uniquement de son électorat. Elle n’a aucune connaissance du terrain”, fustige-t-il.

En pratique l’idée lui semble également relever du “bricolage”. “Vu le nombre de communes rurales du secteur, il va falloir prévenir les gens qu’ils devront tomber malades uniquement les jours de passage du bus”, ironise le Dr Lambertyn. “Combien, cela va-t-il coûter ? Quel sera le suivi des patients ? Où seront rangés les dossiers médicaux ?”, s’interroge-t-il.

 

“Les médecins sont contre et je ne sais pas pourquoi”

La députée reconnaît n’avoir aucune réponse pour l’instant aux questions du généraliste mais elle souhaite s’y pencher. Toutefois, elle ne comprend pas la levée de bouclier des médecins de terrain. “Les médecins sont contre et je ne sais pas pourquoi. Cela ne va pas leur prendre de clients. Je suis d’accord qu’il s’agit de bricolage mais parfois cela peut s’avérer utile. Cela pourrait éviter que des patients atterrissent aux urgences”, analyse Agnès Thill.

Les praticiens locaux reprochent également à l’élue l’absence totale de concertation. “Je n’ai jamais vu cette députée. Je constate un énorme manque de cohérence de sa part. Quand je veux poser un diagnostic, j’interroge d’abord le patient. De son côté elle pose son diagnostic sans n’avoir jamais rencontré les professionnels”, fulmine le Dr Lambertyn.

 

 

D’autant que le jour où il a découvert dans la presse l’idée de bus santé de la députée, il sortait tout juste d’une réunion pour la mise en place d’un contrat local de santé dans le Beauvaisis destiné attirer de futurs médecins. “Nous étions une cinquantaine autour de la table, de la maire de Beauvais, en passant par la directrice de l’ARS, le conseil départemental, les directeurs des hôpitaux locaux… C’était une très bonne initiative. Cependant la députée n’était pas présente”, pointe-t-il en dénonçant un “affligeant manque d’exercice politique coordonné”.

 

“Il faut que chacun y mette du sien”

Agnès Thill regrette de ne pas avoir été conviée à cette réunion mais prévient qu’elle a d’ores et déjà prévu de rencontrer la directrice de l’ARS avant le 10 avril prochain. Elle compte également prendre rendez-vous avec les médecins de terrain et avec le conseil de l’Ordre. “C’est en mettant toutes les intelligences autour de la table que l’on parviendra à trouver une solution. Il faut que chacun y mette du sien”, avertit-elle. Manifestement, les médecins y avaient déjà pensé…

 

Médecins volants : des médecins ont déjà planché sur le sujet

Auteur : C.L B

Co-créateur de la plateforme SPS qui vient en aide aux professionnels de santé en souffrance, le Dr Eric Henry est ancien président du SML. A ce titre, il fut initiateur du concept de médecin volant, un système traduit ultérieurement dans la convention médicale, où un médecin généraliste volontaire d’une commune non déficitaire démographiquement, accepte de faire des vacations dans une commune sans médecin. Il réitère cette idée dans le nouveau développement de SPS, le “care des territoires oubliés”.
Au-delà d’une plateforme qui permettrait aux patients sans médecins, d’entrer en contact avec un médecin et des professionnels de santé susceptibles de faire des visites, le “care” imagine la mise en œuvre d’unités mobiles de médecins de toutes les spécialités, agissant seuls ou en interprofessionalités, en équipe, dans des trains ou des bus. L’idée est de remettre en service des locaux non utilisés pour recevoir des patients, accompagner ces soignants en exercice mobile, est-il développé dans le dossier de presse du “care des territoires oubliés”.
La mobilité médicale est envisagée par période de 3 à 15 jours, elle est basée sur la pluridisciplinarité et vise les soins et la prévention, ainsi que l’éducation thérapeutique. Pressentis pour cette mobilité : les jeunes étudiants en santé en service national, pour la prévention, les remplaçants, les retraités et les médecins installés désireux de sortir de leurs cabinets pour le soin.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

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