Professeur de psychologie sociale du travail et de la santé à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, à Besançon, le Pr Didier Truchot a mené une étude sur les facteurs de stress pouvant conduire au burn out des médecins généralistes*. Présentée lors du colloque SPS sur les soins aux soignants en situation de vulnérabilité, l’étude confirme que c’est la sensation d’être empêché de bien faire son travail, qui pèse le plus lourd.  Entretien.

 

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Egora : Les résultats de cette étude mettant en avant le poids prioritaire du stress liés au sentiment d’être empêché de bien faire son travail vous ont-ils surpris ?

Pr Didier Truchot : Pas vraiment. Je scrute les médecins généralistes depuis 2001, et cette dernière étude vient s’ajouter à toute une série d’autres, et notamment une thèse de médecine que j’avais dirigée, où l’on avait trouvé des résultats un peu semblables. Le peu d’influence de la charge de travail sur le burn out ou la fatigue compassionnelle, est une donnée que j’observe depuis très longtemps et ce qui me plaît dans cette dernière étude, c’est qu’à l’inverse, elle conforte une hypothèse que j’avais émise sur l’influence du travail empêché en cette matière. Donc, non, je n’ai pas eu de grosses surprises.

Cette mise en lumière de certains facteurs de stress, permet-elle d’envisager des solutions pour limiter le phénomène ?

Ce que dit cette étude, c’est que ce n’est pas la peine de chercher du côté de la charge de travail. J’ai fait une étude qui démontre que les médecins qui se replient sur leurs loisirs au détriment d’un engagement professionnel, comme par exemple certains jeunes médecins, sont ceux qui ont le plus de burn out. Donc, il ne faut pas rechercher le bien être par la réduction des heures de travail. Je ne dis pas que travailler beaucoup n’est pas fatiguant, mais je pense que ce n’est pas ce qui esquinte le plus les médecins généralistes – à ne pas confondre avec des infirmières qui travailleraient à l’hôpital, par exemple. Pour les médecins généralistes, il s’avère que l’amplitude horaire n’est pas quelque chose d’important.

Ce n’est pas mon job de proposer des solutions mais lorsqu’on regarde les items du travail empêché, cela amène à réfléchir aux dispositions à prendre pour ne pas être sans arrêt confronté au fait qu’on n’arrive pas à faire son boulot convenablement. Certes, le manque de temps joue sur le fait que le travail est mal fait, mais ce n’est pas le manque de temps, directement, qui va jouer. Ce qui va avoir un rôle, c’est de savoir comment on gère ce temps, c’est l’organisation.

Ce curseur se retrouve-t-il dans d’autres groupes professionnels ?

Tout groupe professionnel est réputé être frappé par un stresseur qui lui est spécifique. On imagine par exemple que pour les sapeurs-pompiers, c’est le fait d’aller désincarcérer de gens dans les voitures. On imagine aussi que pour les personnes qui travaillent en cancérologie, c’est le fait de côtoyer la douleur et la mort, or, en fait, ces stresseurs ne sont pas du tout liés au burn out, ils donnent au contraire du sens à la profession. Mais le travail empêché, le fait de ne pas pouvoir bien faire son boulot, c’est une doléance que l’on va retrouver dans un ensemble important de professions.

 

* L’étude s’est déroulée du 10 au 23 novembre 2017 en partenariat avec le groupe Vidal. Elle a été menée auprès de 1 654 médecins généralistes libéraux répartis sur toute la France : 46% d’hommes et 54% de femmes de 50 ans d’âge moyen. 81% ont un secrétariat, 19% n’en ont pas ; 62% exercent en cabinet de groupe, 38% sont seuls. 49% exercent en milieu urbain, 35% en semi-rural, 16% en rural ; 83% vivent en couple, 17% vivent seuls. Une consultation médicale dure en moyenne 18 minutes. Un médecin travaille 46,7h par semaine et fait 26 consultations par jour.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

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