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Télé expertise : la CNAM a toujours des oursins au fond des poches

La télé expertise était au programme de cette troisième séance de négociations conventionnelles, à la CNAM, ce jeudi matin. Où il a surtout été question de définir le champ d’intervention du médecin requérant et du médecin expert, même si le sujet qui fâche – la rémunération de l’un et de l’autre – a été tout de même abordée. La fin des discussions est envisagée avant l’été.

 

Après la séance précédente consacrée aux téléconsultations, la discussion du jour a porté sur le cadre de la télé expertise. “Nous rendrons possible un nouvel acte dont on parle moins mais qui répond à un vrai besoin : la télé expertise” a expliqué dans Les Echos, le directeur général de la CNAM, Nicolas Revel. “Elle permet à un généraliste de faire appel à un autre médecin pour un avis de second recours sans que le patient soit forcément présent. L’objectif est d’accélérer la réponse médicale sans en passer par une consultation quand ce n’est pas nécessaire”, a-t-il expliqué.

 

Toutes les spécialités médicales sont concernées

Tel est donc le périmètre défini aux négociateurs, qui se sont retrouvés ce matin autour de la célèbre table oblongue de la CNAM, pour concrétiser cette définition qui embrasse large puisque toutes les spécialités médicales sont concernées par ce rôle de médecin expert, interrogé par un requérant qui doit être médecin. Là encore toutes les spécialités médicales sont concernées, en lien, le cas échéant, avec d’autres professions de santé.

La population concernée est la même que celle visée par les téléconsultations, à savoir des patients en ALD ou résidant dans des zones sous-denses, en Ehpad ou dans des structures médico-sociales. Pour respecter le parcours de soins, le recours à la télé expertise est organisé à la demande du médecin traitant ou d’un médecin spécialiste correspondant ayant déjà été consulté par ce patient. Mais la CNAM ne sait pas encore si on doit exiger que le patient soit déjà connu du médecin requis. Pour la CSMF, “il doit appartenir au médecin expert, de dire s’il peut consulter ou non un patient qu’il ne connaît pas”, tranche le Dr Ortiz, son président.

Les conditions de réalisation de l’acte doivent être conformes à un cahier des charges : sécurisation des données transmises et traçabilité de la facturation des actes réalisés. L’échange doit s’effectuer dans un “espace de confiance”, ce qui exclut une simple conversation téléphonique ou un échange de photos avec smartphone.

 

Télé expertise simple ou approfondie

La CNAM envisage deux niveaux de télé expertise, simple ou approfondie. Terme réfuté par Jean-Paul Ortiz, qui fait valoir qu’en médecine “il n’y a pas d’actes simples. Nos actes sont réalisés par des professionnels qui ont fait 10 ans d’étude. Le terme est mal approprié”. On en choisira certainement un autre, ultérieurement.

Dans son document de travail, la CNAM donne des exemples de situations de référence de télé expertises simples, qui correspondent à un avis rapide, donné à la lecture d’un document dans le cadre d’une situation clinique simple :

– ORL : interprétation d’un cliché de tympan, ou de pathologie amygdalienne,
– Ophtalmologie : lecture d’une rétinographie
– Pneumologie : étude d’une spirométrie
– Dermatologie : lecture de photos pour une lésion cutanée, pour suivi d’une plaie chronique d’évolution favorable
– Cardiologie : titration Beta bloquants dans l’IC
– Néphrologie : avis concernant une insuffisance rénale avec modifications biologiques faisant craindre une évolution péjorative

Situations de référence pour la télé expertise complexe :

– Surveillance cancérologique : dans le cadre de la suspicion d’une évolution loco-régionale ou métastatique,
– Dermatologie : suivi d’une plaie chronique en état d’aggravation,
– Gastro-entérologie : suivi d’évolution complexe de maladie inflammatoire ou cancéreuse,
– Neurologie : adaptation d’un traitement anti épileptique,
– Cardiologie : bilan pré chimiothérapie,
– Néphrologie : avis concernant une insuffisance rénale avec modifications biologiques faisant craindre une évolution péjorative.

 

Plusieurs options de paiement

Pour ces différents types d’expertises, la CNAM envisage plusieurs options : paiement à l’acte soit ponctuel, soit avec un plafond par patient et pour une durée précise, soit un paiement forfaitaire ou un paiement mixte, acte et forfait.

Cette rémunération du médecin requis, estime l’Assurance maladie, doit également tenir compte de la fréquence et de la complexité de l’expertise demandée : si elle simple ou complexe, ponctuelle ou récurrente dans le cas du suivi d’un patient chronique par exemple. “Nous ne sommes pas opposés à un paiement forfaitaire pour ce type de consultations d’expertises simples”, résume le Dr Claude Bronner, le président de la branche généraliste de la FMF, Union Généraliste. “On ne peut décemment demander 6 consultations de plein tarif, juste pour des images de dermatologie”, commente-t-il.

En revanche, la centrale du Dr Jean-Paul Hamon reste ferme s’agissant de l’expertise complexe : cela doit être coté APC, soit la nouvelle terminologie du C2. “Le service rendu est équivalent à un acte effectué en présentiel, avec étude de dossier long et complexe. Le tarif doit être le même”, exige le Dr Bronner. Mais la CNAM ne l’entend pas de cette oreille. Jean-Paul Ortiz, à ce stade de la discussion, conteste la fréquence imaginée par la caisse, pour les expertises complexes : 2 par médecin, par an et par patient. “Cela ne correspond pas aux situations médicales, affirme-t-il. Dans certains cas, 3 ou 4 consultations peuvent être nécessaires”. Nicolas Revel, le directeur de la CNAM, aurait noté cet argument.

 

La rémunération du médecin requérant

Néanmoins, s’agissant de la rémunération du médecin requérant, la CNAM semble dubitative, se demandant dans quels cas ce dernier doit être rémunéré, et si ses honoraires doivent être différenciés en fonction de sa mobilisation et du temps passé. En face, il y aura un mur : la FMF exige un C pour le généraliste requérant et le Dr Jacques Battistoni, le nouveau président de MG France, reste lui aussi intraitable. Expertise simple ou complexe, son syndicat exigera une rémunération identique pour le médecin généraliste requérant. “C’est le médecin requérant qui déclenche l’expertise, c’est un véritable travail, il doit être dûment rémunéré. C’est pour nous la condition de notre signature”, souligne-t-il.

On le voit, dès que le sujet de la rémunération pointe son nez, la mécanique semble moins bien huilée. Pour Nicolas Revel, selon des propos rapportés par Jean-Paul Ortiz, certains actes de téléconsultations se feront par transfert d’activité, ce qui ne coutera pas plus cher à la CNAM. Mais pour d’autres actes, la télé expertise rémunérera des situations qui ne sont pas actuellement honorées, “ce qui coûtera forcément un peu d’argent”. Ce que le Dr Bronner traduit par l’idée qu’il appartient maintenant aux syndicats de faire des propositions pour éviter le dérapage des comptes. Le problème de la prise en charge du matériel, au travers du forfait structure, est également pendant de l’issue de la négociation.

Autres engagements, moins conflictuels : la mise en place d’un observatoire de la télé expertise, pour juger de la bonne utilisation des deux niveaux d’expertise. “En plus de la Haute autorité de santé, nous voulons aussi que le collège de médecine générale s’empare de la liste des actes que l’on peut effectuer en télé expertise”, ajoute le Dr Batistonni.

Jean-Paul Ortiz exige que les médecins soient informés des conditions dans lesquelles fonctionnent les plateformes mutualistes ou assurantielles, qui commencent à se bousculer. “Nous voulons un label, prenant en compte la préservation par ces plateformes, du secret médical et la protection des données de santé. Les médecins doivent être informés”, a-t-il déclaré. Nicolas Revel a informé qu’un travail de recensement sur ces bases, en vue d’une labellisation, est en cours entre la CNAM, l’Etat et l’Asip-santé.

La prochaine séance de négociation – dans 15 jours – sera consacrée à la dépénalisation de l’augmentation de la CSG pour les médecins du secteur 1 ou en OPTAM (toutes les parties ne sont pas d’accord). La télémédecine reprendra son cours, dans un mois.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne

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