Depuis quelques semaines, Sacha*, 25 ans, donne un aperçu de son quotidien d’externe à des centaines de lycéens avides d’en savoir plus sur le milieu carabin. Ce qu’il a mis un an à comprendre, il le partage avec ces jeunes sur le réseau social Snapchat, pour les aider à relever le challenge des études de médecine et tordre le cou à certaines idées reçues.
Etudiant en terminale, le jeune Sacha* veut faire médecine pour “changer la vie des gens”, mais aussi et surtout pour la “liberté d’exercer où on veut quand on veut, même à l’international”. Une ambition aussitôt réfrénée par son entourage. “On m’a dit que c’était dur, que ce n’était pas pour moi car je n’étais pas un grand bosseur et que je me reposais trop sur mes acquis. On m’a dit que je perdais mon temps à essayer, que c’était pour les meilleurs, qu’il n’y a que ceux qui ont eu une mention très bien au bac qui y arrivent.” Aujourd’hui, arrivé en 5e année de médecine, cet externe de la faculté de Créteil montre la voie à des centaines de jeunes qui veulent suivre ses pas.
Un aperçu de sa vie
Déterminé à aider d’autres lycéens et étudiants à “faire mentir les statistiques” et à passer outre ce discours qu’il juge volontairement décourageant et “anxiogène”, Sacha crée sa chaine sur le réseau social favori de la jeune génération** : Snapchat. Chaque jour ou presque depuis quelques semaines, l’externe leur donne un aperçu, en photo, de sa vie d’étudiant en médecine : sa liste de bouquins, sa fiche de paie d’externe, le scanner de l’hôpital, une imagerie, un cours, l’heure à laquelle il finit de travailler, sa mission de garde.
L’externe prend bien soin d’anonymiser les photos : pas de patient, pas de service et plus de nom d’hôpital. “La communauté médicale a grondé au début, il a fallu que je rende des comptes”, lâche-t-il. Depuis, l’externe prend… toutes les précautions : s’il publie le cliché d’une radio, c’est seulement plusieurs jours après sa réalisation, pour éviter tout recoupement. Même si de tous les réseaux sociaux, Snapchat est probablement le plus respectueux de la déontologie : les photos peuvent être visionnées durant 10 secondes seulement, avant de disparaître. Si l’abonné veut les conserver, il doit faire des captures d’écran avec son smartphone.
Tordre le cou aux idées reçues
Le succès est au rendez-vous : en trois semaines, plus de 2000 jeunes se mettent à suivre Sacha, ou “Esdoc”. Car si ces situations “très concrètes” semblent “évidentes” pour un étudiant en médecine du même niveau que lui ou un professionnel, elles sont “obscures et passionnantes pour quelqu’un qui n’est pas du milieu médical”. Un univers que l’étudiant a mis un an à apprivoiser. “Je trouve aberrant qu’on demande à des jeunes de 17 ans de choisir sur un ordinateur ce qu’ils veulent faire de leur vie [le fameux choix APB, Admission post Bac, NDLR] alors qu’ils ne connaissent rien du monde du travail, du monde de l’hôpital, ni de la santé”, relève l’externe.
Il s’attache donc à leur montrer ce qui les attend, et à tordre le cou à quelques idées reçues au passage. “Quand on choisit médecine, on ne choisit pas un métier avec des horaires, un salaire et des attributions, on choisit un mode de vie, juge-t-il. On n’est plus à son rythme, mais à celui du service. Ça va aussi nous déterminer dans l’espace : quand on est interne et qu’on choisit une spécialité particulière, on peut être envoyé en province. C’est pas ‘je suis bien classé, je vais finir dans le service du Dr House’.”
Autre message que Sacha souhaite marteler : non, la première année de médecine n’est pas la plus difficile. “Il faut leur dire que ce n’est pas vrai, que toutes les années sont dures, que c’est tout le temps long et que les responsabilités vont crescendo, que l’externat c’est un concours qui dure trois ans avec 30 bouquins de 1000 pages, avec l’hôpital le matin, etc. sinon ils vont déchanter”, souligne l’externe, qui prêche la bonne parole dans les lycées. Combien d’étudiants en médecine ont abandonné, faute d’y avoir été préparés ?
Conscient qu’il allait rentrer dans un long tunnel de révisions, Sacha s’est d’ailleurs octroyé “une année de césure” à la fin de sa 3e année. “Pour voyager. C’était le moment où jamais. La plupart des jeunes en médecine sont passés de la bibliothèque du lycée à la bibliothèque de la faculté et arrivent à 25 ans sans avoir rien vu”, déplore-t-il. Sa vocation n’est pas tombée du ciel : il a pris le temps de la mûrir. “Je n’ai pas été appelé. Le goût on l’a quand on a trouvé un service dans lequel on est bien, ses affinités avec une matière, avec ses patients, les combats qu’on veut mener et son rythme à l’hôpital.” Pour Sacha, ce sera la neurologie.
*Prénom d’emprunt.
**Huit millions d’utilisateurs actifs en France, dont la majorité ont moins de 24 ans.
Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques
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