135 euros de PV pour une visite rémunérée 40 euros, c’est cher payé, s’agace le Dr Gilbert Terrades. Surtout quand les amendes sont régulières. Installé au Mans, le généraliste menace la mairie de venir travailler en vélo. Et donc de ne plus assurer les visites. Il dénonce une politique répressive et aveugle.

 

 

 

“J’en ai assez de me faire verbaliser alors que je suis auprès de mes patients. J’ai eu trois PV de 135 euros assez rapprochés ces derniers mois. A 40 euros la visite, ça ne vaut plus le coup de travailler. J’ai écrit une lettre au maire pour lui dire que j’allais cesser de venir au cabinet en voiture pour éviter les problèmes. Mais en contrepartie, je ne pourrai plus faire de visites. Le Mans est une ville assez étendue, et je vais dans les petits villages alentours où on ne trouve pas de médecins pour les personnes âgées.

 

Fureur de verbaliser

Pendant un certain temps, j’ai demandé des indulgences. Ça veut dire “Excusez-moi monsieur, je travaillais, j’étais auprès d’un malade, faites-moi sauter mon PV”. Mais ça me donne l’impression de devoir m’excuser de travailler.

Donc maintenant, quand je suis verbalisé, je paye et je râle après. Je ne râle pas pour faire sauter mon PV, mais parce que je trouve complètement anormal de se faire verbaliser en tant que médecin quand on va auprès de patients qui ne peuvent pas se déplacer et qu’il n’y a pas de places de stationnement. Est-ce qu’il faut qu’on arrête de soigner les gens ? Les visites représentent largement un tiers de mon activité.

Il faut dire que la mairie loue une voiture équipée de six radars, qui ne fait pas la part des choses entre un stationnement très bref et quelqu’un de malfaisant, qui allume tout le monde sans se poser de questions… Et ils mettent toujours “stationnement très gênant”, ce qui permet de facturer 135 euros. On dirait que c’est la fureur de verbaliser. Il y a la fureur de vivre, eux c’est la fureur de verbaliser.

 

Tirer sur tout ce qui bouge

Le chef des agents municipaux est d’une rigidité à toute épreuve, et a décidé qu’on ne discutait pas avec les gens mal stationnés. Une fois, je suis tombé sur un type qui était en train de me verbaliser, je lui ai dit que je sortais de chez une patiente, j’étais sur une place qui ne gênait pas trop… Il n’a rien voulu savoir, a dit que c’était mon problème. Non, ce n’est pas mon problème, c’est le problème de la personne que je vais soigner. On se heurte à une grande rigidité. Ils sont briefés pour tirer sur tout ce qui bouge.

J’ai écrit à un commandant de la police. Il m’a dit qu’il allait en parler à ses collègues et qu’il allait essayer de sensibiliser les agents de la municipalité, mais que ce serait plus compliqué parce qu’ils sont gérés par quelqu’un d’obtu.

J’ai aussi écrit au maire, qui m’a répondu “on enquête”. Et là-dessus, j’ai repris deux PV en peu de temps ! Donc je me suis dit qu’ils me prenaient vraiment pour un “con”. Ça a commencé à m’énerver. Puisqu’ils ne veulent rien comprendre, j’ai écrit cette lettre sous le coup de la colère. J’ai envoyé une copie aux journaux locaux, au préfet, au commissaire de police, j’ai même écrit au Canard Enchaîné et à Charlie Hebdo. La coupe était pleine.

La mairie a fait une réponse au Conseil de l’Ordre des médecins. Ils se sont engagés à suspendre la voiture qui allume tout le monde.

 

Faire des économies sur les retraites et la Sécu

J’ai aussi eu une réponse d’un “abruti”, responsable des vélocipédistes. Selon lui, on est des assassins à stationner n’importe comment, on prend en otage les patients… Refuser de travailler à perte, c’est prendre les patients en otage ?

Ça me gonfle. J’ai 67 ans, je suis installé depuis 1981. Je finis à 22 heures, parfois à minuit. J’essaye de rendre service à la population. J’avais décidé de ne pas prendre de nouveaux patients, mais j’ai du mal quand je vois les gens en difficulté. Et si en plus, on doit se faire verbaliser quand on rend visite aux personnes âgées, j’ai du mal à comprendre la logique. A moins qu’ils aient décidé de ne plus soigner les personnes âgées pour faire des économies sur les retraites et la Sécu…

Il y a trois maisons de retraite au Mans, qui n’ont pas de places de stationnement. A chaque fois que j’y vais, je risque une prune. C’est peu agaçant parce que je fais tout ce que je peux pour aider les gens, et de l’autre côté, je me fais punir. Je n’arrive pas à suivre la logique. Bien sûr, il ne faut pas faire n’importe quoi. Je veux bien qu’on priorise les vélos. Je veux bien qu’on limite le nombre de voitures, mais moi je ne peux pas travailler sans voiture. Je vais à l’autre bout de la ville, je vais à la campagne dans les maisons de retraite. J’allais voir un vieux patient qui vient de mourir, que j’ai connu au début de mon activité, qui habitait à 20 kilomètres. Il y a un côté humain qui disparaît dans notre pays. Il n’y a plus que les vieux schnocks comme nous pour faire des visites, si on arrête il n’y aura plus personne.”

 

Une mise au point entre l’Ordre des médecins et la mairie

Une réunion a eu lieu entre l’Ordre des médecins et la municipalité au sujet de la verbalisation de médecins en visite, a indiqué Christophe Cournil, adjoint au Maire en charge de la sécurité et de la vie des quartiers. “Quatre points ont été établis : la gratuité pour les médecins sur le stationnement payant, du lundi au vendredi ; les véhicules garés devant le cabinet devront payer le stationnement ; quand il est difficile de se garer, les médecins devront gêner le moins possible la circulation et une tolérance de 30 minutes sera appliquée ; cette tolérance est valable dans la zone piétonne”, a énuméré Christophe Cournil.
Interrogé sur les “indulgences” dont parle le Dr Terrades, l’adjoint assure ne pas être au courant et ne veut “surtout pas l’être”.
Enfin, la mairie s’est engagée à suspendre l’utilisation de la voiture de verbalisation. Après un essai de six mois, et une trentaine de verbalisations par jour, les services de la mairie s’interrogent sur “les conditions dans lesquelles sont mises les contraventions” et sur les moyens d’améliorer le dispositif.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

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