La nouvelle Ministre de la Santé sera épaulée par un énarque, frais émoulu d’un institut de prévoyance (assurances santé complémentaires, retraite), pour diriger son cabinet. Les réseaux sociaux s’emballent, mais les Généralistes de la CSMF, plutôt contents, veulent raison garder.

Ancien directeur adjoint de Humanis, un gros Institut de prévoyance (complémentaires santé et retraite collectives), Gilles de Margerie a été nommé directeur du cabinet d’Agnès Buzyn, la nouvelle Ministre des Solidarités et de la Santé. Et immédiatement, dès les premières rumeurs de cette nomination, les réseaux sociaux sont entrés en éruption pour dénoncer la stratégie de démantèlement de la sécurité sociale solidaire que cette arrivée sous-tendrait… Les inspecteurs des finances seraient “à la manœuvre”, derrière le sourire avenant de la Ministre de la Santé, émanation de la société civile, grince ainsi un internaute soutenu par un confrère, qui voit déjà “les médecins libéraux aux mains des assureurs”.

Faut-il redouter cette nomination ? Sûrement pas à la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) et chez Les Généralistes-CSMF, qui voient au contraire “d’un bon œil” et conformément aux engagements du nouveau Président, la protection complémentaire entrer officiellement dans le champ du financement de notre protection sociale. Mais sous un mode plus “soft” que ne le proposait François Fillon.

Le candidat Macron s’était en effet engagé à atteindre trois objectifs sur la durée du quinquennat : reste à charge zéro pour les prothèses dentaires, auditives et l’optique ; simplification de la lisibilité de la protection complémentaire santé, avec mise sur le marché de trois contrats type compréhensibles pour tous et enfin, réforme du système des retraites. Alors qu’on parlait de lui comme future Ministre de la Santé, le Dr Olivier Véran avait également précisé que le candidat d’En Marche ne voulait pas supprimer les dépassements d’honoraires, mais au contraire, les solvabiliser.

“Nous sommes contents de la configuration du nouveau cabinet de la Ministre de la Santé”, confirme Luc Duquesnel, le Président des Généralistes-CSMF. “Nous avons atteint les limites du financement par un seul payeur, l’assurance maladie. Ces limites, nous les avons atteintes durant les 8 mois de négociations conventionnelles”, argumente-t-il.

Parallèlement à la convention médicale, le volet prévention de la loi de Santé – majoritairement consensuel parmi les médecins – ne s’est pas concrétisé et est resté au stade de vœux pieux, faute de financement ad hoc. “En matière de prévention, il y a des secteurs qui pourraient intéresser les assureurs complémentaires”, souligne-t-il. Cette conclusion a été tirée lors de la dernière assemblée générale de la CSMF, où Jean-Paul Ortiz, son Président, a été mandaté pour prendre contact avec des assureurs complémentaires, dans le but “d’envisager des relations permettant une meilleure prise en charge des soins couverts par l’assurance maladie obligatoire, tout particulièrement des compléments d’honoraires”, mais également ouvrir d’autres champs tels des actions de prévention, de développement de télémédecine, de certains enjeux de santé publique.

Les adhérents des Généralistes-CSMF doivent-ils pour autant se réjouir de ce rayon de soleil, après les années noires de Marisol Touraine ? “Cela ne peut pas être pire qu’avant”, balaie sobrement le Dr Duquesnel. A l’heure du bilan, le leader souligne que deux données ont contribué à plomber le quinquennat : d’une part, le “dogmatisme” de la Ministre, qui s’est illustrée pleinement avec l’épisode du tiers payant obligatoire et généralisé et d’autre part, la situation économique de la France. “Le budget de la sécurité sociale a été rudement mis à contribution pour réduire notre déficit, ce qui a entravé toute marge de manœuvre”, souligne le généraliste qui se refuse à tout pronostic pour la nouvelle ère qui débute.

Tout est ouvert, mais on ne sait pas où mettre le curseur. Ce gouvernement sera-t-il aussi sévère que le précédent, s’agissant des comptes sociaux ? Quelles seront les priorités de Gérald Darmanin qui va exercer la tutelle, depuis Bercy, sur la sécurité sociale et l’assurance maladie ?” s’interroge Luc Duquesnel, regrettant qu’il n’y ait “aucune lisibilité” permettant de répondre à ces questions. Nous ne tarderons pas à être fixé car le PLFSS 2018 se prépare dès maintenant.

Il attend de voir ce que ce gouvernement “a dans le ventre” par rapport à la médecine libérale et aux soins primaires. “Notre mode de rémunération n’est plus adapté à nos conditions d’exercice, qui ont changé et nous conduisent à traiter des patients polypathologiques, avec des consultations qui s’allongent et se complexifient”, répète le patron des généralistes de la Conf’ dont le syndicat n’a pas signé la convention. Certes, “tout est ouvert”, mais chat échaudé…